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Algérie – Suppression de la retraite anticipée : le Gouvernement ne sait plus où donner de la tête

Par Maghreb Émergent
octobre 14, 2016
Algérie – Suppression de la retraite anticipée : le Gouvernement ne sait plus où donner de la tête

Le Gouvernement fait feu de tout bois pour parer au stress budgétaire qu’il subit : réduction du budget de fonctionnement, suppression progressive de certaines subventions, limitation importations, etc. Mais de toutes les décisions qu’il est en train de peaufiner dans le silence de ses coulisses, une seule a réussi à faire bouger le front social : la réforme de retraites.

 

En effet, l’annonce de la fin programmée du régime de la retraite anticipée à réussir d’abord à faire sortir les syndicat de l’Education, de la Santé et de la Fonction publique de leur silence et les faire entériner la décision d’aller vers une grève générale le 17 et 18 du mois en cours. Cette initiative syndicale, qui intervient dans une conjoncture financièrement difficile et socialement tendue, se dresse comme un iceberg sur le terrain face au paquebot-Gouvernement qui navigue à vue d’autant plus que « la réforme des retraite à laquelle s’opposent les syndicats constitue un élément phare dans la politique de rationalisation des dépenses qui, elle, se veut, la plaque tournante du « nouveau modèle économique » chanté par Sellal. Le nouveau modèle économique se heurtera-t-il donc à « l’iceberg syndical » qui commence à surgir sur son chemin ? « Non, » répond fermement l’expert financier Ferhat Ait Ali. « Les syndicats en Algérie, quelque soit leur obédience, ne sont pas une force de proposition mais juste des voix populistes qui doivent se faire une base même sur la surenchère et l’irrationalité. Ils n’ont strictement rien à proposer. S’ils étaient sérieux, ils auraient réclamé les chiffres détaillés de la CNR avant de se positionner. Quant aux officiels, ils n’ont pas réussi dans d’autres domaines pour qu’on leur accorde le crédit de le faire maintenant », analyse-t-il en mettant dos à dos l’intersyndicale autonome et le Gouvernement. En effet, selon lui, si le syndicat se contentaient de rejeter le projet de réforme porté par le Gouvernement, celui-ci se dirige carrément vers un précipice. « Si le Gouvernement supprimait la retraite anticipée, cela soulagera un peu la CNR en terme de pensions et prestations versées aux pensionnés, en réduisant leur nombre à venir, et en augmentant leurs cotisations, du fait d’un nombre plus important de cotisants maintenus dans ce statut. Mais on oublie, au passage, que le Trésor entretient en même temps et la caisse par subventions et une bonne partie des fameux salaires qui cotisent, ce qui l’obligera à payer 6 salaires pour éviter une pension à sa charge »,explique-t-il. En effet, détaille M. Ait Ali dans ce sens, « sur 40 milliards de dollars de salaires versés, 20 milliards viennent de la Fonction publique et au moins 5 du secteur public économique » et que « le gros des autres secteurs privés sont de mauvais cotisants, et ne peuvent supporter en même temps une pression fiscale et parafiscale aussi lourdes avec des chiffres d’affaires de plus en plus restreints ».

Revenant sur la nature de la CNR, au déclaration de son éventuelle « faillite » en cas de non mise en marche de la réforme préconisée par l’équipe Sellal, Ferhat Ait Ali a indiqué que celle-ci « a toujours été pillée et subventionnée en même temps ». « La dernière fois qu’un DG de la CNR a évoqué sa faillite, c’était monsieur Aouissi en 1996, et il a été limogé sine die. A l’époque, le Gouvernement a même ponctionné la Caisse pour payer les pensions des moudjahidines sur ses avoirs, » a-t-il rappeler avant de préciser que, avec 50% de déficit prévisionnel pour 2016, la CNR est en situation de quasi cessation de paiement et que, au lieu de mettre sur la table l’intégralité de ses comptes pour savoir qui verse quoi et qui prend quoi et comment, on présente des constats de surface. « On a voulu vivre comme des pays rationnels avec les mêmes mécanismes, alors que tout l’environnement économique censé alimenter ces mécanismes est vicié et échappe à toute rationalité. Parler de la CNR dans l’environnement économique algérien, c’est comme parler de ski dans la savane de Namibie », tranche-t-il. Néanmoins, Ferhat Ait Ali ne ferme pas les portes devant la possibilité de sortir de cette impasse. Pour lui, « la CNR est réformable mais pas avec des mesures de bricolage comptable où les salariés sont les premiers visés par les restrictions, mais avec des mesures radicales ou tous les comptes sont mis sur le tapis ». Ferhat Ait Ali plaide par ailleurs « pour le maintien du financement des retraites sur fonds publics et la réduction des salaires et effectifs de la fonction publique et des subventions sans objet social » tout en considérant que « l’histoire des 60 ans ne changera strictement rien à la situation qui a dépassé ce cadre ». « Il serait plus honnête de revoir le fonctionnement du Fond spécial des hautes fonctions de l’Etat, et il y a beaucoup à gagner à le mettre au régime général des cotisations et des prestations, soit au plan financier soit au plan de la moralité et du sérieux qui sied à tout Etat sérieux », conclut-il avec la rigueur qui lui est habituelle. Autrement dit, selon notre expert, ni le Gouvernement n’est en train de mener une réforme sérieuse, ni les syndicats ne le poussent à en faire et que tous les deux sont dans un paradigme populiste.

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