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Algérie

Contribution- Mebtoul répond à Bouchouareb : «À 10 dollars le baril, il sera impossible d’exporter avec profit »

Par Yazid Ferhat
septembre 1, 2015
Contribution- Mebtoul répond à Bouchouareb : «À 10 dollars le baril, il sera impossible d’exporter avec profit »

La déclaration du ministre de l’Industrie et des Mines, Abdesselam Bouchouareb, selon lequel même avec un baril de 10 dollars l’Algérie pouvait se sortir de la crise induite par la baisse des cours du pétrole, a suscité une réaction du professeur Abderrahmane Mebtoul. Selon lui, les discours  irréalistes,  comme celui tenu par Bouchouareb, ne portent plus mais discréditent ceux qui les colportent.

 

 

Alors que les dernières orientations  du président de la république sont claires,   et que le discours de vérité du premier ministre , lors de la réunion  Walis-gouvernement, a été  salué même par les plus sceptiques, redonnait, voilà que le ministre de l’industrie, dans une déclaration reprise par la presse nationale en date du 31 aout 2015,   versant  dans le populisme et la démagogie  affirme sans retenue et sans analyse préalable, contredisant  le président de la république et le premier ministre ,    que même avec un baril de 10 dollars l’Algérie pouvait s’en sortir. Le ministre confond prix courants et prix constants car avec un baril à  10 dollars prix courant 2015, c’est-à-dire un prix  constant en parité de pouvoir d’achat  des années 1980 équivalant à 2/3 dollars,  tous les puits algériens  fermeront, car non rentables.

Les discours  irréalistes ne portent plus

1.-Contrairement aux discours du  ministre, le peuple algérien, n’étant pas économiste mais confronté à la dure réalité quotidienne,   est conscient de la  gravité   de la situation et est  prêt  à se mobiliser, à se sacrifier pour les intérêts supérieurs du pays, ne voulant pas  renouveler l’expérience  des impacts négatifs de 1986.  Les discours  irréalistes  ne portent plus mais discréditent  ceux qui les colportent. Le ministre  vit-il en Algérie et connait-il réellement la situation  réelle   du pays et les futures tendances énergétiques mondiales ?

 L’Algérie , à la différence  de 1986,  avec moins  de 4 milliards de dollars  de dette extérieure  et des réserves  de change  qui clôtureront certainement entre 135/140 milliards de dollars fin 2015, peut surmonter la baisse du cours  du pétrole ( le prix de cession du gaz étant indexé sur celui du pétrole) qui sera de longue durée au vu des nouvelles mutations énergétiques mondiales pour peu que l‘on ait une gouvernance centrale  et locale  rénovée   et une nouvelle vision du développement économique et social. Le cas contraire, le fonds de régulation des recettes  devant être inférieur à 30 milliards de dollars  fin 2015, s’épuisera courant 2017. Et les réserves de change à horizon 2018/2019. L’on ne doit jamais oublier  l’expérience de 1994, car, en cas de recours aux   prêts internationaux et du retour au FMI (Fonds monétaire international), les conditionnalités  seront posées au préalable avant tout prêt (voyez le cas de la Grèce !)  avec une dévaluation importante du dinar, une paupérisation  de la population  et une perte de souveraineté de l’Algérie.

L’industrie représente  moins de 5% du produit intérieur brut (PIB) 

2.-Je rappelle  au ministre de l’industrie et des mines que  97% des ressources sen devises , y compris les dérivées , sont le fait d’hydrocarbures à l’état brut et semi brut,  que 70% des besoins des ménages et des entreprises dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15%  sont  importés,  que 83% de la superficie économique est dominée  par le  petit commerce/services et que la sphère informelle  marchande dominante contrôle plus de 40% de la masse  monétaire en circulation  tissant des liens dialectiques avec la logique rentière. 

Le secteur  dont le Ministre a la charge, l’industrie,  représente  moins de 5% du produit intérieur brut (PIB) et que sur ces 5% plus de 95% sont des PME/PMI  d’organisations  soit personnelles ou Sarl   peu concurrentielles en termes de coût/qualité. Il ne faut pas  se faire d’illusion,  ce n’est pas une question  d’organisation dont le changement  a un coût, ni un nouveau code d’investissement, ce perpétuel  changement de cadres juridiques,   qui peuvent résoudre  les problèmes fondamentaux du pays. L’Algérie a connu une multitude d’organisations   et de codes d’investissement de 1963 à 2014 avec le même résultat.    Sans une vision  stratégique, loin de la mentalité bureaucratique, cadrant avec les nouvelles mutations technologiques, managériales  et géostratégiques mondiales, il ne faut pas  s’attendre à des impacts positifs.

 Comment faire face à l’importance de la dépense publique avec 10 dollars le baril ?

3.-Je rappelle au Ministre de l’Industrie, que selon la banque mondiale, le FMI et l’OPEP,  entre le budget de fonctionnement et d’équipement l’Algérie  fonctionne  entre 2013/2014 sur la base d’un cours de 115/120 dollars le baril. Comment pourrait-on  faire face à l’importance de la dépense publique puisque pour le gouvernement,  il n’est nullement question de toucher aux subventions et aux salaires,   avec 10 dollars le baril ? Or,  les recettes  de Sonatrach selon la LFC 2015 à un cours de 60 dollars seraient  de 34 milliards de dollars donnant un profit net déduit des charges  de 26 milliards de dollars, à  40 dollars nous aurons 25 milliards de dollars de recettes  et  un profit net de Sonatrach  de 15/16 milliards de dollars et un cours de 10 dollars couvrant à peine les frais de production l’Algérie  connaissant selon nos informations des coûts croissants dans les vieux  gisements  et pour les nouveaux gisements l’investissement n’ayant pas  encore été amorti. Ayant passé plus de 30 ans de ma vie dans le  secteur énergie, n’étant pas un théoricien, connaissant parfaitement  de l’intérieur Sonatrach,  je vous l’affirme, Mr le Ministre, à 10 dollars le baril, il sera impossible d’exporter avec profit, surtout le gaz,  à moins d’un bradage du patrimoine national.

Des idées générales déconnectées tant des réalités locales 

4.Je recommande à Mr le ministre de l’industrie et des mines   d’écouter  mon interview donnée à Radio France Internationale le  20 décembre 2014   «ce que l’Algérie doit faire pour éviter la crise» qui   faisait  suite au débat   pendant une heure à RFI -Paris – le 24 octobre 2014 que j’ai eu avec mon ami  le professeur Antoine Halff ancien économiste en chef au secrétariat d’Etat à l’Energie US et actuellement directeur général  de la prospective   à l’AIE  pour se faire une idée  sur les nouvelles mutations économiques  et énergétiques mondiales et  agir en conséquence en concertation avec ses collègues, l’ère de la matérialité ( vision mécanique du développement)  étant dépassée.  Dans ce cadre,  suite à la réunion  avec les Walis, le premier ministre Abdelmalek Sellal,  a annoncé  une rencontre  experts-gouvernement  le 15 septembre 2015 à Djenane El Mithak Alger – qu’il présidera dans le cadre du conseil économique et social (CNES). Privilégiant les intérêts supérieurs de l’Algérie, avant tout, ayant été  officiellement invité, j’ai  donné mon accord de principe, avec certaines réserves, et sauf contraintes,  pour y participer,  en espérant que   cette rencontre ne sera pas une nouvelle réunionite   avec  les mêmes experts, qui  ont proposé de fausses solutions   et  induit en erreur l’opinion nationale avec des idées générales peu opérationnelles, déconnectées tant des réalités locales qu’internationales.

 En résumé, ce genre de discours démobilisateurs,  de surcroît irresponsables, nous rappelle ceux  des dirigeants en 1986 avec les conséquences dramatiques que l’on connait.  D’une manière générale chaque ministre en cette situation difficile doit réfléchir avant de faire des déclarations qui nuisent aux intérêts supérieurs du pays, d’où l’urgence d’une cohérence gouvernementale sans faille et d’un porte-parole officiel du gouvernement. 

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