COP21, ou comment aider le « grand moment » énergie fossile de l’Algérie à bien finir - Maghreb Emergent

COP21, ou comment aider le « grand moment » énergie fossile de l’Algérie à bien finir

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Le virage que le monde a pris cette semaine avec l’accord climatique de Paris est bon pour l’Algérie. Il accélère la fin annoncée d’un modèle de développement économique basée sur la rente énergétique de type carboné. Ce modèle a été une bénédiction pour les algériens durant quatre décennies. Accident de 1986-88 compris. Il a maintenu haut le niveau des investissements publics du pays, soutenu l’emploi, l’éducation et la santé, il a redistribué largement vers les plus démunis.

Ce modèle aurait légitimement du épargner au pays la guerre civile des années 90. Il a échoué à le faire dès qu’il a été remis en cause. Car financièrement devenu insoutenable au milieu des années 80. C’est bien sûr son côté périlleux. Les Algériens, passés entre les mains du FMI, pensaient être sortis du biais énergétique pour entrer dans le format valeur classique du capitalisme. Pour le meilleur et pour le pire. Mais, c’était compter sans Hassi Berkine et le second âge de l’amont pétrolier algérien. Il a remis en selle le modèle des années 70-80 en plus ample. Les algériens avaient besoin de panser leurs blessures au début des années 2000. Besoin de rattraper le temps perdu. La machine s’est donc à nouveau emballée. Le développement économique soutenu par la rente énergétique est un moment de l’histoire économique de l’Algérie. Un grand et souvent un beau moment. La prolongation artificielle de ce moment est un énorme risque stratégique. Il a un visage politique. Celui d’un président aphone à mobilité réduite.

L’accord de la COP21 est bon pour l’Algérie car il dit la vérité sur demain. Le pétrole d’abord, le gaz naturel ensuite, vont céder leur hégémonie dans le mixte énergétique mondial. Ce ne sera même plus une affaire de prix ou de disponibilité. Juste un enjeu transcendant. Le dérèglement de la vie sur la terre à cause d’un chaos climatique engendré par le réchauffement. Comme d’habitude, la gouvernance algérienne va rester le nez sur le très court terme. Celui des trois prochaines années. Celles qui vont au terme du 4e mandat. Que disent-elles ? Que les émissions de gaz carbone vont continuer à augmenter, que le fonds de 100 milliards de dollars par an pour soutenir la réduction des émissions dans les pays pauvres ne sera pas encore en place, et que la bulle de l’offre excédentaire de pétrole sera sans doute derrière nous à la fin de la période. En gros que rien ne va vraiment changer pour les hydrocarbures avant 2020. Mais 2020 sera l’année d’entrée en vigueur de l’accord de Paris. La pollution d’origine énergie fossile sera plus fortement taxée. Jusqu’à faire entrer le monde dans le moule nécessaire pour maintenir le climat en dessous des 2 degrés de hausse des températures par rapport à l’ère pré industrielle. Ce ne sera pas sans conséquence. Le modèle algérien exportateur d’hydrocarbures n’a pas réussi à évoluer comme au Mexique ou en Indonésie, en une économie post « syndrome hollandais ». Non biaisée par l’avantage factice de la rente énergétique. Le « grand moment » national du pétrole et du gaz avait donc une faille. Pas durable. C’est le propre même de l’énergie fossile. L’accélération de sa fin, plus proche que le temps géologique qui lui était prédit, est donc la grande bonne nouvelle de l’année 2015. En forme de bonne contrainte. A condition d’enfin la comprendre ainsi. Et d’en faire l’opportunité qu’elle est.

Le report de la transition énergétique en Algérie est l’autre visage de la prolongation du « grand moment » rente énergétique. Les deux se tiennent. Le modèle énergétivore en carbone se s’autofinance par la subvention. Distribution massive d’aide pour – non pas accéder aux énergies de base – mais pour en consommer plus, sans contrainte financière. L’investissement massif dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables a buté, au moins depuis une dizaine d’années, sur une incitation politique à gaspiller carburant, gaz et électricité. L’économie de la rente carbone va bien sur continuer à se défendre. Elle va tenter de maintenir par les prix et par les parts de marché les usages les plus larges possibles à l’énergie fossile. Les excédents de l’offre actuelle de pétrole et de gaz dans le monde ne disent rien d’autres que cela. Ils ont conduit le pétrole à nouveau à moins de 40 dollars cette semaine. Mais à la différence de l’épisode équivalent à celui-ci en octobre 2009, cette fois ce n’est pas une crise économique mondiale qui tire le pétrole vers le bas. Simplement le faible taux de croissance de la consommation d’énergie carbonée dans les pays développée. Au moment ou la bulle de l’offre s’est constitué. L’avenir est déjà là. Et il va plus vite que la loi de finance pour 2016. La mesure forte que la transition énergétique algérienne attend est bien sur un transfert de la subvention de l’énergie carbonée à l’énergie verte. Elle est à peine esquissée avec l’ajustement limitée du prix des carburants et de l’électricité. Sonelgaz devrait rapidement pouvoir garantir un prix d’achat rémunérateur du kilowatt-heure librement produit par les particuliers à partir du solaire à domicile. Comme l’Etat garantit le prix du litre de lait pour soutenir la filière. Dans le monde tout ce qui est d’origine carbone va couter plus cher – en dépit du dumping Saoudien. Et d’où ce qui est d’origine renouvelable sera plus soutenu pour devenir moins cher. C’est le point de départ d’un nouveau modèle de développement économique. Celui basé sur le renouvelable marchand. L’Algérie a le potentiel d’un géant de l’électricité solaire. Donc d’un acteur mondial de l’énergie verte. Elle n’a pas décidé de prendre ce destin là en main pour ne pas euthanasier la fin de vie de son pétrole et de son gaz. Toujours nécessaire à la balance énergétique domestique. Cela pouvait se comprendre. Jusqu’à 2005. Pas après la COP21.

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