Deux grands risques menacent de précipiter l’économie algérienne dans une contraction rapide en 2016. Ils habitent tous les deux le réflexe du management public. Le premier est strictement un risque de politique publique. Réduire drastiquement le budget d’équipement. C’est l’option déjà dominante de la loi de finance pour 2016 avec une coupe de 19% des dépenses d’investissements publics.
Une option de facilité qui compromet la dynamique de la croissance par la commande publique en espérant différer à plus tard -pour les adoucir- les coupes dans les dépenses de fonctionnement. Dans les subventions implicites en premier. Les professeurs Meddahi et Boucekkine ont insisté sur les risques récessifs de cette option dans un papier important publié à la mi-octobre dernier et qui propose en contre-partie un plan équilibré d’austérité budgétaire réparti sur plusieurs années. Le professeur Raouf Boucekkine a été, depuis, pressentie pour faire partie de la Task Force économique auprès du premier ministre. Bonne nouvelle. Si le processus de consultation en temps de crise devient effectif, le pire peut être évité sur ce front. Celui de la trop forte anticipation à la baisse des investissements publics, surtout ceux qui font travailler une partie de l’offre locale de biens et de services. Une sur-réaction pavlovienne qui, en bonne partie, avait valu un bond du taux de chômage de 11,4% en 1986 à 21% en 1987. Le contexte n’est certes pas semblable ; et la part de l’emploi privé est aujourd’hui suffisamment importante pour mieux amortir un choc dépressif de la commande publique. Il n’en demeure pas moins que le risque existe d’une remontée rapide du taux de chômage dès le second semestre 2016, alors même que le tableau macro-financier ne sera pas encore passé au rouge (Réserves de change et FRR). Cette remontée du taux de chômage c’est le second risque récessif qui menace de la doper en 2016. Il habite le système bancaire. Les banques publiques, celles qui dominent toujours la place en 2016, ont des règles d’octroi du crédit aux PME, extrêmement bureaucratiques en temps de croissance fortes. Ces règles deviennent tout simplement malthusiennes en contexte de réduction de l’activité. En clair, à la première contrariété de marché, la banque publique tue l’entreprise privée avant que son marché ne le fasse.
C’est l’histoire synthétique d’une jeune entreprise, de 25 ressources humaines, liée aux nouvelles technologies de l’information et à Internet. Sa banque, le crédit populaire algérien CPA a mis entre fin 2014 et fin 2015 plus d’une année pour simplement renouveler sa ligne de crédit d’exploitation 6 millions de dinars. Renouvellement non encore bouclé. Les responsabilités sont partagées 10% à cause de la PME, client de plusieurs années du CPA, qui a fait un trou d’air dans son chiffre d’affaires. 90% à cause de la banque qui n’a pas l’organisation requise pour évaluer le bon risque et surtout pour en décider rapidement. Un modèle de croissance basée sur le développement des applications mobiles, sur la production des contenus digitaux, sur l’émergence du paiement en ligne est forcément un business plan à retardement dans un pays qui a accéder à l’internet mobile en janvier 2014 et pas encore au e.commerce. En temps normal, le CPA et ses sœurs de la banque publique sont organisées sur la vieille économie et son corollaire, la garantie matérielle. OuedKniss.com par exemple, qui a refusé une offre de reprise à plus de 400 millions de dinars, ne peut rien lever de significatif pour ses dépenses d’exploitation auprès du CPA ou d’une autre banque publique en dehors des ratios prudentielles éculés. Même l’économie traditionnelle en pâtit. Un crédit de plus de cinq millions de dinars sollicité par une entreprise de réalisation dans la wilaya de Tissemsilt remonte au comité de crédit d’Alger qui se réunit une fois par semaine et pas toutes les semaines. Autant dire un goulot à étrangler des plans de charge sous des tonnes de papiers. Ce mode de financement anachronique de l’économie réelle, va donc devenir plus tendu en 2016. C’est-à-dire qu’il va laisser au bord de la route encore plus de dossiers bancables, donc plus d’opportunités de créer des emplois, ou d’en préserver. Le CPA et ses sœurs vont donc, par réflexe grégaire de protection, encore renforcer leur machine à ne pas voir ou se trouvent les gisements de valeur à financer. Elles vont sans doute aggraver la tendance à la contraction de l’activité en 2016 en simplement renforçant des règles d’exclusion du crédit déjà inadaptées en contexte expansif. Est-ce leur faute ? Mme Nacéra Haddad vice présidente du FCE a déjà déploré plus d’une fois l’absence d’un financement bancaire adaptée aux entreprises en difficulté. En 2016, elles seront un peu plus nombreuses. Et leurs banques publiques seront sans doute les premières à les envoyer vers l’informelle avant le dépôt de bilan. Les banques privées ? Elles ne restent pas une année pour évaluer un risque. Elles disent oui ou non plus vite. Le temps de retour d’information est de l’argent.
C’est la banque d’Algérie qui doit protéger l’économie contre une rareté inopportune du crédit lorsque les marchés vont commencer en 2016 à se ressentir de la baisse de la commande publique. La banque d’Algérie a les yeux rivés sur l’inflation, sa première mission. Elle devra bien sûr continuer à le faire en 2016. Mais le risque récessif qui impacte l’emploi n’est pas loin derrière. Avec un réseau de banques primaires qui, dominée par les banques publiques, va être mécaniquement tenté de réduire la voilure de ses engagements, l’anticipation vers le pire est là. Dans leur papier stratégique d’octobre 2015, les professeurs Meddahi et Boucekkine ont bien vu ce risque récessif amplifié par le système bancaire algérien tel qu’il est. Ils ont proposé à la banque d’Algérie une politique de stimulation de l’activité qui pousse les banques commerciales à chercher de l’épargne et à l’employer. Trois propositions charpentent cette politique : stopper au plus tard en juin 2016 les reprises de liquidités par la banque d’Algérie, baisser la rémunération des facilités de dépôts pour l’amener à un taux nul ou négatif, et réduire le taux de réserves obligatoires des banques et leur rémunération. Le but est clair. Les liquidités doivent être engagées dans l’économie pour créer de la nouvelle valeur. Engagées auprès de qui ? Des PME qui se sont bien développées ces dernières années et que le CPA et ses sœurs n’arrivent pas, indistinctement, à traiter comme un risque monobloc selon un système de garanties monocorde.