Fragilité du marché, saison creuse, long week-end : tous les ingrédients étaient réunis pour pousser les produits frais vers le haut durant la semaine de l’Aïd El-Adha.
La salade verte a tenu la vedette durant la semaine de l’Aïd El-Adha. A 200 dinars le kilo, elle a éclipsé la courgette et le navet, qui ont, eux aussi, atteint un niveau de prix exceptionnel : 200 dinars pour la première, et 150 pour le second.
Mais derrière cette spectaculaire flambée des prix de quelques produits secondaires se cachent des éléments de fond qui ont agi de concert pour pousser les prix vers le haut. Tout en expliquant la hausse enregistrée, ces facteurs confirment la fragilité du marché algérien et son extrême sensibilité à la moindre secousse.
1. Le marché algérien des produits frais fonctionne à flux tendus. Il ne comprend pas de facteur de régulation efficace. Toute perturbation (vague de froid, long week-end) provoque des effets en cascade. Les acteurs n’ont ni la souplesse ni la volonté ni la capacité d’intervenir rapidement pour rétablir les équilibres du marché.
2. L’Etat ne dispose pas des leviers nécessaires pour tenter d’influer sur les prix. Les deux méthodes qu’il connaît, favoriser les importations ou inonder le marché avec des produits stockés ne fonctionnent pas pour les produits frais.
3. La hausse des prix de produits frais depuis quelques semaines va se poursuivre durant le mois d’octobre, pour une raison évidente : nous sommes en saison creuse. La période qui s’étend entre début septembre et fin octobre couvre la saison la plus pauvre de l’année. Les produits de l’été (tomate, oignons, pomme de terre…), sont épuisés, et ceux de l’automne ne sont pas encore arrivés sur le marché. La saison offre poivrons et raisins uniquement.
4. Cette rareté a été accentuée par le cycle de commercialisation des produits frais. En général, entre la récolte d’un produit et son arrivée chez le consommateur, en passant par son passage au marché de gros puis celui du détail, il s’écoule deux à trois jours. Craignant une période creuse, les fellahs évitent de procéder à des récoltes trois à quatre jours avant l’Aïd. Ils ne reprennent la récolte que deux jours après l’Aïd. C’est donc une période de cinq jours à blanc. Pour approvisionner à nouveau le marché et le ramener à une situation normale, il faudra probablement une dizaine de jours.
5. Cette période est aussi celle où l’offre de pomme de terre est la plus faible. Or, la hausse du prix de la pomme de terre entraîne celle de tous les autres produits. Il faut donc s’attendre à une nouvelle hausse dans les semaines qui viennent ou, au moins, à un maintien de prix élevés, jusqu’à l’arrivée de la pomme de terre de Mostaganem, dans un mois.
6. Certains produits agricoles frais sont définitivement condamnés à un prix élevé, à cause du manque prononcé de main-d’œuvre. La récolte de produits comme les haricots verts, les petits pois, etc., nécessite une main-d’œuvre abondante et chère. La main-d’œuvre peut absorber la moitié de la production. La salade verte constitue, par ailleurs, un cas particulier. Depuis deux années, le prix était si bas que de très nombreux fellahs, ruinés, l’ont abandonnée. Beaucoup ont abandonné la récolte plusieurs fois de suite, transformant leurs champs de laitue en pâturage. Ceux qui se sont accrochés cette année sont peu nombreux. Pour eux, c’est le jackpot.
7. Le gouvernement peut se consoler en soulignant que les produits qui ont subi les plus grandes hausses de prix sont en fait des produits secondaires, qui ne menacent pas la paix sociale. Personne ne va manifester pour protester contre la rareté de la courgette. Par contre, l’instabilité des prix confirme que le marché reste encore fragile, sensible à la moindre fluctuation. C’est là un véritable souci pour le gouvernement.