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Idées

Algérie-Quelles missions nouvelles pour les collectivités locales, déconcentration ou réelle décentralisation?

Par Yazid Ferhat
août 29, 2015
Algérie-Quelles missions nouvelles pour les collectivités locales, déconcentration ou réelle décentralisation?

Le gouvernement réunit encore une fois les walis face à une conjoncture financière préoccupante. Il m’a  semblé utile  de faire la synthèse de prépositions faites en 2004 dans un ouvrage collectif réalisé sous ma direction que j’ai présenté d’ailleurs à l’Ecole Nationale d’Administration ENA- Alger  en présence de représentants de la présidence de la république, de membres du gouvernement, d’experts  et de la presse nationale. (1)

 

1. La gestion efficiente des espaces

Au préalable il s’agit de dresser un état des lieux. Dans le système algérien, les  collectivités locales  ont pour l’essentiel constitué des entités assistées par un Etat qui, outre ses prérogatives propres, se voulait être l’unique gestionnaire de l’économie. Les responsables locaux n’étaient donc, de ce fait, que des exécutants des politiques et décisions arrêtées au niveau central et qui se traduisaient au niveau communal par la réalisation des actions et programmes arrêtés en séance d’arbitrage par l’organe central de la planification, au titre des plans annuels et des enveloppes budgétaires. C’est ainsi qu’outre les orientations très directives qu’impliquaient déjà les programmes alloués, les communes et wilayas furent  sous tutelle étroite de l’Etat central via le Ministère de l’intérieur.  L’Etat prenait  pratiquement en charge toute la politique sociale et intervenait très largement par ailleurs, dans la gestion du foncier et de l’urbanisme. Des directives furent ainsi données à une certaine époque aux  wilayas, pour la cession de terrains à bâtir et toute la politique du logement fût quasi totalement confiée aux wilayas.  Cette situation a eu pour effet une déresponsabilisation de l’autorité centrale  déconcentrant les problèmes   walis  où ce  sont les Walis avec leurs   démembrements- Dairas – APC  qui furent directement confrontés à la grogne du citoyen, motivée par les besoins de logement, de qualité de vie, d’emploi et autres. L’anarchie dont témoigne actuellement la croissance et les extensions désordonnées de nos villes, et notamment les plus grandes d’entre elles, ne pourra que s’accentuer, si l’on continue à accepter que les autorités locales  demeurent livrées à elles mêmes pour répondre, sous la contrainte, à la demande sociale en espace à bâtir.

2.-Quelles sont les mesures de redressement ?

a.- Emergence d’une administration  locale responsable

Avec la nouvelle conjoncture économique et politique, il est indispensable et urgent de restituer les rôles et responsabilités des différents niveaux d’administration de notre territoire. Parallèlement au nouveau rôle d’animation et de régulation de la vie économique et sociale du pays que se fixe l’Etat, il s’agit conformément aux principes de la démocratie et de la décentralisation, de redonner à l’administration locale  toutes les prérogatives et les moyens d’action d’une autorité locale pleinement responsable.

b.-Les obligations de l’Etat dans la perspective d’une décentralisation responsable.

Dans le processus de décentralisation, l’Etat moderne doit veiller à accorder aux collectivités locales, toutes les prérogatives et tous les moyens qui leur permettront d’assurer la totale responsabilité de gestion de leurs territoires respectifs, tout en sauvegardant l’unicité des politiques et stratégies nationales qui doivent, dans l’intérêt général, transcender les conjonctures locales.  Outre la refonte du statut de l’administration locale, il va sans dire que les prérogatives nouvelles qui en découleront pour l’autorité locale  ne pourront s’exercer que si elles sont accompagnées par une réforme des finances locales.  Chaque collectivité locale doit ainsi disposer d’un budget propre et de l’autonomie de son utilisation, afin que le citoyen puisse juger de la capacité de son administration communale à gérer son territoire de résidence et à améliorer ses conditions de vie. Dans le même temps, l’Etat doit sauvegarder  ses missions fondamentales de garant de tout ce qui constitue les intérêts de la communauté nationale (cohésion et justice sociale, sauvegarde du patrimoine public, égalité des chances pour l’épanouissement  de tous les citoyens…). L’autonomie de la gestion locale  ne peut s’exercer que dans le respect des politiques et stratégies que met en œuvre l’Etat, tant pour régler et orienter le développement économique et social du pays, que pour aider et organiser le développement équitable et la bonne gestion de toutes les composantes de l’espace national.

3.- La wilaya via les APC, entreprise de  prestation de services et de création de richesses

a.-Comment améliorer l’accueil du public ?

Le siège de la commune est le premier repère pour le citoyen dans son jugement sur la grandeur de l’Etat républicain.  Il est bien évident que l’état de délabrement de la bâtisse, l’absence d’entretien des espaces ouverts, la tenue des fonctionnaires, le mauvais accueil, comme c’est souvent le cas, ne peuvent que renvoyer à une image négative de la perception de la notion d’Etat. Dans la pratique quotidienne, que ce soit pour un extrait de naissance ou tout autre document, le citoyen mal renseigné sur ses droits et livré à lui-même dans le labyrinthe de l’administration est ballotté de service en service. Quand ce type d’attitude devient répétitif, cela génère une forme de divorce entre le citoyen et l’Etat et souvent une perte de confiance. Dans ce cas, la réhabilitation de l’autorité et de la crédibilité de l’Etat prend le sens d’une mutation profonde des centres d’accueil du public. Pour réaliser cet objectif, l’action devra porter sur trois éléments essentiels qui sont : l’homme, les moyens de travail et le cadre d’accueil. Pour ce qui concerne le premier élément, les préposés au guichet d’accueil doivent être sélectionnés sur la base de critères rigoureux qui font référence à la loyauté, à la disponibilité d’écoute, à la qualité et à la célérité dans l’exécution d’un service.  Ces fonctionnaires, dont la situation matérielle doit être nécessairement améliorée, devraient se sentir impliqués dans le combat que l’Etat aura à mener contre l’injustice et le peu de considération accordée au service public. Il y a donc nécessité d’une formation spécifique de ce personnel qui doit apprendre à écouter, à communiquer, à convaincre, à considérer autrui avec courtoisie. Le deuxième aspect a trait aux conditions de travail des fonctionnaires de la commune, à la pénibilité du travail manuel, à son caractère routinier, à la lassitude qui prend forme au fil de l’exercice de cette fonction et à la pression du public au niveau des guichets qui fait perdre aux fonctionnaires le sens des relations humaines. Dans ce cas, l’informatisation des services et l’amélioration du confort prend l’allure d’une action prioritaire, dont la finalité sera l’émergence d’un cadre convivial d’accueil propice à la sérénité dans les relations humaines. Le troisième point relève du souci de transmission d’une image positive d’un Etat rigoureux dans la gestion de la chose publique, respectueux de sa population et soucieux de mieux la servir. Cette image doit trouver sa traduction dans l’état des lieux, le traitement des espaces extérieurs, la propreté des services, le service d’accueil et l’orientation du public, la tenue du personnel et dans tous les éléments qui permettent au citoyen de mesurer le degré de considération qu’on lui accorde. Cette politique prend le caractère d’un investissement pour la réalisation d’un cadre convivial, qui facilite le rapprochement de l’Etat et du citoyen et les prédispose à engager ensemble des actions  » partenariales  » de nature multiforme, dont la finalité serait une meilleure cohésion sociale.

b.-Comment satisfaire la demande sociale ?

Il faut tout d’abord considérer que les effets négatifs du pilotage à vue qui a caractérisé la gestion de nos communes, ont été largement compensés par le recours massif aux concours définitifs que l’Etat octroyait au titre des plans communaux définitifs (PCD). Dès lors que ce soutien s’est amoindri, il ne pouvait y avoir qu’émergence des problèmes latents, et même si l’Etat n’est plus en mesure de satisfaire totalement les besoins exprimés, la revendication consiste en une meilleure justice dans la répartition des moyens, dans l’équité du bien être social.   Or, comment peut-on être juste et équitable quand notre connaissance du milieu sur lequel nous voulons agir n’est qu’intuitive et forcément subjective devant  comprendre :

-ce qui motive l’angoisse et le désarroi de la jeunesse ;

-ce que vivent les gens dans leur quotidien quand ils prennent le transport public ou quand ils vont chercher de l’eau, ramasser du bois pour se chauffer en milieu rural;

-les appréhensions des parents quand ils envoient leurs enfants à l’école, souvent éloignée de leurs domiciles en zones rurales et particulièrement de montagne, steppique ou saharienne ;

-le quotidien des personnes âgées, des handicapés et tous ceux qui sombrent progressivement dans un état de détresse.

L’inventaire non exhaustif de la morosité du quotidien du citoyen, donne toute sa signification stratégique à la connaissance scientifique du milieu social sur lequel on  se doit d’agir,  pour tendre vers l’idéal à la fois d’efficacité économique par une meilleure gestion  et  de cohésion sociale. Pour ce faire, il faut d’abord avoir l’humilité nécessaire pour reconnaître nos limites dans ce domaine et considérer que la  « radioscopie sociale » est le premier élément d’une action pérenne qui tend vers cet objectif.  Il faut pour cela donner la primauté aux études de cas et aux enquêtes pour établir une véritable  » cartographie sociale  » qui devra faire ressortir la spécificité dans la nature des problèmes de chaque quartier, en milieu urbain, et de chaque agglomération ou centre de vie, en milieu rural.  C’est ainsi que l’on saura comment se distribuent géographiquement la demande de l’emploi, la pauvreté, la précarité des conditions de vie, les populations à risques etc., et que l’on pourra disposer de connaissances et de données pour la mise en œuvre des stratégies adéquates. Cependant, l’ensemble des actions citées précédemment  implique un Etat de Droit, la démocratisation  de la société pour une société participative et citoyenne  donc la restructuration du système partisan ainsi que la société civile  comme puissant réseau de mobilisation devant s’insérer  dans le cadre d’une réorganisation  tant gouvernementale autour de grands ministères  que territoriale   se fondant sur la régionalisation économique (pôles socio-économiques régionaux)  à ne pas confondre avec l’avatar du régionalisme.

(*) Professeur Abderrahmane MEBTOUL Expert international

1)-Ouvrage collectif sous la direction  du professeur  Abderrahmane Mebtoul   « enjeux et défis de l’Algérie 2004/2009 face aux enjeux de la mondialisation »   paru à Casbah Editions Alger mai  2004         2 tomes 500 pages avec les universitaires et praticiens de l’économie Pr Chouam BOUCHAMA, Pr  Mohamed TAIBI, Dr Mohamed SABRI, Boutlelis ARAF, Dr Youcef  IKHLEF    

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