L’armée sera certainement appelée à faire des arbitrages, lorsque le délitement en cours des institutions aura atteint une tournure dangereuse pour la stabilité du pays. Mais cet arbitrage du commandement de l’ANP se fera-t-il en faveur de la population ou pour les nouveaux riches qui débarquent avec arrogance sur la scène politique ? La question divise au Café Presse Politique (CPP) de Radio M.
Le « ferme ta gueule », craché par le vice-président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), Mohamed Bairi sur la figure de Louiza Hanoun a choqué dans le tour de table de la cuisine du CPP, le talk show libre de Radio M, la web radio de Maghreb Emergent. « C’est l’expression plate de l’arrogance des nouveaux riches d’Algérie, et il parait qu’ils vont absorber l’armée », s’est exclamé Said Djaffer, le responsable de l’édition algérien du Huffington Post Maghreb.
Mais la révision de la Constitution a eu aussi sa part du débat. Pour Abed Charef, aucune échéance n’a été fixée et aucun contenu n’a filtré sur cette révision. « Cela veut dire tout simplement qu’il n’y a pas un accord sur ce qu’il faut mettre dedans », conclut-il. Mais le journaliste est sûr d’une chose, « cette constitution doit permettre à Bouteflika de rester au pouvoir sans gérer et sans avoir à assumer ses responsabilités ». Pour El Kadi Ihsane, cette révision est une démarche tactique, une sorte de « coupe feu » entre les mains du régime, au cas où le feu venait à prendre dans la maison Algérie. « On attend qu’il y ait une situation d’urgence et on sort la révision de la constitution pour calmer les esprits », dit-il. Selon lui, il y a une forte perception parmi les hommes forts du régime, « qu’on ne peut plus gérer en arrosant constamment » avec l’argent de la rente pétrolière, dans un contexte de chute des prix du baril et des recettes qui en sont issues.
Ali Haddad, « le patron du pouvoir »
Avec le départ de Réda Hamiani et l’entrée fracassante de Ali Haddad, le patron du groupe ETRHB, à la tête du FCE, le pouvoir dispose désormais de « son » organisation patronale entièrement acquise à sa cause. Pour El Kadi Ihsane, l’intronisation de Haddad est un message clair de Said Bouteflika à l‘adresse des patrons : « C’est une façon de leur dire que celui qui veut sa part de la rente doit impérativement rejoindre le FCE de Haddad. » Ce qui inquiète davantage les animateurs du talk show de Radio M, c’est la manière peu cavalière avec laquelle cette intronisation s’est déroulée. La « convocation » d’une dizaine de ministres clé à la réunion « électorale » de Ali Haddad est, de l’avis de Abed Charef, un signe supplémentaire que « la déliquescence institutionnelle est plus grave que ce que l’on pensait ». « Nous sommes face à des ministres qui ne savent pas ce qu’est la République », dit-il. « Auparavant, l’administration était en mesure de dicter ses règles à l’argent, mais là, nous sommes devant un nouveau phénomène, c’est l’argent qui est en train de devenir plus fort que les ministres », conclut le chroniqueur.
Arbitrages incertains de l’armée
Une question divise cependant à la cuisine du CPP. Les prix du pétrole sont en chute libre depuis 3 mois dans les principales bourses mondiales, et la rente tirée des hydrocarbures ne parviendra plus à compenser les déséquilibres du budget de l’Etat. Une situation porteuse de gros risques pour le pays. Et le commandement de l’armée, le cœur du pouvoir, sera appelé à faire des arbitrages. Said Djaffer se pose la question : « est-ce que l’armée va accepter de contenir la population pour protéger ces nouveaux riches, dont la légitimité est contestable ? ». Abed Charef estime que cette complicité pouvoir – nouveaux riches pose problème. Selon lui, « l’armée va faire des arbitrages et je la vois mal le faire au profit de Ali Haddad ». Un avis qui n’est pas partagé par El Kadi Ihsane, apparemment « perturbé » par la neutralité que l’on attribue à l’ANP : « l’armée est dans le système de l’argent et je vois mal Gaid Salah arbitrer en faveur des gueux et contre les milieux d’affaires qui captent la rente, c’est quand même lui qui a rendu possible le 4e mandat de Bouteflika ! ».