Schneider Electric se positionne en locomotive de l’efficacité énergétique. Des solutions « métiers » qui portent la croissance de sa filiale algérienne à 30 %. Son directeur, M. Christophe Begat , éclaire sa feuille de route.
Schneider Electric est présent en Algérie depuis quelques années et affiche un dynamisme croissant. Quel est le moteur de votre développement sur le marché dans le monde et en Algérie ?
Schneider Electric est, en effet, présent en Algérie depuis maintenant 50 ans. L’Algérie est un pays important pour notre groupe. Nous avons ouvert un bureau de liaison en 1994, puis nous avons créé carrément une filiale de droit algérien en 2000. Ce qui nous différencie des autres groupes étrangers, est que nous avions démarré l’activité industrielle aussi rapidement en 2002 à Rouïba, par l’assemblage d’équipements électriques de moyenne tension pour Sonelgaz et ses clients. Nous avons affiché depuis le départ notre stratégie qui consiste à s’intégrer dans le tissu industriel local pour être proches de nos clients.
Nous sommes leader mondial en matière de gestion de l’énergie. Nous travaillons surtout sur la problématique d’efficacité énergétique. Nous partons d’un dilemme. Vous avez, d’une part, des besoins en énergie qui vont doubler en 2050, des besoins en énergie électrique propres qui vont doubler en 2030. Et, d’autre part, beaucoup de lobbies qui font pression pour réduire les émissions des gaz à effets de serre. Soit, en même temps une demande qui augmente et des appels à minimiser la consommation. Nous proposons des solutions pour aider à mieux gérer cette consommation. Nous travaillons au carrefour de ce dilemme entre plus de consommation e plus d’économies d’énergie.
Vous venez de présenter vos résultats en AG. Est-ce que 2013 a été une bonne année pour vous ?
Oui. Elle a été une très bonne année. Si j’ai un chiffre à vous donner, c’est 30 %. Nous avons réalisé une croissance de 30 %. 2013 était un bon cru. Et, globalement, la croissance était identique pour les cinq segments de notre activité : énergie, industrie, bâtiment, bâtiments et infrastructures et IT. Il faut préciser que pour ce dernier domaine, nous proposons pour les banques, les opérateurs de téléphonie etc., des solutions en matière de sécurisation de l’alimentation.
2013 était une année exceptionnelle. Cette croissance est-elle installée dans la durée ?
A l’exception de l’année 2010 où nous avions subi les contrecoups des problématiques des secteurs du pétrole et du gaz avec la forte baisse des commandes de notre client principal. Cela a pénalisé l’ensemble des opérateurs travaillant avec Sonatrach. Nous avons été gravement affectés parce que Sonatrach représentait 35 % de notre chiffre d’affaires. Nous avons été contraints à aller chercher d’autres clients. Sinon, pour 2011 et 2012, nous avons réalisé une croissance à deux chiffres. Sonatrach ne représente plus que 10 % de notre chiffre d’affaire. Nous sommes moins dépendants du pétrole (Rire). Nous avons par ailleurs découvert des secteurs que nous ne connaissions pas avant, comme le ministère des travaux publics. Nous avons ainsi équipé un tunnel de l’autoroute Est-ouest, celui vers Lakhdaria. C’était assez significatif pour le groupe. Nous avions des compétences dans le groupe qui étaient éparpillées et nous nous sommes dit, pourquoi ne pas relever le défi localement avec des équipes locales. Cela a réussi et nous nous apprêtons à soumissionner pour d’autres projets tunnels sur les pénétrantes de cette même autoroute. Ce sont des projets que nous sommes désormais capables de livrer clés en main. Nous avons travaillé aussi avec une entreprise espagnole dans le cadre du projet du tramway d’Oran dans sa partie signalisation. Dans le domaine des IT (Information Technology), nous avons travaillé sur des projets de sécurisation de l’alimentation pour des banques, des opérateurs de téléphonie mobile etc.
Cette diversification vous a donc permis de ne plus dépendre d’un secteur comme c’était le cas pour le pétrole et le gaz avec Sonatrach …
…Oui mais, selon les chiffres de 2013, nous sommes plutôt dépendants de Sonelgaz maintenant (Rire). Ce n’est néanmoins pas une dépendance négative. Nous accompagnons le groupe Sonelgaz dans la réalisation de son plan de rattrapage en matière de transport et de distribution. C’est un plan d’urgence pour lequel nous étions très sollicités. L’ensemble des commandes que nous avions reçu en 2013 de la part de Sonelgaz et de ses partenaires représente 40 à 50 % de notre business. Pour aller plus vite, nous avons fait travailler des sociétés algériennes en leur cédant des licences de fabrication. Elles fabriqueront sous notre contrôle des équipements au même niveau de qualité que Scheider Electric.
Est-ce que la cession de ces licences est un choix qui s’est imposé dans l’urgence ou est-ce une démarche réfléchie ?
La stratégie de Schneider Electric est de pénétrer le marché à travers des partenaires locaux. Pas spécialement en Algérie, mais dans le monde entier. Si le marché est important pour le groupe, comme c’est le cas pour l’Algérie, en élaborant le business plan, nous regardons toujours s’il y a des partenaires potentiellement compétents pour fabriquer ce que nous fabriquons.
Et cette stratégie concerne tous vos produits ou vous privilégiez la société mère pour ceux qui contiennent une haute valeur ajoutée ?
Quand nous parlons de société mère, ce qui importe pour nous, c’est de développer l’activité de Schneider Electric Algérie. Nous sommes une société de droit algérien, nous comptons 246 collaborateurs dont seulement trois étrangers. Cela est important. Ce qui compte aussi, c’est que nous nous sommes rendu compte que pour certains projets en Algérie, nous sommes capables de nous engager en tant qu’entreprise algérienne.
Avez-vous des soucis pour la remontée de vos dividendes comme c’est le cas pour d’autres opérateurs étrangers en Algérie, et si oui cela ne pose t’il pas de problèmes avec les actionnaires quand vous élaborer vos business plans et quand vous voulez vous engager davantage en Algérie ?
Nous sommes une SARL avec pour seul actionnaire Schneider Electric France. Et oui nous avons de temps à autres, des soucis avec la remontée des dividendes vers l’actionnaire. Mais ce qu’il faut retenir c’est que nous sommes présents en Algérie depuis 50 ans. Ce qui peut être vu comme une contrainte administrative pour certains, nous l’attribuons au contexte local. Nous y sommes intégrés. Nous faisons avec. La vraie question, comme vous disiez, est de savoir comment faire pour rassurer nos actionnaires, notre Management. L’Algérie est un pays stratégique pour Schneider Electric et notre Management la connait bien. Ils sont plus adeptes à prendre des décisions pour encourager les investissements en Algérie. C’est un honneur pour moi. Et, en tant que gérant de la filiale, et à voir ce qui se passe avec beaucoup de confrères français ou autres qui passent leurs temps à convaincre leurs patrons, je me considère comme privilégié. Par contre, ils comptent sur moi pour remonter la vraie information, les vrais challenges, pour prendre les décisions adéquates.
Comment voyez-vous le développement de Schneider Electric Algérie ? On s’attend à un ralentissement des secteurs portés par la commande publique dans le cadre du rattrapage infrastructurel. Cela vous pousse t-il à rechercher d’autres relais de croissance future ?
Bien sur. Même si nous n’y sommes pas encore. Il y a des besoins et vu la demande en énergie aujourd’hui, il n’est pas illégitime de penser que pour répondre à ses besoins de consommation, une grande partie de l’énergie devra venir du renouvelable. Il y a de la place pour le faire, que ce soit pour l’éolien ou la photovoltaïque mais, il n’est pas normal d’y penser dès maintenant. Car, il y a aussi urgence et quand on est dans l’urgence, on va souvent vers ce qu’on connait bien.
Avez-vous des solutions à proposer au grand public ?
Oui. En matière d’énergie renouvelable, nous faisons de l’éolien et du photovoltaïque. Nous proposons des solutions complètes : fourniture, installation, maintenance et engagement sur la performance et la rentabilité.
Vous les commercialisez déjà en Algérie ?
Pas encore en Algérie mais, à travers le monde, nous avons en référence installée environ trois gigawatt installés dont 400 millions livrés clés en main.
L’autre chantier est celui de l’efficacité énergétique. En Algérie on gaspille l’énergie. Quelle sont les solutions que vous proposez ?
Il faut réfléchir à comment encourager les gens à consommer moins. Certaines industries comme les cimenteries et les briqueteries génèrent de par leurs processus industriels une énergie de mauvaise qualité qu’elles réinjectent sur le réseau. On appelle ça les énergies réactives. Cela perturbe le réseau et pour cela, Sonelgaz les sanctionnent par des coûts élevés. Là-dessus, Schneider Electric propose des solutions que nous commercialisons depuis longtemps en Algérie, des solutions pour réduire le COS phi (déphasage entre le courant et la tension, Ndlr). La réponse que nous apportons est celle de la sécurité et de la disponibilité. Dans les autres secteurs, comme le bâtiment, nous avons des systèmes de bâtiments intelligents capables d’apporter de l’énergie là où on en a besoin. C’est ce que nous sommes en train de proposer actuellement.
Est-ce que vous réalisez cette croissance parce que vous êtes seuls sur le marché ou vous vous distinguez par rapport à la concurrence ?
Nous ne sommes pas tout seul. Aujourd’hui, il y a la crise en Europe et cela veut dire l’Algérie intéresse beaucoup de monde. La concurrence vient de partout. Les Portugais et les Espagnols sont très agressifs. Vous avez les chinois qui sont de redoutables businessmen. Nous apprenons depuis récemment que la Chine a supplanté la France comme premier fournisseur de l’Algérie. Symboliquement, c’est important. Nous restons innovants et créatifs pour se positionner. Nous, au groupe Schneider, nous nous différencions par une chose importante, c’est que nous investissons 5% de notre chiffre d’affaires en recherche & développement. On nous dit vous être chers. Nous sommes chers et nous sommes fiers de l’être. Parce que nous investissons énormément d’argent dans la R&D afin d’apporter nos clients les meilleurs produits, équipements et solutions, pour que nos clients puissent utiliser la meilleure technologie en matière d’efficacité énergétique. C’est notre credo. Nous ne serons jamais les moins chers.
Le groupe a fait des acquisitions ces dernières années dans le monde est-ce que cela peut un jour concerner des PME algériennes qui ont réussit à développer des compétences dans vos secteurs d’activités ?
Le plus facile à déployer est le transfert de licences ou technologique. Contrairement aux acquisitions qui sont un processus un peu long. Elles nécessitent l’accord des actionnaires et des validations par plusieurs instances. C’est ce que nous avons fait en 2013. Pour la fabrication de transformateurs, nous avons octroyé une licence à REMELEC. C’est un vieux partenaire à nous. Il va démarrer la fabrication le trimestre prochain. Avec un autre partenaire, SALGEPEM, en l’occurrence, qui construit les kiosques préfabriqués, nous faisons deux choses : l’installation des transformateurs et nous nous allons bientôt démarrer la fabrication des cellules moyenne tension.
Trouvez-vous facilement des partenaires fiables ?
C’est la question cruciale. Si c’est un nouveau partenaire qui débarque, que personne ne connait, il n’a aucune chance. REMELEC, par exemple, est un partenaire historique. Cela fait 30 ans que nous travaillons avec lui. Nous le connaissons bien. Pour se lancer avec lui dans la fabrication, cela passe par tout un processus de qualification. Après validation par le Groupe, des experts viendront qualifier les équipes en place, les processus de fabrication etc.
Et pourquoi cela ne marche pas avec Sonelgaz, le partenariat avec sa filiale Kahrakib peine à se concrétiser ?
Du Tout. Nous travaillons depuis des années avec Sonelgaz. L’idée de la fabrication de certains composants par Sonelgaz relève de la stratégie de cette entreprise qui veut devenir beaucoup plus intégrée. Ouvrons une parenthèse. Elle fait déjà du solaire dans son usine de Rouiba. La question qui se pose est de savoir pourquoi Sonelgaz veut fabriquer des panneaux solaires, alors qu’il revient beaucoup moins de cher de les importer de Chine. Or, Sonelgaz dit vouloir maitriser son offre et pour pouvoir maitriser son offre elle veut pouvoir fabriquer des composants au lieu de les acheter…
Le Parlement européen vous place comme première entreprise du CAC40 à le faire du lobbying à Bruxelles. Vous êtes dans les deux métiers, les énergies conventionnelles et renouvelables, pour quelle option pencheriez-vous ?
Les lobbyistes verts sont une contrainte à l’échelle mondiale. Face à eux il y a les producteurs et les distributeurs d’énergie. Nous sommes au milieu. Nous prônons le principe de mieux maitriser l’énergie, celui de l’efficacité énergétique. Nous trouvons que c’est mieux d’être au milieu pour apporter une solution au dilemme.
Cette position « au milieu » est due au retard technologique de Schneider dans le domaine du renouvelable ?
Non, nous ne sommes pas en retard. Au contraire, nous sommes même en avance dans certains domaines, nos domaines d’excellence. En terme du renouvelable, nous sommes dans la fabrication des composants, notre domaine d’excellence est la conversion électrique et nous sommes leader mondial. Nous nous sommes spécialisés dans la fabrication des convertisseurs et nous sommes le fournisseur qui proposons le meilleur rendement. Dans la conversion il y a toujours des pertes mais, nos solutions réalisent des taux de l’ordre de 95%. En terme de produits, nous sommes dans le « smart light ». Il s’agit pour nous d’aider l’opérateur à mieux gérer le dispatching sur son réseau. Tant qu’il y a une production inférieure à la demande, et c’est le cas de figure de l’Algérie, on est obligé de gérer de manière optimal le dispatching et amener l’électricité là où il y a le besoin. En abordant ce dilemme, produire plus et économiser plus, nous nous positionnons au milieu. Nous prônons l’efficacité énergétique. C’est notre créneau.