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Benguerdane, c’est en Tunisie ou en Algérie ? (analyse)

Par Yacine Temlali
mars 12, 2016
Benguerdane, c’est en Tunisie ou en Algérie ? (analyse)

A Benguerdane, les autorités tunisiennes semblent avoir embrassé la même doctrine que les autorités algériennes après l’attaque de Tiguentourine, en janvier 2013 : mobilisation massive de moyens et volonté de ne strictement rien céder. Plus que la riposte elle-même, c’est le message qui l’accompagne qui compte : fermeté totale.

 

 

L’encerclement de l’Algérie continue, de manière méthodique. Il ne reste plus qu’un Etat islamique à la frontière est pour parachever le travail.

Benguerdane sera-t-elle, pour la Tunisie, ce qu’a été Tiguentourine pour l’Algérie ? L’attaque lancée lundi 7 mars contre cette ville de l’est tunisien présente nombre de similitudes avec celle de janvier 2013 contre Tiguentourine.

Comme pour l’assaut lancé contre le centre gazier situé près d’In-Amenas, la cible de l’attaque attribuée à Daech en Tunisie est une ville située près de la frontière libyenne, ce qui laisse supposer que la préparation technique de l’opération a pu avoir lieu de l’autre côté de la frontière, dans le chaos libyen.

Le nombre d’assaillants est du même niveau, entre trente et cinquante. Les deux attaques se sont également soldées par l’élimination presque complète du groupe terroriste. Si les services de sécurité algériens n’avaient pas déploré de pertes à Tiguentourine, on avait tout de même enregistré la mort de tous les étrangers pris en otage par les terroristes, alors qu’à Benguerdane, les victimes sont à déplorer parmi les civils (sept), les policiers et les militaires (onze).

A Tiguentourine, les terroristes, liés à Al-Qaïda, voulaient prendre des otages ou, à défaut, frapper un grand coup en touchant un site gazier qui fournit près de 18% de la production algérienne. La riposte algérienne a été en conséquence : fermer toute possibilité de concession ou de négociation, quitte à sacrifier tous les otages.

A Benguerdane, la Tunisie a perdu ses dernières illusions. Le pays est définitivement installé dans l’insécurité. Certes, il s’agit d’un terrorisme d’intensité relativement basse, avec un nombre de victimes inférieur à cent par année, mais c’est suffisant pour à la fois ralentir l’activité économique, réduire sensiblement la part du tourisme dans le PIB tunisien, altérer gravement l’image du pays, et le forcer à consacrer une part de plus en plus importante de ses ressources à la sécurité, sans jamais être sûr d’arriver à des résultats probants.

 

Abcès de fixation

 

A Tiguentourine comme à Benguerdane, la même doctrine a dominé dans l’organisation de la riposte : mobilisation massive de moyens, fermeté totale, affichage d’une volonté de ne strictement rien céder. Plus que la riposte elle-même, c’est le message qui l’accompagne qui compte : fermeté totale.

Les deux pays n’ont rien à céder face au terrorisme. Ils paieront le prix nécessaire pour en venir à bout. Mieux : la Tunisie, qui entre dans le tourbillon du terrorisme alors que l’Algérie est supposée en sortir, a fait bloc, et ses institutions sécuritaires ont fait preuve d’une efficacité insoupçonnée.

Tous ces facteurs vont naturellement pousser à un rapprochement entre les deux pays. La coopération sécuritaire, déjà étroite, devrait s’intensifier. Ceci a déjà conduit les deux pays à adopter la même approche face aux mêmes menaces, et à développer le même argumentaire face aux pays occidentaux, tentés par de nouvelles aventures.

Pour tout le monde, il y a aujourd’hui un abcès de fixation Daech en Libye. Comment l’éliminer au moindre coût ? Les Occidentaux ont affirmé leur préférence : ils veulent bombarder, pendant que les pays de la région enverraient des troupes au sol. Ils n’ont trouvé aucun partenaire susceptible de les accompagner dans ce scénario. L’Algérie s’est blindée derrière le principe de non-ingérence, la Tunisie n’a pas les moyens d’une telle politique, et l’Egypte gère ses propres difficultés.

 

Fait accompli ?

 

En bombardant un des fiefs de Daech, les Américains ont-ils tenté d’imposer un fait accompli, comme le suggèrent certains analystes ? Benguerdane est-elle une réponse de Daech à ce bombardement ? A défaut de réponses précises, le doute s’installe.

Et pendant ce temps, Daech renforce son fief en Libye, au risque d’y installer un embryon d’armée, avec notamment des transfuges tunisiens : il y aurait plus de 5.000 Tunisiens dans les rangs de Daech en Irak et en Syrie. Un cessez-le-feu de longue durée au Machrek risque de les amener à se replier à Syrte, qui deviendrait alors une plateforme pour se lancer à la conquête de différentes régions de Libye, voire pour essaimer en Tunisie et en Algérie.

C’est ce qui provoque cet éternel malaise avec la position algérienne. Sur le principe, l’analyse algérienne était solide; elle était d’autant plus convaincante que l’Algérie est probablement un des pays qui connaissent le mieux la violence, ses engrenages, ses conséquences, sa dynamique et la difficulté d’en maîtriser les résultats. Mais cette analyse sert, parfois, d’alibi à l’inaction, voire même à cacher des échecs.

Ce fut le cas au Mali ; cela peut devenir le cas en Libye. Car il ne faut pas s’y tromper : des créations de type Daech peuvent connaitre une formidable dynamique d’expansion. On l’a vu en Syrie-Irak. Rien ne dit qu’un mouvement similaire est exclu en Libye.

Particulièrement depuis que l’Algérie a refusé de se laisser enrôler dans les conflits entre sunnites et chiites au Moyen-Orient. Vue du Moyen-Orient, l’Algérie est considérée comme proche de l’axe Iran-Syrie. Quoi de mieux qu’un Etat islamique à ses frontières est et sud pour la ligoter ? Ce qui amène à se demander qui a été attaqué à Benguerdane, et si cette ville se trouve en Tunisie ou en Algérie.

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