Sid-Ali Betata, président du Comité de direction de l’Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (ALNAFT), confirme qu’un appel à la concurrence, axé essentiellement sur des projets de développement, est inscrit dans le plan d’actions d’ALNAFT pour 2017 Il se dit optimiste sur l’attractivité de l’amont pétrolier algérien. Entretien exclusif.
Maghreb Emergent : La chute des prix du pétrole depuis juin 2014 a eu une forte incidence sur les investissements des compagnies dans la recherche-exploration. Est-ce que vous pressentez une reprise de confiance pour l’année 2017 après les décisions de l’OPEP de novembre dernier ?
Sid-Ali Betata : En effet, le marché commence à réagir positivement à l’initiative de l’OPEP. Les prix du baril de pétrole sur les différents marchés s’apprécient sensiblement depuis, et la confiance commence à revenir dans les rangs des compagnies pétrolières qui, disons-le d’une manière claire, ont également souffert de la baisse des cours du pétrole.
Une fois les surliquidités du marché, dues aux stocks constitués, auront été épongées, une phase de rééquilibrage graduel va s’instaurer et nous reviendrons à des niveaux de prix qui permettront une redynamisation graduelle de plusieurs projets pétroliers reportés à travers le monde, sachant que le prix du baril est une donnée essentielle dans le calcul économique pour la détermination de la rentabilité des projets.
Je pense aussi qu’un prix du baril stable et optimal permettra certainement de booster l’économie nationale.
Il y a, cependant, encore un risque sur la stabilité de cette tendance haussière. Si le prix du baril enregistre une augmentation suffisante qui se maintiendra dans le temps, une hausse de la production américaine issue des pétroles de schiste (shales oil) pourrait intervenir, notamment sur le moyen et le long terme. Les quantités de pétrole qui seront mises sur le marché vont dépendre du seuil de leur rentabilité, c’est-à-dire de leurs « Breakevens ». Dans ce cas, ces quantités compenseraient une partie des volumes retirés du marché et risqueraient de contrarier la hausse des cours du pétrole.
Dans un tel contexte de début de résilience du marché pétrolier, Alnaft compte-t-elle reprendre au cours des prochains mois les appels d’offres relatifs à l’exploration pétro-gazière sur le domaine minier dont elle assure la promotion ?
A Alnaft, et à l’instar des années précédentes, nous avons inscrit dans notre plan d’action pour l’année 2017 le lancement d’un appel à la concurrence qui sera essentiellement axé sur des projets de développement, avec un complément d’exploration comme je l’ai déjà annoncé à Houston, en marge de la réunion de l’US-ABC Energy Forum. Nous restons attentifs à l’évolution des indicateurs du marché et aux stratégies déployées par les principaux acteurs de l’industrie pétrolière. Nous demeurons, de ce côté-là, assez confiants, compte tenu du potentiel en ressources à mettre en évidence sur le domaine minier national et confirmé par de nombreuses études menées jusqu’ici.
Un appel à la concurrence pour des opportunités d’exploration ou d’exploitation d’hydrocarbures est une opération qui tient compte d’un ensemble de préalables qui doivent être réunis. Le prix du baril commence à remonter et nous espérons, sur le moyen terme, que cette tendance sera durable pour redonner de la confiance aux opérateurs dans l’industrie et relancer l’investissement dans l’amont pétrolier.
Je ne vous apprends rien en vous disant que la conjoncture baissière des prix du pétrole que nous avons connu depuis 2014 a impacté tous les acteurs concernés.
Pour les pays producteurs, une importante baisse de leurs recettes en devises a été enregistrée. Pour les compagnies pétrolières, une baisse de revenus, donc de leur marge bénéficiaire, a été également constatée. Comme conséquence, les compagnies pétrolières ont revu à la baisse particulièrement l’enveloppe budgétaire consacrée à l’exploration qui s’est traduite par la baisse de l’« engouement » de ces opérateurs à aller vers certains projets à travers le monde, notamment ceux pour lesquels le risque exploration et/ou les coûts d’exploitation sont élevés. Ce que je viens d’évoquer n’est donc pas le propre de l’Algérie mais une situation qui concerne tous les pays producteurs et tous les opérateurs et investisseurs dans le domaine pétrolier.
Vous avez donc décidé de réduire les risques pour les investisseurs pour le prochain appel d’offres. Pourquoi est-ce que cela n’a pas été le cas lors de l’appel d’offres de 2014 ?
Nous nous adaptons à la situation. Vous n’ignorez pas la situation du marché. Au début de 2014, lorsque nous avons lancé le 4e appel d’offres, le pétrole était encore à 110 dollars et les compagnies pétrolières n’avaient pas réduit leur budget d’investissement.
Aujourd’hui, si les conditions ne sont pas réunies nous ne lancerons pas d’appels d’offres pour l’exploration. Il est hors de question de lancer un appel d’offres si l’on sait que personne n’y répondra. Actuellement, nous travaillons en étroite collaboration avec Sonatrach et les compagnies pétrolières dont nous rencontrons les représentants avant et après le lancement des appels d’offres. Nous essayons de capter leur intérêt mais également de savoir ce qui les intéresse.
L’activité de recherche des hydrocarbures est le premier maillon de la chaine pétrolière. Les productions d’hydrocarbures attendues à long terme seront le fruit des efforts consentis et des investissements engagés aujourd’hui. Ainsi, le temps de la maturation des projets et la gestion du risque sont les déterminants d’une politique pérenne en la matière, pour un pays producteur d’hydrocarbures.
Les compagnies pétrolières étrangères se plaignaient d’une législation fiscale trop contraignante, notamment sur les gisements à faible rendement, la réforme de 2013 a corrigé ce problème mais cela n’a pas assuré pour autant le succès de l’appel d’offres de 2014…
… Les compagnies pétrolières disposent de systèmes de management qui leur permettent de prendre des décisions rapides pour s’adapter au changement du marché. Lors du lancement de l’appel d’offres, les compagnies étaient intéressées mais les conditions ont totalement changé au bout de quelques mois. Au moment de l’ouverture des plis en novembre 2014, le prix du baril était déjà passé de 110 à 55 dollars.Ce qu’il faut comprendre, c’est que la fiscalité n’est pas seule déterminante dans l’attractivité d’un domaine minier. L’attractivité est à considérer sur un plan plus global, impliquant plusieurs éléments dont le secteur financier, les douanes et autres. Nous sommes, bien sûr, en compétition avec d’autres pays pour attirer davantage d’investissements dans le domaine des hydrocarbures.
Il y a un Benchmarking (comparaison) à faire pour améliorer l’attractivité de notre pays, en s’intéressant à ce que font d’autres pays dans ce domaine.
Où situez vous la valorisation des ressources en hydrocarbures, dont vous avez la charge, au sein des priorités actuelles du secteur de l’énergie en Algérie ?
Elle est, à mon avis, essentielle. Il y va de l’indépendance et de la sécurité énergétique de l’Algérie ; c’est-à-dire d’éléments qui constituent notre politique énergétique.
Nous devons donc assurer la disponibilité de l’énergie et un approvisionnement continu pour satisfaire les besoins nationaux nécessaires au développement socio-économique pour lequel d’importants efforts sont déployés par les pouvoirs publics. Pour cela, un certain nombre d’actions sont menées dans l’objectif de renouveler, et même d’accroître notre base des réserves d’hydrocarbures ainsi que l’augmentation de la capacité de production nationale.
Parmi ces actions, je citerai la poursuite de l’effort d’intensification de l’exploration à travers les travaux en cours, dans le cadre des contrats conclus en partenariat avec les compagnies étrangères en plus de l’important programme d’activité de recherche et d’exploitation mis en œuvre par la compagnie nationale Sonatrach. Il y a, cependant, une évolution qui se dessine dans l’organisation de ces priorités. Bien que les hydrocarbures continueront à fournir l’essentiel des apports nécessaires à la satisfaction des besoins énergétiques du pays, celle-ci ne va plus reposer dans l’avenir que sur les seules performances du domaine minier.
Le gouvernement a adopté en 2015 un ambitieux programme de développement des énergies renouvelables 2015-2030, qui viendra graduellement diversifier le mix énergétique national à moyen et long terme, en harmonie avec les objectifs de développement durable. Le Président de la République a hissé, il y a un an, la réalisation de ce programme au rang de priorité nationale. L’objectif de ce programme est de porter la part des énergies renouvelables, principalement le solaire, dans le mix électrique à un taux de 27% en 2030.
Le contexte du marché pétrolier mondial a donc ralenti les investissements de recherche- exploration comme vous l’expliquez. Cela ne vous empêche pas de rester optimiste sur le renouvellement de la base de réserves en Algérie ?
Bien sûr que je reste optimiste. Avec un domaine minier largement sous-exploré et un important potentiel en ressources d’hydrocarbures, confirmé par les études menées par Sonatarch, auxquelles s’ajoutent les études lancées par ALNAFT, nous ne pouvons qu’être optimistes et confiants dans l’avenir du secteur des hydrocarbures de notre pays.
Nous allons, d’ailleurs, affiner notre connaissance des différents potentiels du domaine minier Un programme complémentaire d’études pour l’évaluation du potentiel en hydrocarbures, en particulier dans les régions du nord de l’Algérie, de l’offshore et de certains bassins sédimentaires largement sous-explorés, est prévu dans le cadre des appels à manifestation d’intérêt déjà lancés par ALNAFT.
Je rappelle que le domaine minier hydrocarbures de notre pays reste largement sous-exploré, d’abord par rapport à sa surface totale, plus de 1,5 millions de km², ensuite par rapport à la densité moyenne des forages par unité de surface qui est de l’ordre de 19 puits par 10.000 km², comparée à la moyenne mondiale qui dépasse les 100 puits par 10.000 km².
Mais est-ce que le temps nécessaire au déploiement de cette relance de l’exploration n’est pas déjà bousculé par les premiers signes de tensions sur les volumes d’hydrocarbures disponibles à l’exportation ?
Pas du tout. Nous enregistrons, depuis deux années, une tendance croissante de la production nationale d’hydrocarbures et du rythme des découvertes. Il s’agira donc de maintenir cette tendance et de relancer la production d’hydrocarbures sur le court et moyen terme, ce qui permettra d’augmenter la production à partir de 2019/2020, grâce à l’amélioration des taux de récupération des gisements en exploitation et grâce aussi à l’accélération de la mise en exploitation des gisements en cours de développement actuellement.
Nous nous attèlerons, à ALNAFT, à maintenir cette cadence et nous conforterons l’important effort de recherche engagé pour mettre en évidence de nouveaux gisements et, pourquoi pas, de nouvelles provinces pétrolières pour consacrer la sécurité énergétique du pays et ce, à travers les efforts propres de Sonatrach et à travers le partenariat avec les compagnies pétrolières étrangères qui a constitué et continuera de constituer un axe important dans le développement de notre domaine minier hydrocarbures.
Entretien réalisé par Ahmed Gasmia et El Kadi Ihsane