Selon l’économiste il faut mettre des mécanismes pour « utiliser l’argent des citoyens et des entreprises pour financer l’économie ».
Fausses bonnes idées, nouvelles pistes à explorer. Nour Meddahi, professeur à la Toulouse School of Economics, place le dinar, monnaie surévaluée, au cœur du dispositif à mettre en place pour faire face à la crise.
Explorer des chemins nouveaux, oser, exploiter au mieux ce qui est disponible. Nour Meddahi, professeur à la Toulouse Schools of Economics, invite à une démarche innovante pour faire face à la crise économique que subit l’Algérie. La valeur du dinar est au cœur de ses plaidoyers. Surévaluée, la monnaie nationale serait, entre autres, à l’origine des déséquilibres de l’économie algérienne.
Pour Nourd Meddahi, « le dinar devrait continuer à baisser ». Il rappelle que la monnaie algérienne « n’a pas bougé depuis janvier 2016 ». Pire : si on tient compte du fait que le dollar a baissé depuis, cela signifie que le dinar s’est réévalué par rapport au dollar.
Cette valeur nominale du dinar fausse toutes les projections. Selon les calculs de Nour Meddahi, le déficit de la balance des paiements aurait atteint 25 milliards en 2016, ce qui représente 16-17% du PIB. En termes de ratio importations/PIB, cela équivaut à 29%. Pour lui, « historiquement, ce n’est pas très élevé ». Mais si le dollar passe de 110 à 120 dinars, le déficit passe de 29 à 33%, ce qui est « problématique ».
Or, les évaluations du PIB sont erronées, et « le problème, c’est le dinar ». Nour Meddahi est formel : « le PIB est surévalué. Il n’est pas de 170 milliards de dollars », dit-il. En reprenant des hypothèses du FMI sur la valeur du dinar, il constate que la surévaluation du dinar serait de 20 à 40%, selon le modèle utilisé.
Baisse de l’IRG, suppression des taxes négatives
La dépréciation du dinar est donc une option centrale. Mais le gouvernement dispose d’autres leviers, selon M. Meddahi, qui préconise une action concomitante : une baisse de l’IRG d’un côté, et une action pour éliminer les « taxes négatives », comme le faible prix du carburant. Selon lui, l’IRG ne touche que le formel, alors qu’une révision du prix du carburant toucherait également l’informel. Ce serait une action, parmi des dizaines d’autres, de s’attaquer à l’informel.
M. Meddahi note aussi que non seulement l’Algérie a des taux d’imposition plus élevés que les pays voisins, mais elle connait une hausse des taxes plus rapide.
Il rappelle également que le secteur de l’agriculture est soumis à « zéro impôt. Ce n’est pas normal » qu’un secteur aussi vaste demeure en dehors de la fiscalité, dit-il
Les licences, une formule temporaire
Nour Meddahi rappelle qu’il a été, avec Raouf Bouccekine, l’un des premiers à évoquer la mise en place de licences d’importations. « Mais instituer des licences pour les bananes, ça, je ne comprends pas », dit-il aujourd’hui, affirmant sa préférence pour le système des taxations et une action sur la valeur du dinar. « Il faut se projeter dans l’avenir », dit-il, précisant qu’il est favorable à « des licences pour aider une production naissante, ou pour gérer une conjoncture délicate, mais pas pour dix ou vingt ans ».
Pour lui, avec un déficit budgétaire de 15% du PIB en 2015 et 13.8% en 2016, le gouvernement se devait d’explorer d’autres pistes. Nour Meddahi affirme qu’il faut maintenir le niveau des dépenses, mais cela n’interdit pas des ajustements », le tout étant de savoir « où va cet argent ? Il faut donc dépenser mieux ».
Fausses solutions
Il cite une série d’options à éviter. « Ne pas donner un dinar à Sonelgaz », par exemple. Selon lui, l’entreprise publique est en surcapacité. Il trouve injustifié de dépenser deux milliards de dollars juste pour satisfaire un pic de deux jours en été. « On n’a pas les moyens de gérer le pic d’une ou deux journées du mois d’août », dit-il, préconisant de recourir au délestage et d’augmenter les prix. Il demande de poser la question algériens : faut-il mettre deux milliards de dollars pour répondre à un pic de production, ou utiliser cet argent construite quatre grands hôpitaux ?
Il se dit également hostile à l’idée de créer une banque de l’habitat. Il faut plutôt « vitaliser le marché financier », en rappelant que « le plus gros, ce n’est pas la bourse des actions, c’est le marché des capitaux, les obligations ».
Selon lui, il faut mettre des mécanismes pour « utiliser l’argent des citoyens et des entreprises pour financer l’économie ». A l’évidence, il estime la rémunération actuelle « trop faible ». Il faut donc « rendre les obligations liquides, attractives », et innover, en transformant l’argent du logement en obligations.