Subtil fruit de tractations politiques et idéologiques, la troisième Constitution tunisienne ne saurait mourir; elle emporte de réelles avancées sur le plan des droits et des libertés mêmes si elles sont restées purement théoriques. C’était voulu du fait du climat de l’époque et du jeu occidental en Tunisie faisant des islamistes ses alliés stratégiques dans son œuvre malfaisante au Proche-Orient.
La Tunisie n’a pas fêté l’anniversaire de l’adoption de la Constitution du 26 janvier 2014, déclarée pourtant modèle du genre. Or, on célèbre les morts, et elle a bien été pronostiquée mort-née par une figure intégriste éminente du parti islamiste !
Aussi, la question qui s’impose est de savoir si l’on peut ranimer un mort et comment ? Assurément oui quand une telle mort est artificielle; c’est même plus que possible, fatal. Il suffit de le vouloir ! Et nous allons en indiquer le moyen adéquat sur le chapitre le plus sensible du texte majeur du pays dont les retombées seront de nature à relancer la révolution en Tunisie, mentale cette fois-ci.
Sortir le pays d’une indignité juridique et morale
Subtil fruit de tractations politiques et idéologiques, la troisième Constitution tunisienne ne saurait mourir; elle emporte de réelles avancées sur le plan des droits et des libertés mêmes si elles sont restées purement théoriques. C’était voulu du fait du climat de l’époque et du jeu occidental en Tunisie faisant des islamistes ses alliés stratégiques dans son œuvre malfaisante au Proche-Orient.
Or, la situation a changé dans le monde et le parti islamiste adopte désormais profil bas. Il fait même taire ses voix les plus intégristes et ose jouer au plus démocrate sur la scène politique et sociale. Qu’on le prenne donc au mot et qu’on le contraigne à jouer jusqu’au bout un tel jeu ! Ce serait bien sa propre chance, mais aussi celle du pays. Le jeu en vaut la chandelle.
Avant-hier, déjà, l’une de ses figures a visité une brasserie, et hier le plus proche conseiller de son chef a osé se déclarer, à titre personnel, pour la dépénalisation du cannabis. C’est bien, mais c’est insuffisant, car cela ne relève pour l’instant que de la tromperie du moment qu’aucun acte n’a suivi.
Or, le parti islamiste est le plus pourvu au parlement en députés; il lui suffit donc de proposer un texte de loi pour arriver à le faire voter.
Pour commencer et dans le prolongement de l’affichage médiatique précité, qu’il ose abolir les textes illégaux restreignant le commerce et la consommation d’alcool. À ce jour, il est interdit de vendre de l’alcool le vendredi, sans parler du mois de ramadan. Il est difficile d’en trouver hors des grandes surfaces dont rares sont celles qui en vendent. Et on continue, sur la base de textes obsolètes, à harceler les citoyens pour un verre, même hors ivresse, la seule interdite par la religion du pays. Or, la norme supérieure dans le pays garantit bien la liberté de croyance; qu’a-t-on donc à se réclamer du seul l’islam ? Il est vrai, la constitution a été voulue mort-née !
Toujours dans le prolongement de l’affichage médiatique et suite à la tribune de M. Zitoun, pourquoi son parti ne propose-t-il pas un amendement au projet de loi du gouvernement sur les drogues douces ? N’est-il pas temps de reconnaître ce à quoi appellent tous les experts, dont ceux de l’ONU : la nécessité de dépénaliser la consommation du cannabis et de se concentrer sur le trafic ?
Et que dire de l’homophobie ? Le chef du parti lui-même a affirmé ne pas s’opposer à l’abolition de l’article 230, allant jusqu’à dire, sous le sceau de la confidence, que son parti serait prêt à voter un texte en ce sens s’il parvenait à entrer au parlement. C’était certes auprès d’étrangers, en dehors du territoire national, et il savait que les homophobes ne sont pas nécessairement dans son parti.
Ainsi, personne parmi les supposés démocrates ni les militants anti-homophobie n’a osé proposer un tel texte salutaire, par islamophobie, ne voulant pas qu’il soit voté par le parti religieux. Or, il en existe qui a même été proposé au parti islamiste. Qu’il ose donc conformer son discours par l’acte et qu’il fasse la preuve de son degré de maturité méritant alors d’être considéré, sans mensonges ni esbroufe, comme une Démocratie islamique pour la Tunisie !
Parmi les actes concrets à faire, il y a aussi celui devant instaurer l’égalité successorale. Outre celui déjà soumis à l’ARP, un texte en ce sens a été également proposé au parti de M. Ghannouchi, consensuel comme celui sur l’homophobie. Dans les deux cas, l’accent est mis sur la nécessité de respecter et la Constitution et l’islam, aux valeurs duquel renvoie le texte suprême. Car l’islam, correctement interprété, n’interdit ni l’alcool, les rapports entre mêmes sexes ni l’égalité parfaite entre l’homme et la femme en parts successorales.
Adopter un moratoire des lois violant la Constitution
Ce sont certaines des initiatives qui s’offrent au parti islamiste pour retrouver la santé maintenant qu’il a découvert à quel point son alliance avec l’Occident matérialiste était non seulement fragile, mais immorale. Or, la religion dont il se réclame lui commande d’être éthique.
Cela commande, par ailleurs, une autre stratégie aux autres forces politiques du pays qui se sentaient obligées de s’allier avec le chouchou de l’Occident. Maintenant que la chape de plomb de la machination occidentale a sauté, il leur est impératif d’agir afin de concrétiser enfin de tels acquis de cette révolution dont ils se réclament.
C’est en rendant effective la constitution en de ses droits et libertés les plus en vue que cela se fera. Ils en sont d’ailleurs légalement tenus, puisque la constitution, texte hiérarchiquement supérieur à toutes les lois internes, doit s’y imposer d’office. Juridiquement, en effet, toutes les lois contraires à la constitution sont nulles de nullité absolue, et ce de jure comme de facto. Alors, comment continuer à se réclamer d’une légalité illégale ou rendre justice sur la base de lois illégitimes ?
Il est temps que les plus hautes autorités, du président de la République, au chef du gouvernement en passant par le président de l’Assemblée des représentants du peuple, mais aussi les ministres de la Justice et de l’Intérieur, fassent sortir le pays de l’indignité juridique et morale où il se trouve.
Pour les ministres, ce serait en donnant instruction par des circulaires de ne plus appliquer les lois violant la Constitution. D’ailleurs, c’est par circulaires qu’on harcèle les gens pour infraction aux alcools !
Pour les autorités qui leur sont supérieures, cela appelle un texte solennel devant tirer la conséquence imposée par la nouvelle donne juridique au pays. Or, elle ne concerne pas que le droit interne. Ainsi, sur le plan du droit international, malgré les annonces du respect par la Tunisie des droits de la femme, manifestés par la convention CEDAW, celle-ci n’a toujours pas plein effet en Tunisie du fait de ses réserves concernant la déclaration de ladite convention.
S’agissant des lois internes obsolètes et illégales, dont notamment celles du colonial Code pénal, un moratoire devrait commencer par être adopté. En voici un projet déjà proposé et qui ferait sortir la Tunisie, sans plus tarder, de sa situation actuelle de non-droit.
Projet de loi
Moratoire
des lois contraires à la Constitution
« Le peuple tunisien souverain, représenté par son Assemblée,
Dans l’attente de la réforme juridique d’ensemble des lois d’ancien régime contraires aux acquis de sa Constitution,
Invite toutes les autorités du pays et à leurs têtes les juges de la République, rendant la justice en son nom, de se conformer strictement aux acquis de la Constitution en termes de droits et de libertés.
Par-devers une loi encore en vigueur dont l’application emporte violation des valeurs et principes constitutionnels ou est en contradiction avec elles, ladite autorité est tenue de ne pas l’appliquer.
En attendant l’adoption de lois en l’objet en conformité avec la Constitution, les ministres détailleront, chacun en son domaine, par circulaire les textes devenus inapplicables.
S’il arrive à un juge d’être confronté à une loi abolie, il se décidera en son âme et conscience au vu de ce que prévoit la Constitution en tenant compte de ses travaux préparatoires et en se référant, le cas échéant, au droit comparé applicable en l’espèce.
Le présent moratoire demeure effectif pour chaque texte de loi concerné jusqu’à sa réforme par l’Assemblée des Représentants du Peuple, seul souverain de Tunisie. »
(*) Cet article a été publié initialement sur le blog de l’auteur. Nous le republions ici avec l’aimable accord de son auteur.