Dans un contexte dominé par les réunions programmées en début de semaine prochaine à Alger, l’expert pétrolier Amor Khelif était le premier « invité du direct » de la saison sur Radio M.
L’ interview d’Amor Khelif a très opportunément coïncidé avec une des premières interventions publiques du nouveau ministre de l’Energie M.Nouredine Bouterfa dont les déclarations ont largement servi de fil rouge aux questions des journalistes de Radio M. A propos des prix pétroliers et du résultat prévisible des réunions des prochains jours, l’expert algérien se montre relativement en phase avec un gouvernement algérien dont il considère qu’ « il a fait son deuil des prix pétroliers élevés » avec des prévisions d’évolution à moyen terme des prix du baril qui devraient être compris dans « une fourchette de 50 à 60 dollars ». Des prévisions d’ailleurs « conformes à celles de la plupart des analystes internationaux » et également en ligne avec « les déclarations récentes du ministre saoudien du pétrole qui évoquait voici quelques jours une cible de 50 à 55 dollars pour le prix du baril ».
« Inquiétudes » face à la baisse des investissements
L’hypothèse d’une décision-formelle ou non– de gel de la production lui semble également un résultat probable des consultations en cours entre les producteurs OPEP et non OPEP en raison principalement de l’ « inquiétude récente » qu’ Amor Khelif croit déceler parmi les principaux pays producteurs, Arabie séoudite et Russie en tête, face à la baisse des investissements dans le secteur. L’expert algérien mentionne notamment le chiffre considérable de « 60 % de diminution des investissements d’exploration dans l’industrie pétrolière mondiale depuis 2014 », ajoutant qu’ « en 2015 on a découvert à peine l’équivalent de 1 mois de consommation mondiale ».
Attention à la surexploitation des grands gisements
Amor Khelif se montre beaucoup plus sceptique au sujet des annonces d’augmentation de la production nationale d’hydrocarbures. Alors qu’hier encore M. Nouredine Bouterfa confirmait l’objectif officiel, déjà formulé par son prédécesseur d’une augmentation de la production nationale de « 25 à 30 % à moyen terme », l’invité de Radio M estimait que « face à l’effondrement des prix, les responsables politiques algériens ont toujours essayé de régler le problème de la même façon en cherchant à augmenter à tous prix la production ». Amor Khelif, à l’image de beaucoup de spécialistes algériens, avertit :« les géologues nous disent qu’on a déjà pompé à l’extrême au cours des dernières années. On « surexploite notamment les grands gisements comme Hassi R’mel et Hassi Messaoud » ajoute sans aucune hésitation l’expert algérien. La solution serait –elle du coté de l’entrée en exploitation des nouveaux gisements du Sud Ouest du pays notamment ? « De petits gisements aux réserves limitées » commente Amor Khelif qui complète ce sombre tableau sur les perspectives de la production pétrolière nationale en relevant en outre un « tassement des réserves » illustré par le fait qu’en 2015 « sur 149 forages d’exploration effectués en Algérie seuls 22 ont été productifs ».
Développement du renouvelable : l’importance du choix des acteurs
Amor Khelif exprime également un point de vue très tranché sur le programme national de développement des énergies renouvelables. L’expert algérien insiste sur l’importance dans ce domaine des « acteurs qui sont puissants à la fois sur le plan économique et sur le plan politique ». En Algérie comme ailleurs, il faut bien choisir les acteurs. Sonelgaz ? « On lui livre un gaz abondant et bon marché jusqu’à la porte des centrales électriques. Comment voulez vous qu’il devienne un acteur déterminant dans le développement de nouvelles sources d‘énergie qui demandent l’investissement de ressources humaines, technologiques et financières considérables alors qu’il ne dispose aujourd’hui d’aucun de ces atouts ». L’annonce, le matin même, par Nouredine Bouterfa de la demande adressée à Sonatrach de « s’impliquer dans le développement du renouvelable à l’image de ce que font toutes les grandes compagnies internationales » lui inspire le même scepticisme « Sonatrach a déjà beaucoup de pain sur la planche avec le développement de la production d’hydrocarbures ». La solution pour Amor Khelif est claire « il faut un nouvel acteur neutre en Algérie dans le domaine du renouvelable ».
Pour un meilleur ciblage des augmentations de prix des produits énergétiques
Face à des perspectives peu encourageantes sur le front des prix et du développement de la production, les marges de manœuvre disponibles seraient-elles plus importantes du coté des économies d’énergie ? Peut être, souligne Amor Khelif qui considère que dans ce domaine le levier des prix et des tarifs sera un outil important à condition que les pouvoirs publics adoptent une démarche plus « ciblée » à la fois du point de vue des produits concernés et des types de clientèle. Pour l’expert algérien, un relèvement substantiel des prix des carburants est certainement une priorité. Pour les tarifs de l’électricité et du gaz Amor Khelif prône une démarche plus prudente et progressive. Les augmentations de prix devraient également distinguer les différentes catégories de clients en réservant par exemple « un traitement particulier au transport collectif ou au matériel agricole ». Plus largement cette démarche d’ensemble ne semble pas avoir selon l’expert algérien fait encore l’objet d’une maturation suffisante de la part des pouvoirs publics qui continuent de privilégier « des décisions prises de façon abruptes, appliquées de façon uniforme, et sans avoir été précédées par un effort de communication et de sensibilisation suffisant ».
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