La Corée du Sud était jusqu’au 08 mars, après la Chine, le pays le plus infecté par le Covid-19 mais aussi celui où le taux de mortalité (moins de 1%) demeure l’un des plus faibles. Le pays est en train d’endiguer l’épidémie sans confinement ni mesures coercitives. Une autre voie a été choisie : l’hygiène, la massification des tests et la communication intensive. Loin du contexte algérien, même si certaines actions sont réalisables.
La diminution constante des cas de Coronavirus enregistrés en Corée du Sud est attribuée à divers facteurs, notamment les tests de masse, l’amélioration des communications publiques et l’utilisation de la technologie.
Transparence et implication de la population
En partageant leur expérience dans la lutte contre cette épidémie, les responsables sud-coréens insistent sur la difficulté de mettre en œuvre, dans une société ouverte, les mesures de confinement imposées par la Chine à Wuhan, ville de naissance de la pandémie.
« Sans porter atteinte au principe d’une société transparente et ouverte, nous recommandons un système de réponse qui associe la participation volontaire du public à des applications créatives de technologies avancées », a déclaré le vice-ministre sud-coréen de la santé, Kim Gang-lip, aux journalistes.
Selon ce responsable, les mesures conventionnelles et coercitives telles que le verrouillage des zones touchées « sapent l’esprit de démocratie et aliènent le public qui devrait participer activement aux efforts de prévention », alors que « la participation du public doit être assurée par l’ouverture et la transparence ». Rien n’est fait en Algérie aussi bien en matière de transparence, encore moins en termes d’implication de la population, en dehors de quelques vœux pieux. Le discours à tous les niveaux, officiel et non officiel, est plus sécuritaire, auto-satisfaisant et fataliste, que sanitaire.
« Pas de masque, pas d’entrée » et massification des tests
Les autorités sud-coréennes ont misé sur la mise à la disposition de leurs citoyens de toutes les informations nécessaires pour assurer leur sécurité. Deux fois par jour, des points de presse sont organisés. Des messages d’alerte par téléphone portable sont transmis aux personnes vivant ou travaillant dans les districts où de nouveaux cas ont été confirmés.
De nombreux bâtiments affichent cette information « Pas de masque, pas d’entrée ». Les employés des restaurants et des commerces de détail doivent porter des masques lorsqu’ils servent leurs clients.
En Algérie, le personnel soignant aux premières lignes n’arrive pas à se procurer les masques aux normes alors qu’il est censé recevoir tous les cas suspects. Le masque gagnerait à rendre disponible massivement ce moyen de protection et à l’imposer par la sensibilisation.
L’Institut pasteur d’Alger, seul centre d’analyse, fait 40 tests par jour, et le président de la république annonce dans son discours à la nation que nous disposons de 6000 kits tests et 15000 seraient en voie d’acquisition. La Corée du Sud a mis en place des mesures créatives, notamment une solution de « drive test », adoptée récemment par un seul pays européen, l’Allemagne. Une cinquantaine de stations de test rapide au volant dans tout le pays, où il ne faut que 10 minutes pour effectuer l’ensemble de la procédure. Les résultats des tests sont disponibles en quelques heures et sont transmis à la personne testée qui aura renseigné un document avec ses coordonnées. Le coût des tests Covid-19, prohibitif dans de nombreux pays européens et utilisés avec parcimonie, même en Algérie, est gratuit et massif en Corée du Sud. Avec une capacité de traitement de15 000 tests de diagnostic par jour, le nombre total de tests effectué au 10 mars a atteint près de 200 000. Seuls des test massifs permettront de rapprocher le nombre de cas réels de celui déclaré, estimé selon une étude chinoise à au moins 27 fois les cas déclarés. En Chine, on peut imaginer le coefficient en Algérie parmi une population qui considère que la situation est exagérée.
Frontières, traçabilité des cas positifs et prise en charge des malades
Contrairement à ce qui passe partout dans les pays touchés par la pandémie, la Corée du Sud a mis en place des « procédures spéciales d’immigration » pour surveiller les arrivées sans avoir à interdire l’entrée du pays aux voyageurs entrants, y compris de Chine, de Hong Kong et de Macao. On vérifie leur température corporelle, et ils doivent remplir un questionnaire de santé avec leurs coordonnées. Toutes les personnes qui ont voyagé entre l’Europe et l’Algérie ses dernières semaines sont dans la nature en attendant que leurs premières victimes se manifestent. Seul le test systématique de tous les cas présentant des symptômes peut pallier à cette carence.
La Corée du Sud assure la traçabilité des cas confirmés sur la base de leurs transactions par carte de crédit et du suivi de leurs communications téléphoniques portables pour retrouver ceux qui ont pu entrer en contact avec eux. Le paiement électronique, embryonnaire dans notre pays, ne permet pas d’assurer cette mission. Aucune coopération n’est exigée des opérateurs téléphoniques pour assurer ce suivi grâce à l’utilisation des données téléphoniques des personnes testées positives. Contrairement aux pays européens qui n’ont hospitalisé que les personnes vulnérables, les malades sud-coréens, même avec de légers symptômes du coronavirus, bénéficient d’une prise en charge et sont placés en quarantaine dans des centres de formation professionnelle et d’autres installations publiques transformés en « centres de vie et de traitement », pour faire face à la pénurie des lits d’hospitalisation et préserver les structures hospitalières en charge déjà des autres pathologies. C’est une stratégie payante et qui tarde à être mise en application en Algérie. A l’heure actuelle, la ville de Blida, foyer de l’épidémie du Coronavirus devrait avoir son centre de confinement, au lieu d’utiliser les structures hospitalières conventionnelles pour accueillir les malades et les confinés.
Abdenour Haouati