C’est un entretien télévisé du PDG de Sonatrach ce samedi sur l’ex Unique, qui donne la mesure de la panne. A une question sur le programme des énergies renouvelables, Amine Mazouzi, s’empresse de répondre que l’avenir gazier de l’Algérie est florissant. Et que le pays remontera d’ici 2020 à 240 millions de TEP de production annuelle. Et donc pas de panique.
Sinon un commentaire sur l’invitation du ministre de l’énergie à faire de Sonatrach un acteur du renouvelable? Le PDG de Sonatrach acquiesce. « C’est la tendance dans le monde ». Merci pour l’info. La « tendance » a commencé il y a quinze ans chez les majors. La feuille de route de Sonatrach dans les énergies renouvelables ? La vérité est que le gouvernement algérien n’est jamais sorti de l’emprise du lobby de l’énergie carbonée. Et l’inconsistance affligeante du discours du PDG de Sonatrach sur la question n’en est pas l’unique illustration. Son ministre Nourredine Bouterfa, qui aurait du être nommé ministre de la transition énergétique pour donner un cap à sa mission, est mieux outillé pour expliquer le challenge du renouvelable. Mais il n’est pas exempt de reproches. C’est lui qui a conditionné pendant de trop longues années le développement d’une filière de l’électricité solaire par la préalable industrialisation en Algérie d’une partie de ses segments. Pas interdit d’être ambitieux. Mais pas au risque de mettre en berne un plan de 22 GW d’électricité verte à 2030. Un plan qui suppose de mettre en production 2 GW par an tous les ans durant dix ans. Et au moins 1 GW d’électricité par an, cinq années après le lancement de ce programme du renouvelable en 2011 par Youcef Yousfi. Nourredine Bouterfa a implicitement renoncé à son préalable « industrialisant » la semaine dernière. La faute à « pas d’argent ». Il fait du partenariat avec les étrangers le moteur du rattrapage dans ce domaine. Et invite Sonatrach a en faire un axe de son développement futur. Cela ne se fera pas avec Amine Mazouzi. C’est dit. Mais pas non plus avec Nourredine Bouterfa. Trop bloqué sur la seule approche coût. En fait, cela ne se fera pas sous Abdelaziz Bouteflika. Et c’est en cela que l’engagement d’une véritable transition énergétique en Algérie, est depuis au 2008 et le déclin de la production des hydrocarbures, l’étalon maître de l’aptitude à la réforme des gouvernements successifs.
Pour engager sérieusement cette transition, hier judicieuse aujourd’hui vitale, il fallait démonter l’armature du pacte politique pernicieux des années Bouteflika, celui du statu quo tarifaire. En mode contre modèle : rapprocher le prix de l’énergie domestique de son vrai coût, imposer des normes de construction non énergétivores, subventionner massivement l’électricité verte en taxant tout ce qui consomme beaucoup d’énergie carbonée, respecter la loi électricité 2001 en payant les fournisseurs privés (ils ne sont pas payé faute de texte d’application), casser le 49-51 dans la filière pour attirer les plus grands acteurs dans le solaire et l’éolien, faire du Maroc un partenaire fort dans l’interconnexion avec le futur marché européen de l’électricité verte. Cela s’appelle en définitive une diversification industrielle sur un même modèle de rente de situation : le soleil du Sahara au lieu de ses énergies fossiles. Personne ne peut l’engager sans se heurter à la volonté présidentielle de ne « rien brusquer ». En 2017, l’Algérie consommera sensiblement autant de gaz qu’elle en exportera.
La réforme est donc incompatible avec le 4e mandat. La transition énergétique reportée depuis 8 ans le scande tous les jours. Que reste-t-il alors? Bakhti Belaïb. Le ministre du commerce est le marqueur subliminal des années de l’austérité. Il a été rappelé aux affaires sans doute pour cela. Pour saupoudrer d’un petit référent à l’ajustement structurel du milieu des années 1990, une ambiance qui se veut détendue quand on entend parler le premier ministre Sellal des réserves de change. Bakhti Belaïb détonne depuis bientôt un an. Il réforme le style de la communication. Puisque rien du reste ne peut bouger. Il a déclaré que le tiers des importations algériennes était le fait de malversations de toutes sortes, la surfacturation en étant la principale. Et son oracle a fait autorité. A une autre époque les 26 milliards de dollars de revenus détournés par le fait de la corruption « révélés », tout aussi frivolement, par Abdelhamid Brahimi, ancien premier ministre, avait dopé la défiance populaire vis à vis de la gestion FLN, au profit de la « promesse éthique » du FIS. Bakhti Belaïb échappe d’un cheveu au parallélisme des situations. Car bien sûr, il n’existait pas, avant le retour du sympathique ministre du commerce, 20 milliards de dollars de surfacturation annuellement dans les transactions de l’Algérie avec ses fournisseurs. C’est mathématiquement insoutenable.
Il a enchaîné, ces derniers jours, sur une sombre affaire de lot d’importation qui n’aurait pas du entrer en Algérie, il l’avait proscrit, mais qui a, tout de même, été écoulé sur le marché national. Un autre lobby dans ou au dessus du gouvernement s’étant montré plus puissant que lui. Belaïb Bakhti ne cherche pas, par ses déclarations stridentes, à vendre – gracieusement – des munitions à l’opposition politique. Ce n’est pas le profil de ce technocrate tranquille, qui a porté le fardeau d’être un jour un très proche de Ahmed Ouyahia, mais qui s’en est affranchit en bonne civilité. Non. Le ministre du commerce déroule l’abécédaire le plus classique d’une communication d’échec. Avant de débuter il aggrave le trait de l’adversité (20 milliards de dollars et des intérêts puissants à combattre). Avant de partir il dénonce les interférences qui l’ont empêché d’économiser à l’Algérie encore plus de devises à l’importation. Réduire les importations, n’est pas une réforme. Juste une chirurgie anti-graisse. C’est ce que pensait savoir le mieux le gouvernement. Plus compliqué que prévu. Un plateau incompressible de 40 milliards de dollars a été bétonné par le modèle économique des années Bouteflika. Bakhti Belaïb ne fera donc pas de miracle. Il peut encore démissionner. « Avec pertes et fracas ». La postérité, à défaut de la réforme, lui fera une meilleure place.
Tout n’est pas gris sur le front de la réforme. De Paris, le patron de Condor Electronics a annoncé que son groupe table sur 50% de chiffre d’affaires à l’exportation d’ici cinq ans. On a bien sur envie de l’écouter plus que le gouvernement algérien lorsqu’il parle de 22 GW d’électricité verte d’ici 13 ans. Le modèle de la diversification économique par la diversification industrielle existe déjà en Algérie. Il est embryonnaire. Des entreprises, dans le sillage du groupe Cevital, s’avance à l’international. Elles font de l’exportation la locomotive prochaine de leur croissance. En théorie c’est possible. L’Algérie reste le pays le moins cher de la rive sud méditerranée pour toute une série d’activités. Cela risque d’être moins le cas dans les prochaines années à cause de l’ajustement qui se profile. C’est pour cela qu’il est urgent d’engager le virage exportateur. Avec ou sans nouveau port du centre.