« Si on reprenait l’émission par le début, on dirait que l’évènement de la semaine est que Mounir Boudjemaa a réussi à retourner la situation pour dire que nous défendons l’intrusion des généraux dans la vie politique ». Abed Charef a réussi avec une boutade qui a suscité l’hilarité générale à décrisper une première partie très animée du Café Presse Politique (CPP) de la Radio M avancé à mercredi pour cause d’Aïd al-Adha.
La sortie tonitruante du général à la retraite Hocine Benhadid sur Radio M a été au centre des débats qui ont été, parfois très vifs. De l’avis général, c’est la question de la «succession » du président Bouteflika et de ses modalités qui est posée.
El Kadi Ihsane qui a réalisé l’entretien estime que le général Benhadid ne parlait pas, contrairement à 2014, au nom d’un groupe d’officiers. Il a le sentiment qu’il ne s’agit pas d’une expression structurellement organisée car la « parole » de Benhadid était très autonome et n’était pas contrainte par un consensus.
De quoi Benhadid est-il le nom ?
Pour Saïd Djaafer, ce qu’il faut retirer de l’entretien est une description d’un système politique où les modalités de désignation du président par l’armée en cours depuis 62 sont dépassées alors qu’un nouveau groupe entourant le frère du président, Said Bouteflika ambitionne d’assumer ce rôle. Une situation qui ne fait pas consensus, aboutissement d’une succession d’impasses, dont on « ne mesure pas encore les conséquences ».
Mounir Boudjemaa a eu des mots très durs à l’égard du général Benhadid qu’il accuse de manquer à son « devoir de réserve », de jouer au « psychiatre » et d’être un « putschiste ». Benhadid, selon lui, « participe à la confusion » en participant à un « débat qui n’est pas structuré », il mène une « discussion de café », évoque des « scénarios farfelus ». Il a manqué à la « solidarité de corps », ajoute Mounir Boudjemaa en lançant des accusations graves contre ses «pairs ».
Abed Charef note pour sa part qu’il faut faire un « tri » entre les souhaits de Benhadid, son analyse et les informations qu’il donne. C’est un homme obsédé par le général Gaïd Salah et par Saïd Bouteflika, un homme qui « se trompe d’époque » et ne «se rend pas compte que la génération Nezzar a perdu le pouvoir et qu’une autre génération est en train de le prendre ». Benhadid n’a pas « fait sa transition », il pose de « bonnes questions » mais apporte des « réponses décousues » ajoute Abed Charef.
Saïd Bouteflika, président ou faiseur de président ?
Adlène Meddi insère le discours de Benhadid dans le cadre d’un sentiment général de la « famille de l’antiterrorisme » des années 90 qui se sent esseulée dans le contexte actuel est « phantasme sur des solutions qui ne sont plus possibles, on s’accroche à des images comme Zeroual. »
Pour Saïd Djaafer, au-delà des contradictions du général Benhadid et de ses obsessions, il pose la question de « qui décide de la succession » et là on est au « cœur du problème ».
El Kadi Ihsane répond à Mounir Boudjemaa en niant que Benhadid soit dans la posture d’un putschiste. «On a hésité sur certains expressions vives du général Benhadid mais un appel au putsch ne serait pas passé sur Radio M, cela ne fait pas partie de la culture de la maison», souligne-t-il.
Pour lui, Benhadid ne représente pas un groupe mais il exprime un sentiment qui existe au sein d’une partie de l’establishment qui pensait que le général Toufik est le verrou contre une succession familiale.
Le CPP a toujours rejeté la thèse que Saïd Bouteflika puisse succéder à son frère mais « Benhadid qui connait le système de l’intérieur nous force à l’envisager » et il donne une « clé » d’explication de l’accélération des évènements de ces dernières semaines.
Mounir Boudjemaa a semblé reprocher aux participants du CPP de « regretter que les généraux ne désignent pas les présidents ». « C’est absurde de dire cela à des gens qui ont défendu le Contrat national » rétorque Saïd Djaafer.
El Kadi Ihsane pose la question «qui au CPP croit à la succession Saïd Bouteflika». Saïd Djaafer n’y croit pas mais, nuance-t-il, « Saïd Bouteflika veut être en position de désigner le futur président ou de participer à sa désignation ».
Des réserves de change et de cynisme
Pour Abed Charef, l’hypothèse Saïd Bouteflika est «impossible » car il y a en Algérie un héritage politique qui ne permet pas une «succession familiale ». Selon lui, la succession se fera de manière classique par un « conclave » de l’armée.
Dans la seconde partie du CPP consacrée au volet économique, Hassan Haddouche qui a pris la place de Mounir Boudjemaa, s’inquiète de voir que le gouvernement ne fait « rien » à l’égard de la crise économique et financière, la loi de finances complémentaires n’a pas réduit la dépense.
« On n’a jamais importé autant » souligne-t-il. Pour lui, il ne s’agit pas d’une ignorance de la gravité de la situation. Il soupçonne les autorités de faire preuve de «cynisme » en faisant le calcul que les réserves de change permettent de tenir trois ans.
« L’exécutif a effectivement trois ou quatre ans de réserves de change et il pense qu’à ce moment il ne sera plus là… ». Il y a des réserves de change. Mais aussi des réserves de cynisme !
Article publié dans le Huffpost Algérie
Pour écouter l’émission, cliquez ici.
Extraits vidéo: http://bit.ly/1FpZGCR