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Algérie

Comment Abdelaziz Bouteflika va faire du Maroc le dragon du Maghreb

Par Yazid Ferhat
juin 23, 2015
Comment Abdelaziz Bouteflika va faire du Maroc le dragon du Maghreb

La semaine économique commentée par El Kadi Ihsane.

 

Alignement rares des astres pour lire le destin économique de l’Algérie cette semaine. Mais mauvais alignement. Dans la succession cosmique, le plan d’urgence de Nabni, l’affaire Hollande-Peugeot et la loi de finances complémentaire pour 2015. C’est une semaine tournant dans la conjoncture de l’après pétrole cher. Nabni y casse tous les tabous avec un plan d’urgence tonitruant, Hollande y confirme toutes les tares avec une annonce placebo sur la venue de Peugeot en Algérie, et le gouvernement y atteste de toute sa fébrilité en s’attaquant au rationnement du carburant. La Coface est venue le vendredi ajouter sa petite comète perforante. Elle a mis l’Algérie sous surveillance négative. Conséquence de cette onde gravitationnelle : les trajectoires sont plus lisibles. D’abord Nabni. ABDA, le plan d’urgence en 12 points proposé en milieu de semaine dernière, invite les autorités à commencer à agir. En arrêtant d’emblée ce qui ne marche pas dans les mesures de ces dernières années. Une d’entre elles fait résonnance avec l’autre événement astral de la semaine, l’investissement de Peugeot au Maroc. Dans les 24 heures ou Nabni propose de mettre un terme au 51-49 qui a affaibli l’attractivité algérienne déjà peu performante avant 2009, Peugeot annonce une usine de 90 000 moteurs et véhicules extensible à 200 000 unités destinés à l’Afrique et au Moyen Orient. Le président François Hollande a anticipé le coup de sang d’Alger en annonçant, la veille, que Peugeot étudiait une implantation industrielle en Algérie. Il y a quelques semaines PSA avait fait une promesse similaire au gouvernement tunisien. Le fait est là. L’Algérie est d’abord un marché, le Maroc d’abord un atelier. Et la tendance ne va pas s’équilibrer. L’équipementier français de l’aéronautique Figeac-Aero, déjà présent en Tunisie, a annoncé dans la foulée son installation au Maroc. Le modèle du partenariat algéro-français reste sur le seuil de l’économie mondiale : Alstom à Annaba, Renault à Oran ou Sanofi à Alger vont produire d’abord pour le marché algérien avec un actionnariat majoritairement algérien qui ne pousse pas à l’aventure internationale. Si Peugeot concède une usine d’assemblage en Algérie ce sera selon les mêmes canons : modèle d’entrée de gamme, faible intégration locale, marché domestique. La suppression de 51-49 seule ne suffira sans doute pas à éliminer le gap entre l’attractivité marocaine et l’algérienne. Les performances de l’administration algérienne sont restées autocentrées sur le standard local. Nabni propose de relancer le projet des zones franches. La loi qui les a autorisées en 2003 a été abrogée en 2006. Les producteurs étrangers auraient le moins de contacts possibles avec l’environnement d’affaires algérien. La relance de l’attractivité algérienne est un chantier d’urgence. Le Maroc est là pour le montrer. Des coûts de production algériens en théorie plus faibles grâce au dinar algérien vs le dirham et grâce à des fournitures en énergie et en eau moins chères sont sapés par un dispositif légal et réglementaire anti-investissement. Complot ?

 

Pour comprendre l’impotence algérienne à virer vers un modèle de valeur ajoutée productive, la loi de finance complémentaire pour 2015. Nabni propose dans ABDA de commencer à déconstruire le système de subventions qui concourent à un gaspillage devenu financièrement insoutenable avec un pétrole à moins de 70 dollars le baril. En tête le gaspillage du carburant. Le gouvernement avait son idée sur le sujet. Pas de remise en cause des prix. Donc maintient de la subvention mais limitation de son volume de desserte. Les algériens auront donc un plafond de consommation de carburants à prix soutenu du carburant. Au-delà ils arrêteront de rouler. Ou ils paieront à un autre prix le litre de carburant. Un prix plus réaliste. Il fallait donc y penser. Le gouvernement reconnait que le prix du diesel et de l’essence sont insoutenables pour le budget de l’Etat. Mais au lieu de les ajuster pour pousser les utilisateurs à la modération, il invente un système de contingentement par quota. Ainsi, les automobilistes vont se présenter aux stations d’essence avec une carte sur laquelle il sera défalqué à chaque fois la quantité de carburants qu’ils auront achetés. Jusqu’à épuisement du quota. Délirant. L’esprit de la licence et de l’agrément arrive dans le tuyau de la pompe. Combien de recrutements ? Combien de contrôleurs ? Combien de carnets ? Comment gérer cette nouvelle administration ? Disons que les 200 premiers litres par mois auront le même prix à la pompe pour tout le monde. Au-delà, ce sont les plus riches qui continuent de rouler ou ceux qui sont, par obligation, obligés de faire plus de kilomètres ? Ou alors le quota ne sera pas pareil pour les professionnels de la route ? Abdelmalek Sellal s’est inventé un schmilblik d’enfer pour la fin de son séjour à la tête du gouvernement. Les Chaouis n’ont pas eu raison de lui. Le plafonnement de la consommation de carburant le brûlera avant le prochain printemps.

 

Au cœur galactique de cette semaine des pires, un homme. Le président de la république. Abdelaziz Bouteflika refuse de remettre en cause le système des prix soutenus. Il refuse que l’on rétablisse l’attractivité de l’Algérie en commençant par réserver le 51-49 à quelques secteurs et pas à tous investissements étrangers. Conséquence, un gouvernement faible, non appuyé sur une majorité parlementaire légitime, se fond en circonvolutions pour faire de la réduction des dépenses et de la relance de l’attractivité sans toucher aux lignes rouges du président tenace. Il invente le rationnement de l’essence et l’investissement « étranger lot de consolation ». Face à Renault Tanger et bientôt ses 400 000 véhicules par an pour l’international, Oued Tlelat et un jour ses 50 000 Symbol pour l’Algérie. Et maintenant Peugeot. Au fond, le gouvernement a fait la même chose pour les télévisions privées algériennes. Bouteflika avait juré ne pas en laisser se constituer sous son pouvoir. Elles sont là, mais avec un statut précaire de télévisions étrangères. Circonvolution, contre-réforme. Comme pour le carnet à la station d’essence supposé réduire la consommation sans toucher au prix. La réforme louvoie avec les volontés présidentielles. Bouteflika veut partir sans tensions sociales à gérer. Ce qui se passera après lui ? Le Maroc deviendra un dragon Maghrébin en captant tous les investissements que l’Algérie aurait du capter (Combien vend Peugeot au Maroc ?) et en lui maintenant un approvisionnement important en carburant au noir bon marché grâce à un prix excessivement bas . Pas une mauvaise nouvelle, au fond. Le prochain pouvoir politique algérien aura au moins un modèle de performance à méditer. Si l’Algérie ne perd pas la tête entre temps.

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