Le nouveau Premier ministre Abdelmadjid Tebboune entamera un marathon parlementaire à partir du 18 juin. Son gouvernement, le premier formé après l’adoption des nouvelles dispositions constitutionnelles de 2016, doit se conformer aux nouvelles règles. Une simple formalité.
En présentant son « plan d’action » devant le parlement, à partir du 18 juin, le Premier ministre Abdelmadjid Tebboune tentera de donner vie à une procédure institutionnelle très aboutie dans la forme, mais sans consistance réelle sur le fond. Le vote des deux chambres du parlement ne sera qu’une formalité pour le gouvernement, certain d’obtenir une large majorité avec les seules voix du FLN et du RND.
Sur le terrain économique, la marge de M. Tebboune sera extrêmement réduite. Lui qui se plaignait de l’insuffisance des ressources financières allouées à son secteur lorsqu’il était ministre de l’habitat, devra composer avec une situation très tendue et faire des arbitrages très délicats.
Le Premier ministre agira, par contre, sur un terrain nouveau dans l’application des nouvelles dispositions issues de la «réforme» constitutionnelle de février 2016. Son gouvernement sera le premier à être formé selon les règles édictées par la nouvelle constitution. Il n’est plus question de «programme» du premier ministre, mais d’un «plan d’action» supposé appliquer sur le terrain le seul programme qui vaille, celui du président de la république.
Premiers couacs
Mais on décèle déjà une grosse entorse dans l’application des nouvelles dispositions constitutionnelles. En effet, la Constitution précise que le président de la république «nomme les ministres après consultation du premier ministre». La vitesse avec laquelle les choses se sont déroulées, avec le départ de M. Abdelmalek Sellal, la nomination de son successeur et des nouveaux ministres, dans la foulée, a jeté une certaine confusion sur cette étape.
De manière plus large, la réforme constitutionnelle adoptée en février 2016 était supposée introduire un brin de parlementarisme dans un régime algérien ultra-présidentiel. A défaut de devenir de vrais détenteurs de pouvoirs, les parlementaires pouvaient espérer, à terme, devenir membres d’une sorte de majliss echoura, un conseil consultatif que le pouvoir réel serait susceptible de consulter, au moins sur les questions secondaires.
Mais la réalité du pays a rapidement changé la donne. Avec un cocktail comprenant l’état de santé du chef de l’Etat, l’absence de traditions institutionnelles et la part grandissante de l’informel dans la décision politique et économique, il était difficile de garder le cap du rigorisme institutionnel affiché.
Sortie de route
Cette réalité a provoqué une sortie de route très prévisible, et la réforme a abouti à un résultat totalement débridé. Elle a consolidé un système hybride, incontrôlable. Un régime où des pouvoirs, aussi importants qu’occultes, sont attribués à M. Saïd Bouteflika, frère du chef de l’Etat, alors que les autres acteurs de la vie politique sont, au mieux, cantonnés à gérer des secteurs dont ils ne sortent jamais ; au pire, condamnés à jouer de simples rôles de figurants.
La situation peut même devenir ubuesque. Des ministres du gouvernement Sellal ont quitté l’exécutif sans jamais avoir rencontré le chef de l’Etat pour une discussion politique. Ils ne savent pas pourquoi ils ont été nommés, ni pourquoi ils ont été limogés. Les nouveaux ministres se demandent forcément s’ils doivent rendre compte au Premier ministre, à M. Saïd Bouteflika, ou s’ils doivent jouer une carte personnelle pour s’affranchir éventuellement des tutelles en place.