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Ammar Hadj Messaoud à Maghreb Emergent : « Notre système de gouvernance est en dehors du temps »

Par Yacine Temlali
juin 14, 2015
Ammar Hadj Messaoud à Maghreb Emergent : « Notre système de gouvernance est en dehors du temps »

Ammar Hadj Messaoud*, qui dirige les opérations Sciquom Conseil, spécialisée dans l’amélioration des capacités compétitives des entreprises et institutions, persiste et signe : le Forum des chefs d’entreprises (FCE) est une organisation de « snobinards », aussi fermée qu’une caste. Pour lui, il est d’autant plus absurde de pénaliser la gestion d’un chef d’entreprise qu’à un niveau de responsabilité supérieur, l’impunité est la règle absolue. 

 

Maghreb Emergent : Quelle appréciation faites-vous de la gestion actuelle de la « crise » induite par la chute des cours de pétrole

Ammar Hadj Messaoud : Si les gouvernants n’ont pas pu prévenir cette crise c’est parce qu’ils ne sont pas faits pour diriger. Ils ne sont pas des leaders transformationnels, mais des gens par nature faits pour être dirigés.

Dans ce genre de situation, il est malheureux que quinze ans après (l’accession d’Abdelaziz à la présidence, Ndlr), on soit encore dépendants de quelques sous du pétrole. Les dirigeants du pays sont des bricoleurs et ne peuvent pas créer de la richesse. Donc, il leur faut une rente et dans ce cas de figure, c’est le gaz de schiste. En réalité, si le pays était bien gouverné, on n’aurait pas touché au gaz de schiste et on l’aurait laissé aux générations futures, et, entre-temps il y aurait eu de nouvelles technologies qui auront évolué.

Maintenant, il faut un changement radical basé sur la compétence, avec une vision stratégique à très long terme, dans laquelle chaque algérien va être « un président de la République » en termes de responsabilité et de devoirs. On doit encourager les citoyens à manifester et à s’exprimer : si les gens manifestent et expriment leur mal, cela peut signifier que ma décision n’est peut-être pas bien prise, et donc c’est une rétroaction.

La pénalisation de l’acte de gestion est comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des dirigeants d’entreprises publiques. Qu’en pensez- vous ?

On ne doit pas pénaliser un acte de gestion, sauf si cet acte va à l’encontre de l’éthique professionnelle comme le vol, le détournement… Pénaliser quelqu’un à cause d’une décision managériale, cela ne répond à aucune logique de gestion.

Nous sommes dans un système de gouvernance qui est en dehors du temps et ce système donc peut faire ce qu’il veut. Ce que les dirigeants disent et font n’est pas optimal. Leur discours est déconnecté de la réalité. Et ces dirigeants, qui va pénaliser leur gestion ? Car il y a des Premiers ministres, des ministres et des présidents qui ont pris des décisions qui ont conduit notre pays vers la faillite, ceux-là, qui va les juger ? Ils ne sont pas des rois à ce que je sache ! Tous nos dirigeants n’ont plus leur place dans notre monde contemporain. Il faut qu’ils partent. Tout ce qu’ils font relèvent du bricolage.

Personnellement, je défends une démarche systémique basée sur la Théorie des contraintes (TOC), le Lean et le Six Sigma. La TOC se focalise sur l’optimum global : par exemple, si je devais bâtir une stratégie industrielle, je ne referais pas la démarche du gouvernement (dissolution des SGP et création de groupes industriels, Ndlr), je reverrais le système de gouvernance dans sa globalité et tous les aspects seraient être intégrés. Le Lean concerne la lutte contre le gaspillage car notre pays gaspille plus de la moitié de ses richesses, et, enfin le Six Sigma pour réduire la variabilité dans le processus. Car, gérer un gouvernement et gérer une entreprise c’est pareil.

Instaurer des contrats de performances, est-ce une bonne pratique ?

En Algérie, on n’a pas compris la mise à niveau au plus haut niveau, et donc, tout ce qu’on peut faire, y compris les contrats de performance, est bâti sur une démarche managériale désuète. Comment faire un contrat de performance à un PDG quand les banques ne suivent pas ou quand l’acte de gestion est pénalisé ?

On assiste à une multitude de conflits sociaux dans différents secteurs. Au-delà du malaise social, de quoi ce phénomène est-il symptomatique ?

Tous les malaises qui existent en Algérie, que ce soit sur le plan social, économique ou dans l’éducation etc., la cause profonde en est un défaut de vision pour une intégration de toutes les ressources. Quand il n’y a pas de vision, on périt.

Il y a quelques années, vous aviez qualifié le Forum des chefs d’entreprises (FCE) d’organisation de « petits snobinards ». Sur quoi ce jugement était-il basé et que pensez-vous de l’activisme de l’actuel directoire de l’organisation patronale ?

J’avais qualifié les patrons du FCE de snobinards pour la simple raison que c’était fermé, comme une caste, ceci d’une part. D’autre part, ils n’ont pas le savoir-être ni le savoir-faire ou le savoir-vivre. Quant à la nouvelle direction, je ne suis pas au courant de ses activités à cause de mes préoccupations professionnelles. Je pense que c’est un système vassalisé et si je m’y intéresse en commentant, je me sentirai comme son complice. En revanche, je suis là pour donner mon petit point de vue. Je suis comme un médecin qui soigne mais je ne peux pas commenter les effets d’une maladie, je vais plutôt vers les causes.

Propos recueillis par Younès Djama

* Ammar Hadj Messaoud est également conseiller Principal auprès de plusieurs entreprises pour l’amélioration de leur capacité compétitive. Il est Récipiendaire du prix international d’excellence qui lui a été décerné à New York en 2006 (profil LinkedIn).

 

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