Le ministre des finances, M.Abderrahmane Benkhalfa, n’a, semble t’il , pas beaucoup apprécié les informations livrées hier par le PDG de la Banque de développement local (BDL)M .Mohamed Krim , à propos de l’opération de bancarisation des fonds informels.
« Les banques ont mobilisé tous les moyens nécessaires pour bien mener l’opération de la ‘Mise en conformité fiscale volontaire’ qui a drainé, depuis son lancement, entre 3 et 3,5 milliards de dinars au niveau de toutes les banques », avait déclaré M. Krim qui était invité ce lundi , en compagnie du Pdg du Crédit populaire d’Algérie (CPA), Omar Boudieb, au Forum du quotidien national El Moujahid.
Un bilan d’étape plus que modeste qui contraste avec les objectifs ambitieux attribués à cette opération et qui a fait réagir une grande partie de la presse nationale spécialisée qui évoque déjà un « échec » de la démarche d’amnistie fiscale .
Benkhalfa corrige le tir : 50 milliards de dinars supplémentaires collectés en juillet et aout 2015 .
M . Benkhalfa a été très prompt à réagir et déclarait dés ce matin au micro des radios nationales que ce sont en fait « plus de 50 milliards de dinars supplémentaires qui ont été collectés par les banques algériennes rien qu’en juillet et aout 2015 par rapport aux mêmes mois de l’année dernière ». Ce faisant le ministre des finances ne dément pas formellement les informations données par le Pdg de la BDL mais tente de rectifier le tir en corrigeant l’effet fâcheux provoqué par les déclarations de Mohamed Krim .
La mise au point du ministre des finances concerne d’abord l’opération de mise en conformité volontaire elle-même qui « doit faire l’objet d’un premier bilan officiel à la fin de l’année » selon M .Benkhalfa qui semble invité ainsi les banquiers publics à rester dans leur rôle en évitant de livrer des informations relatives à l’ensemble du secteur .Cette mise au point consiste aussi à tenter de replacer l’amnistie fiscale dans le contexte plus vaste du « chantier lancé depuis janvier 2015 par les banques consistant à augmenter la collecte des ressources, suivant des instructions du ministère des Finances ». L’objectif global de cette démarche étant selon M.Benkhalfa de « substituer progressivement l’épargne des algériens aux dépots réalisés par Sonatrach qui diminuent en raison de la chute des prix pétroliers ».
Un optimisme de façade
Les précisions apportées par le ministre des finances ont-elles des chances de convaincre une opinion généralement sceptique ? Instaurée par la loi de finance complémentaire 2015, l’amnistie fiscale est officiellement entrée en vigueur le 2 août dernier. L’opération s’étalera jusqu’au 31 décembre 2016 .Elle intervient dans un nouveau contexte qui est d’abord celui , tout nouveau, d’une rareté annoncée des ressources financières qui oblige à explorer d’autres horizons que celui du seul financement budgétaire . Devant les députés de la commission des finances et du budget qu’il a rencontrés voici un peu plus d’une semaine, Abderrahmane Benkhalfa a affirmé que « les dépôts bancaires ont enregistré une hausse sensible, au cours des trois derniers mois ».En dépit de cet optimisme de façade, l’opération si on en juge par les témoignages, obtenus « off the record », de certains cadres de banque ,ne semble pas provoquer pour l’instant l’engouement escompté. Quels sont aujourd’hui, en première approximation, les problèmes que semblent rencontrer cette opération ?
Lever les ambiguités juridiques
Les premiers problèmes semblent être d’ordre juridique. Le succès de la « mise en conformité fiscale volontaire » repose principalement sur la confiance entre les assujettis et l’administration .De ce point de vue ,un expert financier comme Adel si Bouakaz ,PDG de Nomad Capital, saluait sur les ondes de Radio M « l’initiative de l’amnistie fiscale qui va dans le bon sens » .A condition que les pouvoirs publics lèvent les ambiguités qui demeurent et « précisent clairement que la fraude fiscale n’est pas concernée par la déclaration sur l’honneur réclamée à propos de l’origine des fonds ».Difficulté confirmée par nos interlocuteurs bancaires qui signalent « des demandes de renseignements mais peu d’opérations de dépôts réalisées effectivement » . Dans le même sens, la direction Générale des Impôts (DGI) a indiqué qu’elle adresserait à ses services ,« en tant que de besoin », des notes complémentaires à l’effet d’expliciter les questionnements éventuels relatifs à cette opération, estimant que ses résultats dépendent «de la sensibilisation et de la confiance qui seront accordées aux administrations concernées ». Pour l’instant pas de trace de note complémentaire sur les questionnements des intéressés.
Un problème organisationnel au niveau des banques ?
Selon nos informations, la plupart des banques, c’est en particulier le cas des banques publiques , ne semblent pas avoir prévu de dispositif dédié spécifiquement à cette opération . Pas d’agences spécialement dédiées ni de personnel spécialement formé . Les personnes intéressées par le programme doivent donc se présenter à n’importe quelle agence bancaire pour déposer leur argent et régler le montant de la taxe forfaitaire fixée à 7%. Pour obtenir ce résultat , les banques ont été invitées à développer une « campagne de communication en direction de leur clientèle potentielle » dont les effets ne sont , pour l’heure, pas clairement visibles ni dans les médias nationaux ni même au niveau des agences elles mêmes .
Les services fiscaux jouent t’ils leur rôle ?
Les agences bancaires ont à leur charge la collecte des dépôts, Les banques doivent ensuite verser le montant de la taxe forfaitaire aux impôts et sont tenues de transmettre « quotidiennement » aux services fiscaux les « copies des fiches de dépôt des fonds informels signées par les personnes assujetties au programme de conformité fiscale volontaire ». Quelles sont les conséquences pour le déposant ? les acteurs de l’informel ayant régularisé leur situation en payant la taxe de 7% sortent ainsi techniquement du circuit et entrent dans la légalité en payant dorénavant leurs impôts. Ils ont donc besoin , selon les termes d’un expert national ,d’un « accompagnement fort » de la part de l’administration fiscale . Les services fiscaux ont été, nous dit- on, instruits de «mettre en place des structures d’accueil à tous les échelons en vue de mener une opération d’information et d’explication à l’endroit des partenaires et usagers de l’administration fiscale, lors de leurs déplacements auprès des services». C’est la Direction des opérations fiscales et du recouvrement (DOFR) qui a été chargée du suivi de la gestion des dossiers des contribuables ayant adhéré au programme de conformité fiscale volontaire.