Le parti islamiste part favori aussi bien pour les législatives que pour les présidentielles. S’il les remporte, il n’est pas exclu qu’il se retrouve à dominer les deux têtes de l’exécutif, ce qui ne ferait que souder contre lui de nouveau les forces non islamistes.
Par la voix de son porte-parole Zied Ladhari, le parti islamiste tunisien Ennahda a indiqué hier qu’il ne présentera pas de candidat à l’élection présidentielle tunisienne, prévue en novembre 2014. Il a expliqué cette décision par son souci de faciliter la formation d’un gouvernement consensuel représentant tous les Tunisiens.
« Nous ne voulons pas dominer tous les scrutins, dans la mesure où Ennahda va être largement représenté lors des élections parlementaires le mois prochain », a déclaré
Zied Ladhari.
Ennahda, pour rappel, a obtenu 37% des voix lors de l’élection de l’Assemblée nationale constituante en octobre 2012. Depuis la chute du régime de Ben Ali en janvier 2011, il a dirigé deux gouvernements de coalition (l’équipe Hamadi Jebali, de décembre 2011 à mars 2013, et l’équipe Ali Laaryadh, de mars 2013 à janvier 2014). C’est au terme d’une crise politique majeure, marquée notamment par des accusations d’hégémonie formulées à son encontre par les courants politiques ne faisant pas parties de sa coalition gouvernementale, qu’il a accepté de céder l’exécutif gouvernemental à un « technocrate », l’actuel Chef du gouvernement Mehdi Jomaa.
Les Frères musulmans égyptiens en contre-exemple
Ennahda part favori pour les élections législatives d’octobre prochain et il n’est pas exclu qu’il soit amené, de nouveau, à diriger le gouvernement. Il a également de fortes chances de remporter la présidentielles. Par sa décision de ne pas prendre part aux présidentielles, il écarte l’éventualité de diriger les deux têtes de l’exécutif, dans un cadre constitutionnel qui donne au président de la République de larges pouvoirs de nomination des ministres, du Chef du gouvernement, des dirigeants de l’armée et des diplomates.
Le souci d’Ennahda de ne pas paraître hégémonique s’explique par sa peur qu’une telle hégémonie ne favorise une union sacrée contre lui des forces non islamistes. Cette peur est d’autant plus vraisemblable qu’en Egypte, la politique hégémoniste des Frères musulmans, qui après avoir exclu de présenter un candidat aux présidentielle de juin 2012 sont revenus sur cette décision, s’est avéré catastrophique aussi bien pour eux que pour l’ensemble du courant islamiste égyptien. Elle a, en effet, uni contre eux la quasi-totalité des courants non islamistes et donné à l’armée et au puissant appareil sécuritaire un prétexte en or pour les mettre hors-la- li après le renversement du président Mohamed Morsi, en juillet 2013.