Le rapport de la Cour des comptes, publié dans le cadre de l’examen du projet de loi de règlement du budget pour l’année 2022, a mis en lumière des dysfonctionnements majeurs dans la gestion de l’allocation chômage en Algérie. Ce dispositif, censé offrir un filet de sécurité aux demandeurs d’emploi, semble loin d’atteindre ses objectifs, révélant des lacunes structurelles et une inefficacité préoccupante.
Un écart criant entre offres et demandes d’emploi
Les données du rapport montrent un décalage significatif entre les offres d’emploi disponibles et les demandes des bénéficiaires de l’allocation chômage. En 2022, sur 3.884.919 demandes d’emploi enregistrées, seulement 273.875 personnes ont été placées dans des postes, soit un taux de placement de 7,05 %. Ce chiffre, déjà faible, cache une réalité encore plus alarmante pour les bénéficiaires de l’allocation chômage : seulement 0,31 % d’entre eux ont été effectivement intégrés dans des emplois correspondant à leurs qualifications. Sur 1.882.066 bénéficiaires, seuls 5.905 ont trouvé un emploi, ce qui soulève des questions sur l’efficacité des programmes de réinsertion professionnelle.
Un dispositif coûteux aux résultats mitigés
Le coût de ce dispositif est pourtant considérable. En 2022, les dépenses liées à l’allocation chômage ont atteint 208.488 milliards de dinars, tandis que les cotisations sociales versées s’élevaient à 13,639 milliards de dinars. Malgré ces investissements massifs, les résultats sont décevants. Seulement 9,75 % des bénéficiaires orientés vers des offres d’emploi adaptées à leurs compétences ont finalement été embauchés. Sur 160.631 personnes dirigées vers des postes correspondant à leur profil, seulement 5.905 ont été recrutées. Ces chiffres mettent en évidence un problème de fond dans la gestion des programmes d’orientation et de formation.
Des formations peu suivies et peu efficaces
Le rapport souligne également les lacunes dans le volet formation du dispositif. Bien que des cours de formation professionnelle aient été organisés pour améliorer l’employabilité des bénéficiaires, seulement 16,53 % des inscrits ont pu y participer, en raison de capacités d’accueil limitées. Pire encore, 10.876 bénéficiaires inscrits aux formations ne se sont pas présentés, sans qu’aucune sanction ne soit appliquée. Cette absence de suivi et de responsabilisation des bénéficiaires nuit à l’efficacité globale du système.
Des irrégularités dans le versement des allocations
Le rapport du Conseil de la comptabilité révèle également des irrégularités dans le versement des allocations. En 2022, 14.400 bénéficiaires ont perçu indûment des allocations, pour un montant total de 657,715 millions de dinars. Bien que 62 % de ces sommes aient été récupérées, cette situation met en lumière des failles dans le contrôle et la gestion des dossiers. L’absence de mécanismes de vérification rigoureux expose le système à des abus et à des gaspillages de ressources publiques.
Un manque de critères d’évaluation clairs
L’un des points les plus critiques soulevés par le rapport est l’absence de critères d’évaluation clairs pour mesurer l’efficacité du dispositif. Deux ans après sa mise en place, aucun indicateur de performance n’a été défini pour évaluer si les objectifs de création d’emplois et d’intégration des jeunes chômeurs sont atteints. Ce manque de transparence et de responsabilité rend difficile toute amélioration du système et empêche une réelle prise de décision éclairée.
Une réforme urgente nécessaire
Face à ces constats, il est urgent de réformer en profondeur le dispositif d’allocation chômage. Les autorités doivent revoir les mécanismes d’orientation et de formation pour les adapter aux besoins réels du marché du travail. Une meilleure coordination entre l’Agence nationale de l’emploi (ANEM) et les employeurs est essentielle pour réduire l’écart entre offres et demandes d’emploi. Par ailleurs, des mesures strictes doivent être mises en place pour garantir que les bénéficiaires s’engagent activement dans leur recherche d’emploi et suivent les formations proposées.
Enfin, la mise en place de critères d’évaluation transparents et rigoureux est indispensable pour mesurer l’efficacité du dispositif et identifier les axes d’amélioration. Sans une réforme ambitieuse, l’allocation chômage risque de rester une mesure coûteuse et inefficace, loin de répondre aux attentes des millions de jeunes Algériens en quête d’un avenir professionnel stable.
N.N