Entre les députés mal élus, les règlements de compte au sujet du partage de la rente et les enjeux de pouvoir, l’Assemblée populaire nationale (APN), montre encore une fois ses limites démocratiques, avec la guerre déclarée entre le président de l’APN Bouhadja et le groupe parlementaire du FLN.
Des députés conduits par les élus de la majorité, sont montés au créneau, pour destituer Saïd Bouhadja. Cinq groupes parlementaires se sont coalisés pour demander le départ du président de la chambre basse. Ils ont annoncé le gel de leurs activités à l’assemblée. A l’origine de tout ce battage, il y a le renvoi du SG de l’APN, un élu du FLN et la tentative de récupérer les véhicules du parc de l’institution, encore entre les mains de personnalités du sérail, qui ont achevé leur mandat parlementaire.
L’opinion est désemparée par le jeu d’ombres et de lumière, animé par le secrétaire général du parti majoritaire, Djamel Ould Abbès. Un scénario qui parle de trahison, de dilapidation de biens publics, est concocté pour donner du crédit à la démarche. Le FLN voudrait solder ses comptes avec l’intéressé, en utilisant l’APN. Beaucoup, y perçoivent une sorte de putsch contre une institution censée être élue.
Le gel de l’activité parlementaire au moment où est engagée la discussion sur le PLF-2019, montre le peu de crédit qui entoure les institutions élues. L’opinion sidérée, observe cette tempête dans un verre d’eau, qui s’est emparée de l’hémicycle sous la férule du parti du président. La relance économique tributaire du financement non conventionnel, n’est pas au rendez-vous. La croissance peine à voir le jour, pour essayer d’améliorer les fondamentaux financiers et il y a tout un battage médiatique, pour essayer d’engager le pays dans l’option du gaz de schiste sur lequel le débat reste inachevé, parce que dans cinq ou dix ans, nous dit le ministre de l’énergie, les exportations de gaz vont cesser, pour pouvoir satisfaire la consommation intérieure.
C’est ce contexte de morosité que choisit le FLN, pour solder ses comptes, avec un dignitaire du parti, président de l’Assemblée populaire nationale. Une guerre inédite, s’est emparée de l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Prévue le 30 septembre, la journée parlementaire consacrée à la charte pour la paix et la réconciliation nationale, n’ pas pu avoir lieu compte tenu de la situation de blocage qui est en train de se développer au sein de l’institution parlementaire.
Les députés du FLN, avec ceux de trois autres formations de l’alliance présidentielles, RND, TAJ, PRA et des indépendants, ont engagé une démarche commune, pour essayer de dégommer le président de l’Assemblée, à travers une pétition qui comporterait selon Ouyahya, quelques 361 signatures de parlementaires. Pour le président Saïd Bouhadja, il n’y aurait que 64 signataires et il estime contre toute attente, que seul le président de la république pourrait le faire partir. Le pouvoir législatif, apparaît comme une fiction face à l’omnipotence du pouvoir personnel et les institutions, sont devenues caduques avec l’excès de personnalisation du pouvoir. L’APN, n’a qu’une existence formelle et sa dissolution ne pourrait affecter que les députés mal élus qui se jouent aujourd’hui de l’institution parlementaire.
Dans son action, l’exécutif n’a jamais tenu compte du parlement. La LF-2019, pourrait être adoptée par ordonnance présidentielle et le gouvernement peut continuer à travailler dans l’illégalité, comme d’habitude. La dissolution mettra au contraire fin, à l’hémorragie des indemnités des députés, qui accablent les ressources publiques. Ahmed Ouyahya, SG du RND et actuel chef du gouvernement, a affirmé avec beaucoup d’aplomb qu’ » Il n’y aura pas de dissolution du parlement » et que » La loi de finances 2019, sera signée par le président même si le blocage de l’Assemblée se poursuit « . Il a même infirmé l’existence d’un plan B, pour la dissolution de l’institution parlementaire. Pour lui, » La crise est due au fait que les députés, ne veulent pas travailler avec le président de l’APN et la présidence n’y a rien à voir « .
Il a exhorté par la même occasion, Saïd Bouhadja à partir. Ahmed Ouyahya, investit à fond, dans la crise de l’APN parce qu’elle lui permet de rééquilibrer le rapport de force face à son concurrent au pouvoir le FLN, rapport de force devenu nettement défavorable depuis les deux dernières élections, à l’échelle nationale (législatives et locales). Les deux partis de l’alliance présidentielle, se seraient mis d’accord, pour procéder à une reconfiguration des deux chambres, à l’issue de la crise du parlement et à un partage de l’influence, dans les deux institutions élues. Cet accord aussi ponctuel qu’imprévu, entre les deux frères ennemis, explique l’assurance d’Ahmed Ouyahya qui donnait l’impression de ramer contre le courant, sur » la non dissolution de l’Assemblée populaire nationale » qui affirme qu » Avec ou sans parlement, la LF-2019, sera signée « .
Tout laisse donc entendre, lorsqu’il dit que » La présidence n’interviendra pas dans la crise « , que le destin du président de l’APN est scellé et que des reclassements consécutifs à cette fronde, vont se faire. Mais nul n’est dupe, cette cabale contre Saïd Bouhadja, un cas de figure qui n’est prévu par aucune disposition du règlement intérieur de l’APN, laisse un avant-goût désagréable, sur la fin de règne du pouvoir Bouteflika.
Mahdi Sâad-Eddine