Le ministre de l’Enseignement supérieur, Tahar Hadjar a critiqué la mauvaise prise en charge des étudiants. Plus de 100 milliards de dinars sont en jeu.
« L’Etat algérien donne des milliards mais les étudiants sont mal nourris, mal transportés et mal logés. Ceci est inacceptable « , a fulminé Tahar Hadjar, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique lundi 10 octobre à Alger, dans une conférence qu’il a donné devant les étudiants et cadres du FLN, sur la réforme de l’université.
Cette déclaration, qui se veut un tonnerre dans le ciel serein de l’optimisme béat du Gouvernement, laisse entendre que les Universités sont un gouffre financier et que les Œuvres universitaires sont le couloir sombre où se pratiquent toutes les formes de malversation, de détournement et de corruption. Tahar Hadjar a parlé, à cette occasion, de la nécessité de réformer l’université et plus particulièrement, les Œuvres universitaires.
Néanmoins, s’il a été clair et précis quant à la réforme qu’il compte engager en matière de pédagogie, de programmes et de management des campus universitaires et lui a donné un contenu lisible, il a été extrêmement prudent au sujet de la réforme à enclencher dans les œuvres universitaires.
« Il faut réformer notre système de prise en charge des étudiants. Le débat sur la question est engagé mais aucune décision n’a été prise. Nous ne sommes pas pressés. Nous avons tout notre temps, » a-t-il dit dans ce sens. Tahar Hadjar a également précisé qu’il n’a jamais parlé de privatisation des Œuvres universitaires et qu’il n’en parlerait jamais puisque pour lui, « comme pour le FLN, il n’en est absolument pas question. »
Supprimer les œuvres pour donner une bourse aux étudiants ?
L’idée d’une suppression des Œuvres universitaires et leur remplacement par « une bourse individuelle équivalente aux budget alloué par l’Etat à chaque étudiant » fait, depuis quelques années, son chemin dans les coulisses du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique et même du premier ministère.
Cette réforme, proposée initialement par une délégation d’étudiant de Tizi-Ouzou reçue par Rachid Harouabia en 2007, est perçue par nombre de conseils en exercice auprès du Gouvernement comme étant une démarche pour rationaliser les dépenses à travers un meilleur ciblage des destinataires des bourses en question.
Elle est vue aussi comme un instrument efficace et efficient de lutte contre la corruption et la malversation qui sont devenues des phénomènes courants au niveau de plusieurs universités du pays.
Tahar Hadjar serait, selon un de ses proches, « totalement acquis à cette idée. ». Il a encore admis implicitement en public ce lundi que sa mise en œuvre allait se heurter à de fortes résistances, pas nécessairement celles auxquelles on penserait. « Pour réformer les Œuvres universitaires et mettre fin à la situation de délitement actuelle, il faut beaucoup de courage politique », affirme-t-il.
Des intérêts devenus lourds au fil des ans
Le courage politique qui sans doute moins la base étudiante qui peut rester attachée au système actuel, que les réseaux de fournisseurs de services aux étudiants liés par des marchés publics au budget des universités.
L’allusion au fait « inacceptable » que les étudiants soient « mal transportés » renvoie, sans la citer, à l’entreprise la plus emblématique de cette relation de sous-traitance du transport des étudiants, celle de Mahieddine Tahkout.
La réforme qui bafouille sur la langue du ministre redoute sans doute la capacité de nuisance de ce réseau d’entreprises qui contrôlent les marchés de la restauration universitaire, de la maintenance des équipements, du gardiennage et du transport des étudiants.
Mahieddine Tahkout aurait même pris ses distances avec le Forum des chefs d’entreprise (FCE) version Ali Haddad car il estimait que cette organisation ne le protégeait pas contre les velléités gouvernementales de changement du modèle de prise en charge des étudiants par les Œuvres universitaires.
Il manque toutefois dans cette partie de bras de fer en bémol, le point de vue des étudiants sur la conduite du changement au sujet de leur vie à l’université. L’office national pour les œuvres universitaires, l’ONOU, accaparait près de 100 milliards de dinars en 2015, soit 30% du budget de l’Etat consacré au secteur de l’enseignement supérieur.