Le cours du pétrole est à un niveau jamais atteint depuis plus de quatre années de plus de 60% par rapport à 2014 avec un léger relèvement depuis un mois, étant coté le 27 mai 2016 à 49,20 dollars pour le Wit et 49,07 pour le Brent et 1,113 dollar un euro. Les pays de l’OPEP doivent de nouveau se réunir à Vienne le 02 juin 2016. Mais ces réunions sont devenues un non-événement.
Les pays membres de l’Opep, depuis l’Accord d’Oran (2008/Algérie) ont maintenu leurs quotas de production à 30 millions de barils par jour, relevé récemment à Doha à 31,5 (échec de la réunion OPEP/non OPEP du fait des tensions Arabie Saoudite/ Iran non présent) pour tenir compte de la levée de l’embargo sur l’Iran et de l’entrée de l’Indonésie, niveau théorique, dépassant le quota en réalité. Je recense douze fondamentaux, devant éviter tant de raisonner sur un modèle de consommation linéaire et que de faire des prévisions hasardeuses, certains sois disant experts prédisant déjà un cours à 80 dollars fin 2016, induisant en erreur l’opinion publique(1)
1.L’Opep, composée de l’Algérie, l’Angola, l’Indonésie, l’Iran, l’Iraq, le Koweït, la Lybie, le Nigéria, le Qatar, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, l’Equateur et le Venezuela, (la réintégration récente de l’Indonésie), bien qu’ayant les plus importantes réserves mondiales de pétrole traditionnel représente seulement un tiers de la production commercialisée mondiale. L’Algérie et Le Venezuela, qui militent pour une baisse du quota de 2 millions de barils/jour, sont marginalisés par rapport aux poids de l’Arabie Saoudite, rejoint par les pays du Golfe pour dicter sa stratégie. L’Algérie produit depuis janvier 2009 environ 1,2 mb/j, en conformité avec le quota qui lui a été alloué par la Conférence du 17 décembre 2008 à Oran.
2.La stratégie expansionniste des pays hors OPEP représentant 65/67% de la commercialisation mondiale dont Gazprom, tant pour le pétrole que le gaz, la Russie ayant besoin de financement, les tensions en Ukraine n’ayant en rien influé sur ses exportations en Europe où sa part de marché pour le gaz a été de 30% en 2014. L’expérience par le passé a montré que la Russie a pris des parts de marché lorsque l’OPEP diminuait ses quotas. Toute baisse de la production des pays non OPEP pour des raisons de rentabilisé économique baisse l’offre et en cas d’expansion de la demande agit positivement sur les prix à la hausse et vice versa. Les pays du Golfe, l’Arabie saoudite en tête, ont en effet fait savoir à plusieurs reprises dernièrement qu’ils n’accepteraient de réduire leur production que si les producteurs extérieurs au cartel, notamment la Russie dont la production a atteint dernièrement un niveau record, s’engageaient également dans cette voie, ce que la plupart des analystes jugent peu probable.
3.La faiblesse de croissance de l’économie mondiale, dont le ralentissement des pays émergents, Argentine-Brésil-Inde (entre ½%), surtout la Chine, 7% de taux de croissance, due essentiellement au relèvement des taux d’intérêt, le BTPH contribuant à plus de 25% de son PIB, et ce, afin d’éviter la bulle immobilière, explique la faiblesse de la demande.
4.L’introduction du gaz/pétrole de schiste américain a bouleversé toute la carte énergique mondiale, étant passé de 5 millions de barils/jour de pétrole à plus de 10 actuellement, agit sur l’offre. Pour le moyen terme, bon nombre d’experts estiment que le coût marginal de production saoudien (c’est-à-dire le coût du puits le plus cher à exploiter) est compris entre 5 et 10 dollars( moins pour l’Irak en dessous de 5 dollars) contre 40-60 dollars du côté du pétrole de schiste pour les gisements marginaux et 25/40 pour les grands gisements, les nouvelles technologies ayant réduit substantiellement les coûts de plus de 30/40% ces dernières années contrairement à certaines prévisions. Mais la réalité est plus complexe, et entre la géostratégie mettant en difficulté la Russie et l’Iran, le Venezuela, afin de négocier en rapport de forces, et par voie de conséquence, l’Algérie, ces pays étant les maillons faibles de l’OPEP et donc des difficultés financières à terme. Selon le FMI, la Russie a besoin d’un baril à 110 dollars pour boucler son budget, le Venezuela de 120, l’Iran de 140 et l’Algérie 110/120 dollars (le cours plancher de 37 dollars étant un artifice comptable).
5.Les rivalités au niveau de l’OPEP dont certains ne respectent pas les quotas, dont Iran-Arabie saoudite, qui ne veut pas perdre ses parts de marché accroissent l’offre. L’Arabie saoudite (plus de 35% de la production OPEP et 12% de la production mondiale) est le seul pays producteur au monde actuellement qui soit en mesure de peser sur l’offre mondiale, et donc sur les prix, n’existant pas pour des raisons géostratégiques de rivalités avec les USA. A terme, le prix d’équilibre sera déterminé fondamentalement par une entente entre l’Arabie saoudite et les USA.
6.Doit être pris en compte du coté de l’offre, l’entrée de ombreux producteurs sur le marché, dont la Libye a pouvant aller jusqu’à 2 millions de barils/jour, de l’Irak avec 3,7 millions de barils/jour (deuxième réservoir mondial à un coût de production inférieur à 20% par rapport à ses concurrents) pouvant aller vers plus de 8/9 millions, et de l’Iran, 2,7 millions de barils/jour pouvant aller à plus de 5/7 millions à moyen terme, et dans une période très courte pouvant dépasser 3,5 millions de barils/jour. D’ailleurs, avec les nouvelles découvertes dans le monde, notamment en offshore, notamment en Méditerranée orientale (20 000 milliards de mètres cubes gazeux expliquant en partie les tensions au niveau de cette région) et en Afrique dont le Mozambique qui pourrait être le troisième réservoir d’or noir en Afrique, et les nouvelles technologies permettent la réduction des coûts des gisements marginaux.
7.Nous assistons à de nouvelles technologies permettant l’efficacité énergétique dans la majorité des pays occidentaux, avec une prévision de réduction de 30% (économie énergie-ciment-rond à béton) interpellant l’Algérie qui continue de construire deux millions de logements avec les anciennes méthodes de construction.
8.Les tendances sont à une nouvelle division et spécialisation internationale avec la concentration de l’industrie manufacturière forte consommatrice d’énergie en Asie qui absorbera 65% de la consommation mondiale à l’horizon 2030, notamment l’Inde et la Chine. Les relations clients-fournisseurs seront à leur avantage, pour avoir des avantages comparatifs et pousseront à la baisse des prix comme le fait la Chine actuellement pour le Venezuela et l’Équateur.
9.Le niveau des stocks américains à la hausse ou à la baisse entraine la spéculation des traders au niveau des marchés boursiers.
10.L’occupation par les terroristes de champs pétroliers et gaziers, notamment en Irak, Syrie avec des écoulements au marché noir pour un baril à 30 dollars notamment en direction de la Turquie agit d’une manière transitoire et marginale sur les prix.
11.-En principe toute hausse ou baisse du dollar vis-à-vis de l’euro entraîne une baisse ou hausse du cours du pétrole, impact entre 10/15%, bien que n’existe pas de corrélation linéaire.
12.Mais le facteur déterminant à l’avenir sera la transition énergétique entre 2020/2040. C’est une erreur stratégique de raisonner sur un modèle de consommation linéaire et de faire des prévisions hasardeuses devant s’en tenir aux fondamentaux. Chaque année dans le monde, 5 300 milliards de dollars (10 millions de dollars par minute) sont dépensés par les Etats pour soutenir les énergies fossiles, selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI) rapport pour la COP21. Or, il semble bien que la majorité des dirigeants du monde ont pris conscience de l’urgence d’aller vers une transition énergétique. Car si les Chinois, les Indiens, le continent Afrique, avaient le même modèle de consommation énergétique que les USA, il faudrait cinq fois la planète terre. En cas d’une mutation du modèle de consommation énergétique au niveau mondial, (l’avenir à l’horizon 2030 étant hydrogène), cela influencera à terme le niveau des prix des énergies fossiles vers le bas. Selon l’agence Reuteurs, certains pays depuis la chute des cours sont en difficultés financières où depuis le début de l’année 2016, l’Angola, le Nigeria, l’Irak et le Venezuela devront fournir à leur créancier du pétrole pour un montant total de 30 à 50 milliards de dollars. Si les prix du pétrole étaient de 120 dollars le baril, ces pays auraient dû fournir un million de baril par jour pour rembourser leur dette de 50 milliards de dollars. Maintenant, ils doivent exporter plus de trois millions de barils par jour.
13.Selon des experts de Citigroup la stratégie de l’Arabie saoudite, visant à réduire la dépendance du royaume à l’égard du pétrole, (2000 milliards de dollars est un signe précurseur de la chute de l’OPEP. Aussi, à terme,le rééquilibrage des marchés dépend d’une série de facteurs exogènes qui échappent aux pays de l’OPEP. Les tensions financières dans de nombreux pays exportateurs de pétrole réduisent la capacité de ces pays à atténuer le choc, ce qui entraîne une baisse considérable de leur demande intérieure. Aussi, après l’échec de la réunion du 17 avril 2016, et devant nous en tenir aux fondamentaux, pour ne pas induire en erreur l’opinion publique et caresser du poil le Pouvoir, il ne faut pas s’attendre à une remontée spectaculaire des prix du pétrole (c’est fini le cours à plus de 90/100 dollars). Nous aurons quatre scénarios :
– Le premier scénario une expansion de l’économie mondiale dont la Chine où le cours fluctuera entre 60/75 dollars entre 2016/2020, personne ne pouvant prévoir au-delà, tout dépendant du nouveau Mix énergétique entre 2020/2030.
-Le deuxième scénario est une croissance modérée et le cours fluctuerait entre 50/60 dollars.
-Troisième scénario, avec une croissance faible le cours fluctuerait entre 40/50 dollars.
-Quatrième scénario une crise mondiale où le cours plongerait en dessous de 40 dollars.
En résumé, il ne faut pas s’attendre à des miracles lors de la réunion de l’OPEP du 2/3 juin 2016. Selon les prospectives, (quatrième révolution industrielle mise en relief dans les résolutions 2016 du Wordl Economic Forum ), nous devrions assister à un nouveau modèle de consommation et du pouvoir énergétique au niveau mondial entre 2020/2030, contrairement aux prévisions euphoriques de certains experts algériens qui raisonnent toujours dans le cadre d’un modèle de consommation linéaire, l’Algérie devant d’ores et déjà préparer la transition économique tributaire de la transition énergétique pour éviter un retour au FMI entre 2018/2019. Ce d’autant plus que lors de la dernière réunion Algérie/Union européenne le 24 mai 2016, la majorité des experts européens ont fait savoir à l’Algérie que l’Europe, représentant 65% des exportations algériennes, n’entendait pas reconduire les contrats à terme selon les mêmes modalités, étant encore un des rares pays à pratiquer cette formule, qui expirent dans leur majorité entre 2018/2019. Or les recettes en gaz représentent plus de 33% des recettes Sonatrach. La seule solution pour respecter les engagements internationaux pour l’Algérie, est de penser un nouveau modèle de consommation énergétique (efficacité énergétique, énergies renouvelables), supposant de revoir la politique des subventions ciblées(la consommation de gaz horizon 2030 risquant de dépasser en 2030,les exportations actuelles), d’agir sur les coûts pour être concurrentiel (possible de les réduire entre 15/20%), le tout renvoyant à une vision stratégique du nouveau modèle de politique socio-économique et un nouveau management de Sonatrach .
*Professeur des Universités, expert international
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(1) Professeur Abderrahmane Mebtoul, Expert international – Docteur d’Etat en gestion (1974) – Directeur d’Etudes Ministère Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1995-2000/2007- A dirigé l’audit, février 2015 sur les risques et opportunités du gaz de schiste pour le compte du gouvernement assisté de 23 experts internationaux. -Voir Etude du professeur Abderrahmane Mebtoul, parue à l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI Paris France novembre 2011)- « la coopération Maghreb/ Europe face aux enjeux géostratégiques»- -« Pour un nouveau management stratégique de Sonatrach »- revue internationale HEC Montréal Canada (2010)- Conférence internationale ADAPES/ parlement français novembre 2013- « Les nouvelles mutations énergétiques mondiales » – « La stratégie gazière de l’Algérie face aux mutations mondiales » revue internationale gaz d’aujourd’hui (Paris France – janvier 2016).