C’est à la Banque d’Algérie et non au ministère des Finances de piloter le recyclage de l’argent de l’informel (opinion) - Maghreb Emergent

C’est à la Banque d’Algérie et non au ministère des Finances de piloter le recyclage de l’argent de l’informel (opinion)

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Pour l’auteur, le ministère des Finances est chargé essentiellement de l’optimalisation des choix budgétaires et n’a pas pour vocation de piloter une telle opération.

 

 

L’administration fiscale algérienne a informé les citoyens qu’un programme de conformité fiscale volontaire est mis en place à compter du 2 août 2015, et ce, en vertu de la loi de finances complémentaire (LFC) pour 2015, votée fin juillet dernier. Les entrepreneurs du secteur de l’informel – ils détiendraient, selon le Premier ministre, plus de 37 milliards de dollars – sont invités à  déposer leur capital argent dans les banques. Les sommes déposées dans ce cadre par toute personne, quelle que soit sa situation, font l’objet d’une taxation forfaitaire libératoire au taux de 7%, selon l’article 43 de la LFC, le dispositif  fixant une date limite le 31 décembre 2016 à cette opération. Au delà de cette date, ceux n’ayant pas souscrit pour légaliser leur argent seront redressés dans les conditions de droit commun applicables en la matière. 

C’est là une amnistie fiscale indirecte et limitée dans le temps contre une taxe forfaitaire libératoire, c’est-à-dire simple et non rétroactive. Pour ses initiateurs, elle devrait permettre d’éviter les pénalités et les redressements conséquents à une éventuelle découverte de leurs activités par les administrations compétentes. Toujours selon l’article 43, « les sources de ces fonds ou les transactions qui en sont à l’origine doivent être légitimes et ne correspondre à aucun acte incriminé par le Code pénal et la législation régissant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ».

Ce dispositif réussira-t-il à drainer toutes ces sommes qui échappent au fisc ? Que constatons-nous ? La Banque d’Algérie fait déraper le dinar au moment où, pour déposer ses fonds dans les banques, le citoyen a besoin d’avoir confiance en la monnaie nationale, autrement dit de sa stabilité relative. Le cours du dinar sur le marché parallèle, malgré la venue de nombreux émigrés, a dépasse les 160 dinars pour un euro. La seule explication de cette dépréciation est la baisse des réserves de changes clôturées à 160 milliards de dollars fin mars 2015 (qu’en est-il en août 2015 ?)La question se pose : au moment où le cours de l’euro s’apprécie par rapport au dollar, pourquoi cette dévaluation sinon pour voiler l’importance du déficit budgétaire ? Cela aura-t-il un impact sur la valeur des importations sachant que celles-ci satisfont 70% des besoins des ménages et des  entreprises privées? N’oublions pas que nous sommes à l’ère de la mondialisation et que bon nombre d’inputs sont croisés provenant tant de la zone dollar que la de la zone euro. 

Pour en revenir au recyclage de l’argent de la sphère informelle, la question se pose également : pourquoi c’est le ministère des Finances qui pilote cette opération et non pas la Banque d’Algérie dont c’est le rôle principal ? Le ministère des Finances est chargé essentiellement de l’optimalisation des choix budgétaires, il n’a pas pour vocation de piloter une opération de recyclage de l’argent informel, les règles prudentielles étant du seul ressort de la banque d’Algérie et la fiscalité jouant seulement à l’aval.  La Banque d’Algérie, elle,  est la seule, selon la loi, habilitée à émettre les règles prudentielles. C’est elle qui est chargée de régler la circulation monétaire, de diriger et de contrôler, par tous les moyens appropriés, la distribution du crédit, de réguler la liquidité, de veiller à la bonne gestion des engagements financiers à l’égard de l’étranger, de réguler le marché des changes et de s’assurer de la sécurité et de la solidité du système bancaire. Elle est consultée par le gouvernement sur tout projet de loi et de texte réglementaire relatif aux finances et à la monnaie et elle peut lui proposer toute mesure de nature à exercer une action favorable sur la balance des paiements, le mouvement des prix, la situation des finances publiques et, d’une façon générale, le développement de l’économie.

 

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