La Commission chargée de soumettre des propositions pour l’amendement de la Constitution mise en place par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune ce mercredi 08 janvier 2020, est qualifiée de démarche antidémocratique par certains acteurs politiques et de renonciation à l’idée du dialogue par d’autres. Contactés par Maghreb Emergent, des partis politiques et des figures de la société civile, ont livré leurs réactions concernant la démarche du pouvoir.
« Le pouvoir ne va pas dialoguer »
Pour la politologue Louiza Driss Ait Hamadouche, » la mise en place de cette commission suggère que le « dialogue » a de facto commencé. Or, les mesures d’apaisement et de rétablissement de la confiance ne sont toujours pas réunies ». « Cet aspect risque donc de rendre le travail de cette commission plus compliqué », explique-t-elle.
Un avis partagé par Zoubida Assoul, avocate et présidente du parti politique l’Union pour le changement et le progrès (UCP) qui a souligné que » la Constitution n’est pas qu’une loi fondamentale mais un pacte social qui garantit la stabilité et la paix sociale pérenne et durable, elle doit-être le fruit d’un dialogue et consensus national, ce qui n’est pas l’avis du pouvoir en place il traite seul et d’une manière unilatérale et méprise l’avis et revendications de millions de citoyens et citoyennes qui s’expriment depuis 10 mois ainsi que toute l’opposition et la société civile qui ont font des propositions de règlement de la crise politique qui secoue le pays « . Pour elle, le pouvoir est dans ses anciennes pratiques.
Doit-on comprendre par-là, que Tebboune ne compte pas dialoguer ?
» J’avais déjà déclaré à la presse que le président a reculé depuis son discours d’investiture dans lequel il n’a pas prononcé le mot dialogue ni avec l’opposition ni avec les gens du Hirak » a répondu Zoubida Assoul. Quant à la politologue Louiza Driss Ait Hamadouche, elle pense que » la réforme de la Constitution est présentée par les gouvernants comme une réponse aux revendications du soulèvement populaire. C’est un « dialogue » implicite qui permet aux gouvernants de contourner l’implication directe du mouvement populaire. Cette formule permet de dépolitiser le dialogue « .
Pour elle, la mise en place de cette commission n’est rien qu’une promesse électorale. » Abdelmadjid Tebboune est à ce titre fidèle à sa démarche. Il a choisi une procédure purement technique qui sous-entend que la crise que l’Algérie connaît est due à un problème de Constitution. Ce qui n’est pas le cas. La crise est politique, elle remet en cause la nature des liens entre gouvernants et gouvernés « , a expliqué la politologue.
Par ailleurs, Me Assoul, trouve que » par cette lettre de mission on vit exactement les mêmes lettres d’Abdelaziz Bouteflika (président déchu) dans les trois commissions ; réforme et modernisation des missions de l’Etat de Sbih Misoum, réforme de la justice avec Mohand Isaad et la réforme de l’éducation d’Ali Benzagho « .
« Méthodes antidémocratiques »
La mise en place de la commission chargée de soumettre des propositions pour l’amendement de la Constitution présidée par Ahmed Laraba, n’est pas une surprise pour le secrétaire général de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), Abdelmoumene Khelil. » Le pouvoir est incapable de proposer autre chose que la reproduction de méthodes antidémocratiques basées sur des pseudo commission, un personnel qui lui assure son allégeance coupé du peuple et de ses réalités et une approche administrative stérile « , a-t-il soutenu.
Atmane Mazouz, secrétaire national chargé à la communication du parti, Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), estime que » tout projet de révision de la Constitution doit être l’émanation de la volonté populaire à travers des représentants qu’il aura préalablement choisis souverainement pour élaborer un texte fondamental pour la pérennité de l’Etat et le respect des choix populaires « . « L’histoire nous a appris que chaque Chef d’Etat désigné a élaboré des textes pour renforcer son emprise sur la société et protéger le clan qui l’a intronisé » a-t-il ajouté.
« Qui pourra croire que celui qui a été désigné en dehors et contre la volonté populaire puisse envisager l’idée d’une Constitution consensuelle que le RCD et l’opposition a tout le temps prôné ? », s’est interrogé Atmane Mazouz.
D’après lui, » le peuple algérien, dans sa plus grande majorité, a, souvent, affiché sa vision pour une Constitution consensuelle et pérenne qu’il souhaite donner au pays pour finir avec les illusions entretenues depuis l’indépendance. L’écrasante majorité de la classe politique algérienne rejette toutes projections venant d’un pouvoir illégitime avec de nouvelles supercheries visant à détourner l’opinion des exigences de l’heure et l’urgence d’une transition politique qui évitera le chaos à la nation « .
« Illégitimité du pouvoir »
Fethi Ghares, coordinateur national du Mouvement démocratique et social (MDS), a affirmé que son parti n’est pas là pour commenter les actions d’un système » illégitime qui a piraté et confisquer l’Etat algérien à travers des (élections) rejetées massivement. «
Enfin, selon lui, toutes les tentatives et manœuvres du régime ne sont là que pour donner un semblant de légitimité à un régime qui n’en a pas. » La mobilisation des Algériens chaque vendredi et mardi comme nous l’avons vu hier démontre un rejet total et catégorique de toutes ses actions. Le pouvoir ne représente que lui-même et ses intérêts étroits « , a conclu Fethi Ghares.