Le Pr. Slimane Bedrani de l’Ecole nationale supérieure agronomique d’Alger (ENSA) nous parle, dans cette contribution, de la spéculation dans le marché des produits agricoles. De son point de vue, le spéculateur joue un rôle bénéfique sur le marché.
Le Quotidien d’Oran du 15 mai 2017 annonce triomphalement dans un article que 20 tonnes de dattes ont été saisies par les services de contrôle de la direction du commerce à Oran parce qu’elles étaient stockées dans un frigo en vue d’être mises sur le marché durant le mois de Ramadhan. Pour les services du commerce et pour le journal, cette pratique est condamnable car elle relève de la « spéculation ».
Le 26 août 2017, dans Maghreb Emergent, un « Expert agronome-Conseiller à l’export » fustige encore les spéculateurs les rendant responsables de l’envolée des prix des produits agricoles. Il affirme péremptoirement : « Ces spéculateurs guettent le moment opportun pour s’accaparer des marchandises à bon prix et les stocker en créant ainsi la pénurie. Ils déstockent au moment voulu et imposent leurs prix ». C’est une définition correcte du spéculateur, sauf sur un point : dans une économie de marché, le spéculateur n’impose pas son prix (sauf s’il ya une situation de monopole, ce qui n’arrive quasiment jamais en Algérie pour les produits agricoles). Le prix se fixe en fonction de l’offre (plus ou moins abondante) et de la demande (plus ou moins forte).
Pourquoi l’auteur du texte ne voit-il pas le rôle régulateur du spéculateur et donc son rôle bénéfique pour l’économie ? Pourtant, il affirme bien que « spéculer » c’est acheter au moment où les prix sont bas pour stocker et revendre au moment du Ramadhan (ou de l’Aïd) quand les prix sont élevés. Pourquoi cette pratique serait-elle condamnable ? Bien au contraire, les producteurs de dattes ou de produits maraîchers comme les consommateurs devraient être reconnaissants à ce « spéculateur ». Les producteurs y sont gagnants parce que le spéculateur achète en période de pleine production et, ce faisant, sa demande soutient les prix à la production. Les consommateurs y gagnent parce que le spéculateur mets ses produits stockés sur le marché au moment où l’offre est rare. Grâce à son offre, il contribue ainsi à limiter la hausse des prix. Si notre type de spéculateur n’existait pas, les quantités offertes sur le marché pendant le Ramadhan et l’Aïd seraient bien moindres et les prix seraient d’autant plus élevés. Producteurs et consommateurs devraient donc remercier ce type de spéculateur et les services du ministère du Commerce seraient bien avisés de le laisser en paix.