Le gouvernement Sellal fait le forcing pour réduire les importations. A défaut de pouvoir augmenter les exportations, il agit sur le seul levier dont il dispose pour équilibrer la balance commerciale.
Au cours de la tripartite qui s’est tenue en début de semaine à Annaba, le Premier ministre Abdelmalek Sellal a annoncé des résultants qu’il considère probants dans son offensive contre les importations. Acculé par la baisse des revenus pétroliers, il a lancé, depuis deux ans, une vaste offensive qui lui a permis de ramener les importations de 58.6 milliards de dollars en 2014 à 46.7 milliards en 2016, après une première baisse à 51.7 milliards en 2015. Il envisage de les ramener à 35 milliards de dollars, pour équilibrer la balance commerciale.
L’évolution de ces chiffres montre une baisse des importations de sept puis cinq milliards de dollars, depuis qu’un effort a été engagé dans cette direction. A ce rythme, M. Sellal peut raisonnablement espérer atteindre son objectif de 35 milliards d’importations à fin 2018. Avec un pétrole au-dessus de 50 dollars le baril, il pense qu’il peut ainsi parvenir à équilibrer la balance commerciale.
Pour y arriver, le gouvernement a choisi d’engager une démarche à la hussarde, avec le recours à une méthode administrative qui a fait de sérieux dégâts collatéraux. La formule des licences d’importation, entamée avec les véhicules et élargie à d’autres produits, a provoqué une flambée de certains produits non prioritaires : le prix des véhicules a été multiplié par deux entre 2014 et 2016. Un véhicule neuf acheté il y a deux ans peut être revendu aujourd’hui nettement au-dessus de son prix d’achat.
Une marge importante
Sur cette première tranche, le gouvernement a mordu dans le gras. Il n’y avait pas trop de risques. Les importations de véhicules avaient déjà amorcé un repli bien avant l’introduction des licences, les Algériens ayant comblé leur déficit d’équipement durant les années fastes (2011-2013), lorsque les importations avaient atteint 550.000 véhicules par an. La marge de l’inutile et du gaspillage permettait aussi d’opérer sans trop de risques. L’ancien ministre du commerce Bakhti Belaïb avait estimé les sorties illicites de devises autour de 18 milliards de dollars par an.
A partir de 2017, les choses vont toutefois se compliquer. Quels nouveaux produits cibler sans risque de ralentir l’activité ni menacer la paix sociale? Personne n’ira manifester pour protester contre le contingentement des bananes et de nombreux produits non indispensables, mais la marge va se rétrécir. Les gains pour chaque produit vont devenir moins consistants.
Produits finis et produis assemblés
D’autre part, remplacer l’offre de véhicules importés par d’autres, produits localement, peut apparaitre comme une solution séduisante, mais les véhicules produits en Algérie sont eux aussi importés en kits, avec une part d’intégration très limitée. C’est l’une des faiblesses de l’économie algérienne, que le gouvernement ne maitrise pas : l’appareil productif algérien dépend fortement de matières premières et de composants importés. Toute restriction sur les importations peut avoir un effet immédiat sur la production locale.
Cela peut même déboucher sur une situation kafkaïenne. Un pneu importé risque ainsi d’être taxé d’une manière différente, selon qu’il soit destiné à une usine de montage ou à une vente sur le marché libre. Cela peut devenir source de trafics à grande échelle.
Approximations
Par ailleurs, les chiffres avancés par M. Sellal contiennent une omission importante: la balance des services. Celle-ci est enregistre un déficit annuel évalué par l’économiste Abderrahmane Mebtoul entre 10 et 12 milliards de dollars par an. Cela signifie que si la balance commerciale subit encore un déficit de 16 milliards de dollars, le déficit de la balance de paiements s’élève à 28 milliards de dollars, qui seront puisés dans les réserves de change.
Mais M. Sellal n’est pas à quelques approximations près. Lors de la tripartite organisée à Annaba, il a avancé des chiffres différents de ceux de l’administration. Il a promis que les réserves de change ne descendraient pas au dessous du seuil de 100 milliards de dollars, avant d’annoncer, cette semaine, qu’elles seront à 96 milliards dès l’été prochain.
Mais la première erreur de M. Sellal est ailleurs. Elle est dans la mise en avant de ces chiffres concernant les revenus du pétrole et leur impact sur la balance commerciale. Tant que le curseur économique sera pointé sur le prix du pétrole, l’économie algérienne n’évoluera pas.