Le retour au bicéphalisme(1) à la tête de banques publiques, annoncé, est une mesure qui a déjà été tentée (bis repetita), il y a de cela plus de vingt ans…Avec un échec cuisant en fin de compte ! Ce qui s’est traduit par un retour en arrière (consolidation du poste de P-DG) et à une configuration à la place de celle bicéphale !
L’échec donc de cette nouvelle tentative est garantie, compte tenu de ce que nous avons vécu antérieurement et que personne ne semble se souvenir. En effet, une paralysie quasi complète des banques et des compagnies d’assurance a eu lieu du fait que les Président des Conseils d’administration (PCA) et les Directeurs Généraux (DG), passaient le plus clair de leur temps à se disputer leurs prérogatives respectives bloquant, de jure, la gestion de l’entreprise et les différentes directions opérationnelles.
L’analyse de l’échec antérieur aurait méritée un audit de manière à en tirer les conclusions pertinentes plutôt que de récidiver, est prendre le risque d’une nouvelle paralysie des banques publiques, dans la situation que traverse le pays et du rôle crucial attendu de ces dernières, dans la sortie de la crise économique aggravée par la pandémie ! La question qui se pose, est celle de savoir qui a été à l’origine de cette décision, pour le moins incongrue, dans la situation actuelle ? Le financement de l’économie par les banques publiques (représentant au moins 80%) est un instrument fondamental, entre les mains des pouvoirs publics pour assoir sa politique de relance et une paralysie probable est tout simplement irresponsable… il y va de la sécurité nationale de notre pays !
Un changement, à la tête des banques publiques, peut se concevoir mais pas en reconstruisant un schéma bicéphale voué à un échec certain. En fait, le problème réside dans la distribution des prérogatives des uns et des autres et de la responsabilité individuelle et collective pas seulement du PCA et du DG mais également de tous autres membres du Conseil d’administration. L’injection de hauts fonctionnaires (administratifs) dans les Conseils d’administration des banques publiques, a déjà été une catastrophe généralisée, il y a de cela une dizaine d’années, puisqu’elle n’a apporté aucun résultat tangible sur la qualité de la gestion de ces dernières, pires encore les PDG ont réagi, à cette « intrusion », par des « négociations mesquines » avec les différents administrateurs (recrutement, octroi de crédits, augmentation des jetons de présence, tantièmes…) pour garder leur autonomie de décision et leur autorité sur le Conseil.
Les banques publiques sont réputées commerçantes et sont régies, à ce titre, par les règles contenues dans le Code de commerce, en son chapitre III, relatif aux sociétés par actions. En outre, la loi 90-10, relative à la monnaie et au crédit, prend en charge les relations avec la Banque d’Algérie et notamment pour ce qui concerne le refinancement. Il s’agit donc pour elles de trouver un sentier vertueux entre la loi relative à la monnaie et au crédit et les lois qui régissent, l’activité commerciale, sans y déroger même si certain les qualifie de « frileuses ». Dans ce sentier étroit, l’unicité de commandement est impérative et ne saurait se diluer entre deux ou plusieurs donneurs d’ordres, surtout s’ils ont des points de vues divergents. « Plus d’un commandant par navire, le bateau coule » dit-on, dans la marine ! Ceci d’autant que les membres du Conseil d’administration, qui sont investis de large pouvoirs (art. 622) sont des « faux administrateurs» puisqu’ils ne sont pas propriétaires d’au moins une action conformément au code de commerce (art. 619) et qu’ils ne sont que les représentants de l’actionnaire unique, qu’est l’état, représenté par le Ministre des finances !
Enfin, une fois nommés, les administrateurs ne font l’objet d’aucune feuille de route ni de directives de la part de leur mandant sauf le jour de leur révocation discrétionnaire. En matière de financement de l’économie et dans le cadre d’une sujétion publique, notamment celle des programmes gouvernementaux, elles doivent être compensées par des subventions (bonifications) prises en charge par le Trésor public, ce qui est le cas actuellement. Pour le reste, elles doivent agir dans la commercialité la plus stricte comme le font les banques privées de la place.
La véritable restructuration du système monétaire et financier passe par une vision et une stratégie qui dépasse de loin la reconfiguration hasardeuse des membres des Conseils d’administration, nonobstant la qualité des personnes désignée. Elle passe par la fusion des six banques publiques actuelles, (à l’instar de ce qui se fait de par le monde), organisation héritée de la restructuration organique (2) dévastatrice du début des années 80, qui est une hérésie totale aujourd’hui, ce qui appelle une révision complète de l’organisation du système monétaire et financier, dans son ensemble. C’est un travail d’expertise autrement plus profond et qui nécessite une vision et une cohérence qui n’existe malheureusement pas actuellement.
La fusion des six banques publiques en deux ou trois au maximum, fait partie de cette vision stratégique qui manque cruellement, ce qui conduit à des mesurettes qui vivront le temps de leur géniteur, c’est-à-dire quelques mois! Cette fusion permettra une meilleure couverture spatiale de la bancarisation de notre économie, un gain de productivité dans la gestion des banques et une surface financière adaptée aux besoins de financement de l’économie et enfin un professionnalisme des ressources humaines, qui, pour les meilleurs ont rejoint le secteur privé.
La délicate période actuelle, ne doit pas laisser la place des pirouettes voire à « des expérimentations en laboratoire » de schéma désuet et qui ont démontré leur échec antérieurement ni au charlatanisme bureaucratique d’une époque éculée mais certainement procéder de l’analyse objective de la situation et les perspectives escomptées pour atteindre des objectifs précis retenus. Toutes autres démarches consistent à mettre en œuvre une politique de « fuite en avant », dans un monde où le temps est une variable économique décisive, rare et qu’il faut allouer avec parcimonie. Il est vrai, cependant, qu’un Gouvernement transitoire (deux mois au plu tard) n’a pas le temps de mener de telle réformes !