Le café presse politique s’est mis à l’heure des campus algériens en ébullition. Pour l’ambiance, trois cars de police à place Audin à côté du plateau de RadioM … Le CPP a aussi scruté Macron à Alger.
Que veut bien signifier ce vent de contestation étudiante dans les universités algériennes depuis la rentrée de l’automne dernier que le gouvernement n’arrive pas à contenir ? « Qu’il se passe quelque chose du côté du mouvement étudiant qu’il va bien falloir suivre de près, et ce quelque chose inquiète déjà sérieusement le gouvernement » estime El Kadi Ihsane. « Certes, mais tout ceci se déroule dans un contexte général de dépolitisation qui fait que nous ne sommes pas dans la configuration de la contestation étudiante des années 80 qui était hautement politique » pondère Said Djaffer. Pour Samir Larabi journaliste à KBC et ancien militant de gauche à l’université « ce n’est pas parce que les revendications actuelles des étudiants se limitent pour leur grande partie aux conditions sociaux pédagogiques à l’université que le mouvement ne risque de déborder » ce cadre pour devenir plus politique. D’ailleurs Hadda Hazem estime qu’il existe un agenda caché à ce mouvement de protestation qui touchent de nombreux campus et il est lié aux élections législatives « c’était le cas déjà dans les années 90. A l’approche des élections, les islamistes tentent de faire pression sur le gouvernement pour obtenir quelque chose ». Sauf que l’UGEL, le syndicat étudiant proche des frères musulmans du MSP dans les années 90 est aujourd’hui d’obédience RND pour ce qui est de sa direction national.
« Le vote n’est pas un enjeu à l’université »
Kamal Mansari estime que le vote n’est pas un enjeu à l’université « les étudiants ne votent pas. Ils sont dans la contestation ». Pour ajouter que leurs revendications actuelles sont légitimes : bourse, repas, services universitaires ; rien ne tient vraiment la route. Le CPP a bien compris qu’une partie de la contestation persistante à l’université est en relation avec la transition faculté-monde du travail. « Ce sont les étudiants de 5 e année par exemple en pharmacie qui sont à la tête du mouvement depuis trois mois » pour obtenir des reclassements dans la fonction publique au profit de leur qualification, explique Samir Larabi. « Ce qui pose un problème d’argent et donc de dépense. Or nous sommes – pour Said Djaffer, dans une situation inverse à celle de 2011» ou le gouvernement avait cédé aux revendications salariales qui se sont généralisées dès les premières concessions. « Cette fois il n’y a plus la cagnotte. La tentation de recourir plutôt à la répression » est la plus forte. « Le gouvernement a une grande expérience dans la gestion de ce type de mouvement. Il sait notamment recourir à la gestion par l’usure. Les étudiants de pharmacie, par exemple, seraient bien inspirés de savoir finir leur grève » recommande Samir Larabi.
Macron provoque des postillons au CPP
Le CPP s’est clivé sur la question de savoir si Alger avait voté ou pas Macron, après avoir peu caché un penchant pour le néogaulliste Alain Juppé éliminé depuis. Et aussi sur la question de savoir si c’était le cas est ce que le choix de Macron se justifiait. Kamal Mansari a porté à lui presque tout seul le poids du déni de bonne foi de Emmanuel Macron au sujet de sa déclaration sur la période coloniale « c’est un crime contre l’humanité ». Mais pas seulement. Pour lui, il n’y a aucun intérêt pour le gouvernement algérien d’avoir une préférence parmi les candidats à l’élection présidentielle française « ils sont tous pareille » vis à vis des intérêts de l’Algérie, au sens ou ils défendront tous les intérêts de la France. Point de vue qui a provoqué une réaction courroucée de El Kadi Ihsane pour qui « l’Algérie doit regarder vers l’élection française un peu de la même manière que le Mexique a suivi celle des Etats Unis car nous sommes très concernés par le résultat, selon que cela soit tel ou tel type de candidat qui s’impose ». Il y a clairement des présidents avec lesquels la relation Alger-Paris se passe mieux qu’avec d’autres, est aussi le point de vue de Said Djaffer, qui lui, par contre, conteste la capacité d’Alger à peser sur le choix des français. Y compris à travers une diaspora qui « soit ne vote pas, soit vote de manière dispersée politiquement ». Alger a bien affiché de bonnes dispositions à l’égard de Emmanuel Macron ce qui, compte tenu du reste de l’offre politique en passe de gagner l’élection, (Marine Le pen, François Fillon), est « un choix qui se justifie complètement » aux yeux de El Kadi Ihsane, pour qui le retour de la droite « dure et décomplexée » aux affaires ruinerait la détente dans les relations amorcées par la période François Hollande. Le CPP n’envisage même pas le cas d’une victoire de Marine Le Pen, mais peut être a t’il tort, après le recul de la candidature Fillon. Reste à savoir si le très jeune Emmanuel Macron peut avoir le souffle long pour créer la surprise et remporter l’élection présidentielle en mai prochain ? Si ce n’est pas le cas Alger se serait dévoilée sans précaution et subirait les contre coups diplomatiques de sa défaite. C’est l’appréhension de Kamal Mansari qui n’a pas avalé en 2017 la trahison de la SFIO de Guy Mollet de 1956. Ambiance.
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