Il était prévu au départ que la banque maghrébine d’investissement soit dotée d’un capital de 500 millions de dollars, (www.financialafrik.com parle de 500 millions d’euros), dont 150 millions de dollars souscrits lors de sa création, répartis à part égale entre actionnaires des Etats de l’Union, dont l’accord cadre portant sa création a été signé en 1991 et le statut approuvé en 2006.
La Banque Maghrébine a été inaugurée le lundi 21 décembre 2015, à Tunis, après 25 ans de retard. L’institution bancaire, qui siègera à Tunis, financera des projets d’investissement, de développement et d’infrastructure en Tunisie, au Maroc, en Algérie, en Mauritanie et en Libye. Elle entend également instaurer une économie intra- maghrébine à travers le renforcement des échanges commerciaux et de la circulation des biens et des capitaux entre les pays de l’UMA. La banque peut créer des filiales, agences ou bureaux à l’intérieur ou à l’extérieur des Etats de l’Union. Pour atteindre les objectifs stratégiques de l’intégration, cette création n’étant Mais cela n’est qu’une petite étape, je considère que le projet de l’intégration maghrébine ne sera réalisable que si les gouvernements du Maghreb ont une vision commune de leur devenir face aux enjeux de la mondialisation
1.-Les économies maghrébines marginalisées au sein de l’économie mondiale
Le Maghreb a un poids économique insignifiant au sein du commerce mondial et même les échanges intra- maghrébines sont dérisoires moins de 3% de leurs échanges globaux. Or l’Europe du Sud (Italie – France – Grèce – Espagne) totalisent plus de 170 millions d’habitants. L’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie totalisent plus de 90 millions d’habitants. Si on l’on inclut les riverains méditerranéens dont la Syrie, le Liban, Israël, l’Egypte, Malte, la Turquie, l’Albanie, la Libye et l’ex Yougoslavie, nous aurons une population qui dépasse les 500 millions. Cette région est frappée actuellement par une récession économique et le coût de la non intégration qui selon le FMI fait perdre 2/3% de taux de croissance annuellement, devant s’accroître à l’avenir. Nous assistons à un écart croissant entre les pays de l’UMA ayant un revenu PIB global qui ne dépasse pas en 2014, 420 milliards de dollars face à un PIB des USA de 17416 milliards de dollars pour une population de 320 millions d’habitants (2014) ou de l’Union européenne qui dépasse les 18412 milliards de dollars pour une population de 500 millions d’habitants, soit un taux du PIB maghrébin par rapport à ces espaces d’environ 2%, alors que la Belgique avec 11 millions d’habitants a un PIB supérieur à 520 milliards de dollars US. L’intégration si elle se réalise sur des bases solides pourrait voir multiplier le PIB dans 5 années par trois ce qui le ramènerait seulement au PIB de la Corée du Sud. Cette récession s’explique par différents facteurs dont le manque d’homogénéisation économique pour des raisons historiques, politiques économiques et sociologiques et qui fait fuir les capitaux vers d’autres cieux plus propices à un moment où la concentration des échanges est dans le Nord, la Chine accaparant plus de 5O% pour la zone Sud. Mais la raison essentielle est le retard pris dans les réformes politiques, institutionnelles et économiques biens que certains pays du Maghreb aient largement réussie la stabilisation du cadre macro-économique condition nécessaire mais largement insuffisantes. C’est que les entreprises au Maghreb sont fortement imbriquées dans le système administratif lieu de relation de clientèles avec un pouvoir bureaucratique jacobin devant penser à une réelle décentralisation, voire à une régionalisation économique. Cette organisation spécifique où l’autonomisation de la décision économique est faible engendre peu d’innovation, d’esprit d’entreprise. Aussi certaines entreprises publiques ou privées sous traitant ce secteur, avec la domination pour ces dernières d’organisations familiales, vivant du transfert de la rente, exercent des pressions pour accroître le protectionnisme néfaste à terme et sont peu enclins à la concurrence internationale. Mais il faut reconnaître que depuis quelques temps avec la formation plus élevée, et l’ouverture sur l’extérieur, nous assistons à la naissance de nouvelles entreprises mues par de véritables entreprenants. Pourtant les multitudes pressions administratives ne leur permettent pas la créativité et l’imagination. Ainsi la seule sphère réellement autonome vis à vis des sphères du pouvoir est la sphère marchande ou industrielle informelle. Du point de vue des relations maghrébines, cela explique qu’au lieu que l’intégration soit dominée par des économies contractuelles ou organisées, nous assistons à une dynamique informelle caractérisée par une identité culturelle qui permet à des milliers de maghrébins surtout aux frontières de contourner la myopie des bureaucraties nationales. La raison essentielle trouve un fondement socio-historique qui rend d’actualité les analyses ibn khaldouniennes avec le poids du politique dans les sociétés maghrébines accentué par des structures tribales qui se consolident en période de récession économique. Il s’agira impérativement d’intégrer cette sphère dominante au niveau du Maghreb par la délivrance des titres de propriété devenant citoyenne, car acquise aux réformes pouvant constituer une force sociale dynamisante. Dès lors s’impose la nécessité d’une véritable révolution culturelle pour inculquer l’esprit d’entreprise et libérer l’ensemble des énergies créatrices. Au niveau des pays du Maghreb cela passe coordination des politiques commerciales, fiscales, douanières, des banques centrales. Ainsi parallèlement à la mise en place de la banque maghrébine d’investissement, il serait souhaitable à terme la mise sur place d’une banque centrale maghrébine (condition préalable avant de lancer une monnaie maghrébine) qui serait un maillon du système européen des banques centrales et à l’avenir du projet de la banque et bourse centrale euro-méditerranéenne horizon 2020.
2.-L’intégration maghrébine, une urgence de l’heure
Face aux bouleversements mondiaux, aux grands espaces économiques, l’accélération des réformes économiques conciliant efficacité économique et cohésion sociale et la démocratisation du Maghreb passe au préalable par l’instauration d‘un Etat de droit qui peut dans une première phase ne pas recouper la démocratie. Comme cette intégration est une condition pour une négociation collective efficace pour un véritable co-développement, un partenariat gagnant/gagnant avec les pays développés et émergents et plus globalement pour éviter ce dualisme Nord–Sud préjudiciable à l’avenir de l’humanité. Force est de reconnaître que le processus de Barcelone a eu des résultats pour l’instant mitigés, la responsabilité de l’Europe et du Maghreb étant partagée du fait d’une gouvernance qui au Maghreb souvent laisse à désirer et d’une vision strictement mercantile de l’Europe. Or, la symbiose des apports de l’Orient et de l’Occident, le dialogue des cultures et la tolérance est source d’enrichissement mutuel, étant dangereux pour le Nord de s’enfermer dans un ghetto qui enfanterait inéluctablement la violence. La mondialisation est un bienfait pour l’humanité à condition d’intégrer les rapports sociaux et ne pas la circonscrire uniquement aux rapports marchands en synchronisant la sphère réelle et la sphère monétaire, la dynamique économique et la dynamique sociale. L’élément culturel souvent négligé est selon notre point de vue fondamental, impliquant de synchroniser les réformes et la démocratie tenant compte des anthropologies culturelles afin d’éviter la greffe d’un organe étranger sur le corps social ce qui entraînerait un rejet avec d’importants traumatismes économiques et sociaux. C’est que les relations horizon 2015/2O20 doivent s’inscrire au sein de l’espace méditerranéen. Je pense fermement depuis de longue décennies et après analyse (1) que l’intensification de la coopération entre l’Europe- et le Maghreb, le Maghreb et les Etats Unis d’Amérique, le Maghreb et les pays émergents fondée sur la démocratisation de la région, le partenariat, l’introduction de l’investissement direct permettrait, de bouleverser ces comportements et les inscrire dans une perspective dynamique et faire du bassin méditerranéen un lac de paix et de prospérité. C’est que l’espace méditerranéen peut être ce lieu de création de réseaux rationnels. L’économie de marché concurrentielle répond à des lois universelles, mais il existe des spécificités sociales nationales dont il convient de tenir compte car source d’enrichissement mutuel permettant de communiquer avec des cultures lointaines et favorisant la symbiose des apports de l’Orient et de l’Occident. Ce réseau doit favoriser les liens communicationnels, les ères de liberté dans la mesure où les excès du volontarisme collectif inhibent tout esprit de créativité. Il y a lieu d’accorder une attention particulière à l’action éducative, l’homme pensant et créateur devant être à l’avenir le bénéficiaire et l’acteur principal du processus de développement. C’est pourquoi nous préconisons la création d’une université maghrébine ainsi qu’un centre culturel de la jeunesse méditerranéenne comme moyen de fécondation réciproque des cultures, et la concrétisation du dialogue soutenu pour éviter les préjugés et les conflits sources de tensions inutiles afin de favoriser l’émergence de nouveaux comportements pour un devenir solidaire. C’est que le Maghreb est une région géographique présentant une expérience millénaire d’ouverture sur la latinité et le monde arabe avec des liens naturels et dans son ensemble porte de culture et d’influences anglo-saxonnes. Economiquement le Maghreb présente des potentialités pour la promotion d’activités diverse et cette intégration peut être un exemple de ce partenariat global par l’amplification et le resserrement des liens et des échanges sous différentes formes. Il est indispensable que le Maghreb développe toutes les actions qui peuvent être mises en œuvre pour réaliser des équilibres souhaitables à l’intérieur de cet ensemble. En fait la constitution d’espaces régionaux économiques faibles est une étape d’adaptation structurelle au sein de l’économie mondialisée. Et afin de favoriser un quadruple objectif solidaire: la démocratie politique,- une économie de marché concurrentielle à base de concertation sociale,-les débats contradictoires d’idées par des actions sociales et culturelles pour combattre l’extrémisme et le racisme -la mise en œuvre d’affaires communes n’oubliant jamais que les entreprises sont mues par la seule logique du profit et dans la pratique des affaires il n’ y a pas de sentiments. Dans ce cadre l’émigration maghrébine ciment des liens culturels peut être la pierre angulaire de la consolidation de cette coopération. C’est un élément essentiel de ce rapprochement du fait qu’elle recèle d’importantes des potentialités économiques et financières. La promotion des relations entre le Maghreb et sa communauté émigrée doit mobiliser à divers stades d’intervention l’initiative de l’ensemble des parties concernées, à savoir le Gouvernement, les missions diplomatiques, les entrepreneurs, les commerçants et les compétences individuelles. L’engagement implicite caractérisant les relations entre nos communautés émigrées et les pays d’origine, ne doit pas occulter les légitimes intérêts strictement économiques des parties concernées pour garantir la rentabilité et la pérennité des opérations engagées. Les pouvoirs exécutifs devraient veiller, dans le cadre organisationnel et législatif, à alléger l’ensemble des procédures administratives, afin de favoriser la promotion de l’investissement et les échanges commerciaux, à l’instar de pays qui utilisent leurs compétences localisées à l’étranger comme point d’appui au développement. Cela permettrait par des actions concrètes de promouvoir la synergie de systèmes privés, politiques et administratives, pour développer une approche coopération intra maghrébine
3.-En conclusion : entreprendre ensemble
Il est suicidaire pour chaque pays du Maghreb de faire cavalier seul. Les relations entre les pays du Maghreb sont souvent passionnées pour des raisons historiques. Mais avec de nombreux intellectuels, entrepreneurs et hommes politiques maghrébins soucieux de concilier la modernité et notre authenticité, nous sommes convaincus du fait de la densité de nos rapports culturels qu’elles seront transgressées dans le cadre des intérêts bien compris de chaque nation. L’accélération des réformes économiques, sociales, culturelles (le droit à la différence) inséparables de l’instauration de l’économie de marché humanisé, de l’instauration de la démocratie, du respect du droit de l’homme, de la promotion de la condition féminine et de la sécurité avec le terrorisme qui est une menaces planétaire, dont les nouvelles tensions au Sahel, au Moyen Orient et en Afrique conditionnent largement la réussite de cette grande entreprise qui interpelle notre conscience maghrébine et plus globalement méditerranéenne. Aux tensions et aux conflits doivent se substituer la coopération et un dialogue soutenu pour éviter des factures douloureuses. Le Maghreb doit être un véritable espace politique, social et économique, un relais puissant entre l’Europe, le Moyen Orient et l’Afrique. L’avenir d’ailleurs de l’Europe et du Maghreb face à la concurrence des USA, aux poids des pays émergents dont la Chine, l’Inde, le Brésil est en Afrique. Etant suicidaire pour chaque pays du Maghreb de faire cavalier seul à l’heure des importantes mutations mondiales, le repli sur soi étant préjudiciable à notre prospérité commune avec d’inéluctables tensions sociales, l’histoire commune au Maghreb nous impose donc d’entreprendre ensemble.
*Professeur des Universités expert international
[email protected]
(1) Pour plus de développement concernant ce sujet voir les contributions d’Abderrahmane Mebtoul Docteur, sa conférence Unesco Paris à la rencontre internationale « Europe/Afrique » où l’auteur a développé le thème « le Maghreb face à la stratégie euro-méditerranéenne »(1993). Egalement sa contribution à l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI 28 avril 2011) «la coopération Europe/Maghreb face aux enjeux géostratégiques». A. Mebtoul et C. Sari ont lancé une initiative pour renforcer l’intégration maghrébine, où ils ont coordonné un ouvrage collectif qui a vu la collaboration de 36 spécialistes (algériens, marocains, tunisiens , mauritaniens, libyens, européens) dont des économistes, des sociologues, des politologues, des anthropologues et juristes qui a pour titre «quel avenir pour le Maghreb face aux mutations géostratégiques mondiales Edition Harmattan Paris-2014/2015 deux tomes 1050 pages