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Maghreb

Bouteflika entre rituel épistolaire avec le roi Mohamed VI et profession de foi maghrébine

Par Yazid Ferhat
août 22, 2015
Bouteflika entre rituel épistolaire avec le roi Mohamed VI et profession de foi maghrébine

Il y a un an, le 20 août 2014, dans le discours officiel lu par son conseiller à l’occasion de la journée nationale du Moudjahid, le président Bouteflika évoquait la « communauté de destin » entre l’Algérie et le Maroc et appelait les deux pays à ne pas faire cas « des futilités des jours ordinaires ».

 

Une profession de foi maghrébine renouvelée encore cette année à Constantine dans le discours lu, en son nom, par le ministre de la culture Azzedine Mihoubi.

Les services du protocole de la présidence n’ont pas oublié, non plus et comme de coutume, le message de circonstance à envoyer au roi Mohamed VI à « l’occasion du double anniversaire de sa naissance et celui de la Révolution du Roi et du Peuple. »

Dans le message au roi, le président Bouteflika se dit fier de remémorer « les moments de cohésion sincère, d’entraide fraternelle et de sacrifice dont ont fait preuve nos deux peuples frères lors de leur lutte héroïque commune contre l’occupant pour le recouvrement de la souveraineté et de l’indépendance ».

Il souligne également sa « ferme détermination à œuvrer de concert avec votre Majesté au raffermissement des liens de fraternité et de solidarité au mieux des intérêts de nos deux peuples frères ».

Une lettre rituelle qui permet de préserver le fameux « cheveu de mouaouiya » qui ne doit jamais rompre. La « profession de foi maghrébine » qui contraste avec l’état de panne durable dans laquelle se trouve l’Union du Maghreb arabe (UMA) s’exprime avec plus d’emphase dans le message lu par Azzedine Mihoubi à Constantine.

« Le 20 août, c’est aussi le symbole de la solidarité de notre valeureux peuple avec ses frères dans le royaume du Maroc » indique-t-il dans son message.

« Aussi, je saisis cette opportunité pour dire, au nom du peuple algérien, l’attachement de l’Algérie au projet d’édification du Maghreb arabe par fidélité aux nobles valeurs de justice, de liberté, d’unité et de progrès commun qui nous ont unis durant notre lutte contre le colonialisme ».

Mohammed Ben Youssef, Mohamed V, Habib Bourguiba…

Le président Bouteflika rappelle que le 20 aout 1953 le « peuple algérien a joint sa voix à celle du peuple marocain frère pour dénoncer le protectorat et les forces d’occupation qui ont contraint à l’exil son éminent souverain, le vaillant moudjahid Mohammed Ben Youssef, le roi Mohammed V, lui et sa famille, y compris le prince héritier de l’époque, Hassan II, que Dieu les accueille en Son vaste paradis parmi les pieux. ».

Une position exprimée « au moment où les chefs de la Révolution algérienne préparaient un soulèvement populaire à l’échelle maghrébine pour en finir avec le colonialisme » et que le « peuple tunisien frère menait sa lutte sous la conduite de son leader, le président Habib Bourguiba, et du grand militant, le chahid Salah Ben Youssef, que Dieu leur accorde Sa miséricorde ».

« La jeunesse dans les trois pays s’entraidait pour en finir avec le protectorat imposé à la Tunisie et au Maroc et l’occupation abjecte de la terre de l’Emir Abdelkader, d’Ahmed Bey et de Lalla Fatma N’Soumer »

« L’épreuve a donné naissance aux plus beaux actes d’héroïsme qui ont permis le retour du roi Mohammed V dans sa patrie, concrétisant le triomphe de la révolution du roi et du peuple, mais aussi le retour victorieux, dans son pays, du leader Bourguiba » écrit Bouteflika en soulignant que cela s’accompagnait d’un « sentiment commun des peuples du Maghreb arabe que leur parcours et leur destin étaient étroitement liés aussi bien dans l’aisance que dans l’adversité. »

« Les conditions d’une révolution maghrébine collective étaient, dès lors, réunies, écrivant une nouvelle page heureuse de l’histoire du continent africain et du monde arabe ».

Mais l’état actuel du Maghreb est bien loin de correspondre aux vœux des mouvements nationalistes maghrébins et des espérances nées de la conférence de Tanger (27-30 avril 1958) qui regroupait les dirigeants du Parti marocain de l’Istiqlal, du Néo-Destour tunisien et du Front de libération nationale algérien (FLN).

Pourquoi le Maghreb n’a pas marché?

A la question « qu’est ce qui n’a pas marché, », feu Abdelhamid Mehri militant maghrébin au long cours, porte-parole de la conférence historique de Tanger d’avril 1958, expliquait en 2009, les causes profondes de l’impasse maghrébine.

Dans un entretien au Quotidien d’Oran, il soulignait que les acteurs dans les différents pays ne « manquaient pas de sincérité » mais étaient « porteurs de notions et de concepts très différents, qui n’auraient pu être dépassés que si les régimes avaient pris le chemin de la démocratie. »

Cela n’a pas été le cas et avait-il souligné et « la perpétuation de régimes autoritaires, pas seulement en Algérie et au Maroc, n’était pas en mesure de produire une Union maghrébine. L’UMA est, aujourd’hui, à l’image des régimes politiques au Maghreb. »
Les conceptions radicalement divergentes entre l’Algérie et le Maroc sur le Sahara Occidental sont un des causes du blocage.

« Au Maroc, la légitimité est fondée sur l’allégeance et il leur est difficile d’imaginer une nouvelle légitimité qui toucherait au fondement du régime…  » notait Adelhamid Mehri. Mais du côté de l’Algérie « accepter l’allégeance traditionnelle ou historique met en cause tous les fondements et ouvre la voie à la remise en cause de ses frontières. « 

Mehri estimait cependant que ces conceptions opposées auraient pu être dépassées « si l’on était allé vers la démocratie. »

« L’esprit profondément maghrébin de la conférence de Tanger, que les régimes œuvrent à étouffer, aurait, dans un contexte démocratique, créé des dynamiques permettant de dépasser le blocage. C’est pour cela que je dis que la démocratie et le Maghreb marchent de pair. « 

Article initialement publié dans le Huffington Post Algérie

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