Les organisateurs de l’ACF 2018 veulent toujours y croire. Un thème sur l’intégration du Maghreb a bien figuré au copieux menu des deux jours.
L’un des ateliers les plus dégarnis de la double journée de l’Africa CEO Forum 2018 aura été celui dédié à l’intégration Maghrébine. Une erreur peut être du cabinet Conseil PWC qui ont a assuré l’animation. L’accès à la salle Nairobi était réservé aux invitations. Comme s’il existait un enjeu de confidentialité ou de sécurité sur une rencontre audacieusement intitulée « Faire de l’innovation un catalyseur de l’intégration Maghrébine. Résultat, une trentaine de présents dans un espace qui peut en accueillir le double, au cœur d’un forum de 1600 invités.
Amel Kerboul, ex ministre du tourisme tunisienne et actuelle secrétaire générale du MEF, le forum économique maghrébin ne s’y est d’ailleurs pas trompé «plus personne ne s’intéresse aujourd’hui au Maghreb en tant qu’espace commun, comme le montre le peu de présents à cet atelier ». La messe est dite ? Pas tout à fait.
Les organisateurs de l’ACF 2018 ont peut être pensé, avec les experts de PWC, proposé un sentier de contournement au blocage de l’intégration maghrébine à l’arrêt depuis 1994. L’innovation et en particulier l’innovation par la digitalisation serait elle un recours pour sauter par dessus les frontières et les crispations souveraines ? En théorie oui. A condition de fusionner les données des pays du Maghreb afin de proposer des solutions intégrée à des publics situés au delà d’un seul pays. Pour les experts cela est possible car la data est devenu « comme une commodité disponible ».
Elle n’est plus chère comme avant. « Ce qui coute cher c’est le processing de cette data ». Gérer des données importantes et leur donner un sens utile à un public cible. Au point de pouvoir vendre un service. Comme par exemples vendre aux agriculteurs des informations organisées et personnalisées liées à leur activité. Une solution potentiellement trans-maghrébine.
Des ingénieurs tunisiens chez Condor
En réalité, « l’innovation est bien par définition le domaine qui a le plus besoin de faire éclater les limites du marché domestique » ont expliqué plusieurs intervenants. Le Maghreb a tout intérêt à se trouver des projets intégrateurs de compétences et d’objectifs de marché impossibles à réunir sur un seul pays. Réda Hamai conseillé personnel du PDG de Condor a bien voulu venir au secours de l’ambiance un peu morose qui a plané sur ce panel en rappelant que pour son département recherche et développement, le groupe d’électronique algérien emploie une soixantaine d’ingénieurs tunisiens et d’autres égyptiens.
L’avantage comparatif dans l’innovation est pour autant « souvent le fait d’une adaptation à un besoin local des consommateurs que le fruit d’une avancée fondamentale » a prévenu Réda Hamai. La Recherche et Développement qui provoque des ruptures sur des industries traditionnelles est encore « hors de portée » des acteurs du Maghreb. La fintech, le High Tech appliqué à la finance aurait pu aussi un être un canal d’intégration régionale au Maghreb. Mais la aussi la voie suivi par les pays du Maghreb est trop ressemblante à celle de l’Europe voisine. Et le modèle, aujourd’hui en fin de cycle, de l’agence bancaire de réseau, a empêché l’émergence comme en Afrique subsaharienne, d’une intégration régionale par les solutions digitales ou de mobile.
Face à des maghrébins penauds, et pourtant toujours en attente d’une grande relance d’un espace économique commun entre leurs pays, les chefs d’entreprise de l’Afrique de l’Ouest, unis par une monnaie unique et un marché de plus en plus intégré de 350 millions de consommateurs paraissaient bien plus joviaux. La signature à Kigali, la semaine précédente, de l’accord de libre échange continental sous l’égide de l’Union Africaine a ajouté au malaise des premiers et à l’optimisme, mesuré, des seconds.