En vigueur depuis juillet dernier, un décret exécutif stipule, en effet, que les transactions doivent être effectuées par les moyens de paiements scripturaux pour l’achat d’un bien immobilier égal ou supérieur à cinq (5) millions de DA, et pour l’achat d’un véhicule neuf, d’équipement industriel neuf, de yacht ou bateau de plaisance, de biens de valeur auprès des marchands de pierres et métaux précieux, pour un montant égal ou supérieur à un (1) million de DA.
L’obligation du paiement par chèque, en vigueur depuis plus d’un mois pour les grandes transactions commerciales, ne démarre pas sur les chapeaux de roue face aux usagers potentiels souvent enclins pour l’argent liquide.
« C’est que la majorité des gens se sont habitués au règlement en espèces », soulignent à l’APS des professionnels dont des banquiers, notaires, agents immobiliers et concessionnaires-véhicules.
En vigueur depuis juillet dernier, un décret exécutif stipule, en effet, que les transactions doivent être effectuées par les moyens de paiements scripturaux pour l’achat d’un bien immobilier égal ou supérieur à cinq (5) millions de DA, et pour l’achat d’un véhicule neuf, d’équipement industriel neuf, de yacht ou bateau de plaisance, de biens de valeur auprès des marchands de pierres et métaux précieux, pour un montant égal ou supérieur à un (1) million de DA.
Mais cette obligation dépendrait d’une condition incontournable: la refonte de la relation banque-citoyens pour une plus grande confiance des Algériens dans leur système bancaire, estime la plupart des professionnels.
« Chez la majorité de mes clients, soit ils ne font pas confiance au système bancaire, surtout après l’affaire de Khalifa bank, soit ils n’ont pas la culture d’utilisation du chèque, tandis que la plupart d’entre eux n’a même pas de compte bancaire. Comment les obliger, du jour au lendemain, à régler par chèque l’achat d’un bien immobilier ou une autre transaction? », s’interroge maître Aïssa B.
Selon ce notaire activant dans un quartier algérois, un de ses clients a même renoncé à vendre un bien immobilier d’une valeur de 100 millions de DA dès que l’obligation du règlement par chèque lui a été évoquée.
Une application, quelque peu « brusque », de cette mesure, argue ce notaire, amènera les gens à chercher des « brèches » pour tenter de contourner la loi en inscrivant auprès du notaire, par exemple, une transaction immobilière au titre d’une opération de don alors que son règlement se fait « au noir » entre le vendeur et l’acheteur.
A en croire cet officier public en notariat, l’obligation du chèque pourrait engendrer une baisse du volume des transactions immobilières inscrites chez les notaires et porter, ainsi, préjudice au Trésor public.
« En une année, je verse habituellement deux (2) milliards de centimes au Trésor au titre des frais d’enregistrement. Mais si le nombre des transactions devant le notaire se réduit, les versements au Trésor baisseront à leur tour », opine-t-il en tenant à préciser qu’il n’est pas contre l’obligation du chèque mais opte, plutôt, pour son application « progressive » en tenant compte de la réalité du terrain.
Ce point de vue n’est pas tout à fait partagé par maître B. Khadidja, également notaire: « Je pense que c’est une question de temps. C’est vrai que beaucoup de nos clients ne sont pas habitués au chèque, mais il faut un début à tout. Ils finiront par comprendre que c’est un moyen de paiement plus sécurisé que le cash ».
Elle relève, cependant, que le chèque pose problème pour certains cas comme pour les héritiers d’un bien immobilier qu’ils mettent en vente alors que le chèque ne peut être émis qu’au nom d’une seule personne.
Mais depuis juillet dernier, les notaires exigent systématiquement le règlement par chèque pour les transactions immobilières dont la valeur est supérieure à 5 millions de DA, assure-t-elle en expliquant que le notaire est tenu d’exiger, depuis, une copie du chèque faute de quoi le contrat de vente ne peut être signé et validé.
« Je suis un agent immobilier et je ne sais pas utiliser de chèque »
Du côté des agences immobilières, s’il est considéré que le paiement par chèque est une « action positive », elles n’en pensent pas moins que des actions de formation et de vulgarisation, sur l’utilisation du chèque et des autres moyens scripturaux, soient souhaitables.
« Je suis un agent immobilier et je ne sais pas utiliser de chèque », avoue un jeune gérant d’une agence immobilière, alors qu’un autre constate que le marché immobilier est « gelé » depuis ces dernières années en raison de la flambée des prix des logements.
« Nous ne voyons pas de problème dans l’obligation du chèque. Mais depuis six mois, notre agence n’a enregistré aucune transaction de vente. A peine, nous en enregistrons deux ou trois par an. C’est le marché de location qui a pris la relève alors que les transactions y sont inférieures au seuil d’un (1) million de DA et qui ne sont, donc, pas soumises à cette obligation », signale-t-il.
Une virée à travers quelques bijouteries d’Alger laisse entrevoir, une nouvelle fois, les mêmes hésitations, voire des atermoiements.
« Nous avons pris connaissance de l’obligation du chèque mais nous ignorons complètement les pratiques des banques en la matière. Mon comptable est, d’ailleurs, allé voir la banque pour nous en informer », dira un bijoutier.
« Je ne vois pas comment il nous est exigé de traiter par chèque alors qu’un simple virement bancaire met une semaine pour être effectué », s’indigne un autre bijoutier qui raconte qu’un de ses clients, résidant à Biskra, a été contraint, l’année dernière, de rester une semaine à Alger pour attendre le transfert bancaire de son argent vers une agence bancaire de la capitale afin de pouvoir acheter une parure de 60 millions de centimes.
« Nos banques sont archaïques et mettent trop de temps même pour un simple virement. Il faut que l’Etat réforme d’abord ses banques avant d’exiger des gens de traiter avec ces dernières », lâche une jeune cliente venue acheter des bijoux.
Concertations concessionnaires véhicules-banques
De leur côté, les concessionnaires-véhicules signalent aussi une certaine réticence des clients par rapport au chèque.
« Nous avons eu des gens venus pour acheter mais qui ont fait marche arrière car ne possédant pas de compte bancaire », souligne une responsable de vente d’un concessionnaire européen, selon laquelle 80% des ventes se faisaient par cash avant le 1er juillet dernier.
Depuis cette date, tout acquéreur se voit invité à régler par chèque bancaire, virement ou chèque postal certifié alors que la livraison du véhicule ne se fait qu’une fois le chèque réellement encaissé, explique-t-elle.
Chez un autre concessionnaire d’une marque asiatique, il est déploré les lenteurs des procédures bancaires: « 4 à 5 jours pour encaisser un chèque bancaire et jusqu’à 20 jours pour encaisser un chèque postal, c’est trop », se plaint-il.
Contacté par l’APS, le président de l’Association des concessionnaires automobiles algériens (AC2A), Sofiane Hasnaoui, considère que c’est le délai du traitement bancaire qui pose problème.
« Les banques mettent trois jours pour traiter un chèque et sept jours pour un virement. C’est beaucoup et cela nous empêche de respecter le délai maximum exigé pour la livraison des voitures, à savoir sept jours », relève-t-il, en souhaitant de voir le traitement bancaire des chèques écourté à 24 heures ou à 48 heures au maximum.
C’est dans ce sens que l’association qu’il préside s’est concertée récemment avec l’Association des banques et établissements financiers (Abef) pour atteindre cet objectif.
Interrogés, en tant que parties prenantes, sur la nouvelle mesure du chèque obligatoire et l’indécision d’usagers potentiels, plusieurs représentants d’agences bancaires se montrent rassurants quant à « la sécurité, l’efficacité et la rapidité » des règlements des moyens de paiement scripturaux.
« C’est vrai que beaucoup d’Algériens se détournent du traitement par chèque de peur de se retrouver avec un chèque sans provision ou redoutent un traitement trop lent, mais ces craintes sont injustifiées. Le chèque de banque est le moyen de paiement le plus sûr qui puisse exister », affirme un responsable d’une agence d’une banque publique.
Dans le cadre d’un contrat de vente, le chèque de banque, dont la durée de vie est de 3 ans et 2 jours, « est un chèque émis et signé par une banque à l’ordre du vendeur pour le compte du client acheteur. Le vendeur peut donc s’assurer du paiement puisque c’est la banque émettrice elle-même qui se trouve débitée après l’encaissement du chèque, qui ne nécessite pas plus de trois jours », expliquent des banquiers en soulignant que c’est la banque qui s’engage pour le compte de son client dans ce mode de paiement.
Quant à savoir si la nouvelle mesure s’est traduite par une augmentation d’ouverture de comptes bancaires, la plupart des agences bancaires observent que depuis le 1er juillet, il n’a été enregistré aucune hausse particulière.
« Nous sommes en été, c’est la période des congés. Il faut attendre quelque mois pour commencer à voir les effets de cette mesure », espère une chargée de la clientèle d’une agence bancaire.