Pour ce professeur à Polytechnique, les économies d’énergie à réaliser sont partout. Dans nos habitations d’abord qui « sont de véritable passoires et qui consomment en moyenne 300 KW par m2 et par an contre 3 fois moins actuellement en Europe ». dans le domaine des transports également : « Il faut que l’Etat à travers ses parcs de véhicules et les transports collectifs publics et privés donne l’exemple en s’équipant systématiquement en GPL ».
M. Chemseddine Chitour, qui était ce mercredi l’invité de Radio M., est, depuis maintenant de très nombreuses années, l’avocat infatigable et l’exemple d’un universitaire et d’un homme de science engagé en faveur de la transition énergétique dans notre pays. Il est revenu sur ses thèmes de prédilection qui font petit à petit leur chemin dans l’opinion nationale, mais pas forcement dans les politiques publiques même si, concède-t-il, un certain nombres de mesures adoptées récemment vont « dans la bonne direction » : implication et sensibilisation de l’ensemble de la société et des institutions, nécessité d’un vaste débat pour définir et mettre en place un « modèle énergétique national », importance des économies d’énergies, insistance sur la formation d’une ressource humaine de qualité….
Un modèle énergétique à 50% durable à l’horizon 2030
Le travail de persuasion entrepris par M. Chitour est une tâche de longue haleine qui demande du souffle et de la persévérance. Cet ancien directeur de l’Ecole polytechnique d’Alger annonce qu’il organise le 15 avril prochain, à l’occasion de « Youm el ilm », la 21ème édition de sa « Journée du développement humain durable ». Le thème retenu cette année met la barre très haut.
Cette manifestation plaidera en faveur d’un modèle énergétique à 50 % durable à l’horizon 2030. La note de présentation annonce la couleur : « L’eau a un coût, l’électricité a un coût, le carburant a un coût, la bonne éducation a un coût. Toutes ces composantes qui font l’épanouissement de l’algérien du futur doivent être dimensionnées en fonction d’une consommation raisonnable mais aussi du pouvoir d’achat du consommateur. Sans un juste prix, il n’y aura pas de transition énergétique vers le développement humain durable et différer cela ne fera que compliquer la tâche des générations futures. Nous devons tout faire pour que l’Algérie de 2030 soit une Algérie de progrès. Pour cela les décisions courageuses doivent être prises maintenant ».
Pour des « Assisses nationales sur l’énergie ».
Pour Chemseddine Chitour la définition d’un modèle énergétique national est un préalable qui fait aujourd’hui cruellement défaut pour encadrer et orienter les choix énergétiques de l’exécutif et des acteurs économiques. « Elle ne peut pas, ne doit pas, être uniquement l’affaire du gouvernement ou d’un ministère de l’Energie ». Elle doit « impliquer également la société civile, les experts, les universitaires et les opérateurs économiques dans une vaste réflexion nationale. « Le gouvernement algérien n’a pas adopté la bonne démarche. Le modèle actuel avec 40% de résidentiel, 40% de transport, 10% dans l’industrie et 10% dans l’agriculture n’est pas viable. Pour réaliser une stratégie énergétique et avoir une vision du futur, il faut un engagement non seulement des décideurs mais aussi celui de la société elle-même car c’est elle qui est appelée à appliquer les mesures préconisées dans le programme ». L’espace privilégié pour cette réflexion collective pourrait être la tenue « d’Assises nationales sur l’énergie afin de lancer un débat sur l’avenir énergétique du pays « en prenant à témoin la société algérienne ».
« Notre meilleure banque c’est notre sous-sol »
Chemseddine Chitour fait d’abord remarquer que les ressources énergétiques fossiles du pays sont limitées et qu’il faut penser à les préserver. « L’Algérie disposerait de 2.500 milliards de m3 de gaz. Nous produisons à peu près 100 milliards de m3 par an dont nous exportons à peu près 55 milliards de m3 et dont nous consommons une quarantaine de milliards de m3. A cette cadence, nous n’aurons plus de gaz dans vingt ans », annonce-t-il. Pour le pétrole, notre pays « en a encore pour une quinzaine d’années ».
Economiser et préservez ces ressources est aujourd’hui « une priorité et un devoir à l’égard des générations futures ». Et pour cela « notre meilleure banque, c’est le sous sol algérien », ajoute Chemseddine Chitour en faisant allusion à une surexploitation des gisements qui a conduit à placer des réserves financières oisives dans des banques internationales.
Un bouquet énergétique plus diversifié
Dans le but d’arriver à un bouquet énergétique à 50% renouvelable dans moins de 15 ans, le professeur Chitour a déjà quelques idées très précises. Il faut mettre en place « un bouquet énergétique incluant à la fois le solaire, l’éolien, l’hydraulique et le géothermique ». A propos du solaire photovoltaïque « il ne faut pas chercher à inventer le fil à couper le beurre et mener des combats d’arrière garde. L’Algérie devrait rechercher des partenariats et s’arrimer à de grands producteurs chinois ou allemands ».
L’innovation dans le domaine du solaire concentré est en revanche « à notre portée ». Pour avoir un bouquet diversifié, i l faut aussi penser à l’hydraulique : « On produisait à l’indépendance 450 MW d’électricité hydraulique. On a aujourd’hui construit 80 nouveaux barrages qu’on n’a pas équipés pour la production d’énergie alors que les Marocains, par exemple, le font presque systématiquement. » Chemseddine Chitour évoque également les « 260 sources thermales existantes qui pourraient être une source d’énergie géothermique non négligeable »
Economies d’énergie : « Nos habitations sont des passoires »
Mais pour le professeur à Polytechnique, « le gisement des économies d’énergie reste encore le plus important ». Les économies à réaliser sont partout. Dans nos habitations d’abord qui « sont de véritable passoires et qui consomment en moyenne 300 KW par m2 et par an contre 3 fois moins actuellement en Europe » Dans le domaine des transports également, bien sûr : « Il faut que l’Etat à travers ses parcs de véhicules et les transports collectifs publics et privés donne l’exemple en s’équipant systématiquement en GPL ». Le levier des prix du carburant et de l’énergie doit être utilisé « de façon différenciée par une augmentation rapide qui touchera surtout les tranches supérieurs de consommation ». Mais aussi « de façon progressive et régulière en expliquant et en sensibilisant la population par une communication plus active et intelligente ».
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