Dans un pays où seules 18% des femmes occupent un emploi formel, l’extension du congé maternité de 3,5 à 5 mois soulève des questionnements. Si la mesure est saluée, les militantes féministes pointent ses limites et appellent à une réforme plus profonde du droit du travail.
Le président Abdelmadjid Tebboune a annoncé dimanche 9 février, lors du Conseil des ministres, l’extension du congé maternité à cinq mois pour toutes les mères algériennes, contre trois mois et demi actuellement. Cette mesure, prise en charge par la Caisse nationale de Sécurité sociale (Cnas), s’accompagne d’une possible extension jusqu’à 24 semaines pour les mères d’enfants en situation médicale délicate, comme l’avait précisé la ministre de la Solidarité nationale Soraya Mouloudji le 14 janvier.
Pour Amel Hadjadj du Journal féministe Algérien, cette réforme reste insuffisante : “Cette prolongation du congé de maternité, bien que positive en apparence, reste très limitée et ne répond pas aux revendications de longue date des organisations comme l’APF ou la Commission Femmes de l’UGTA”. Elle pointe notamment du doigt une approche centrée sur l’enfant plutôt que sur la santé maternelle : “Conditionner cette prolongation à la maladie de l’enfant plutôt qu’à l’état physique de la mère montre que l’approche est davantage axée sur les droits de l’enfant que sur ceux des femmes.”
La militante soulève également la question cruciale du congé paternité, absent des débats. “Sans une politique plus inclusive pour les pères, la charge repose toujours en grande partie sur les mères, ce qui limite leur retour au travail et perpétue les inégalités professionnelles.”, a-t-elle déploré.
Un obstacle pour l’insertion professionnelle des femmes ?
À la question de savoir si cette extension du congé maternité ne risque pas de freiner l’embauche des femmes, Amel Hadjadj pointe un problème plus profond. “Le vrai problème n’est pas tant l’octroi de droits aux femmes, mais plutôt l’absence de contrôle sur la discrimination à l’embauche. Le secteur privé cherche avant tout la rentabilité, et tant qu’il n’y a pas de mécanismes de surveillance et de sanctions efficaces, il continuera à privilégier les options qui lui coûtent le moins”, soulève-t-elle.
Une préoccupation que partage Louiza Ait Hammou, membre du réseau Wassila. Jointe par Maghreb Emergeant, elle salue cette avancée tout en livrant une première lecture de la mesure, précisant n’avoir pas encore pris connaissance des détails du texte. “Cette nouvelle loi sur le congé maternité nécessite un cadre juridique renforcé pour prévenir toute discrimination à l’embauche. Avec un taux d’emploi féminin de seulement 18%, il est important que cette mesure sociale ne devienne pas un obstacle supplémentaire pour l’insertion professionnelle des femmes, dont les compétences sont un atout majeur pour le marché du travail.”
Face à ces enjeux, les deux militantes appellent à une réforme plus ambitieuse, incluant notamment un meilleur contrôle des pratiques d’embauche et une reconnaissance du travail informel, où de nombreuses femmes exercent sans protection sociale.
Yasser K.