Les opérateurs économiques sont partagés sur les effets de la décision prise par Abdelmalek Sellal de suspendre l’Accord d’association avec l’UE et la ZALE. L’inquiétude pointe toutefois largement au sujet de ses conséquences.
Après avoir fort « diplomatiquement » exprimé sa volonté d’aller « vers une révision profonde de l’Accord d’Association avec l’Union européenne » qu’il juge peu « profitable » pour l’Algérie, le gouvernement algérien a suspendu ses accords douaniers avec l’UE et la Zale. C’est une instruction du premier ministre Abdelmalek Sellal du 14 février dernier et qui vient d’arriver aux services des douanes avec effet immédiat ce mardi 23 février, qui le dit. En effet, selon ce document, aucune marchandise importée ne peut profiter d’une franchise de frais de douanes. Cette mesure qui tombe comme un couperet sur la tête de plusieurs opérateurs algériens, notamment ceux qui exercent des activités d’importation, ne laisse pas indifférent.
« Risque d’une tension inflationniste »
Ramdane Battouche, P-DG de Général Emballage, visiblement déconcerté par cette décision, espère bien qu’il s’agit d’une « mauvaise interprétation de la note du Premier ministre », autrement, prévient-il, « il faut s’attendre à une tension inflationniste qui ne manquera pas de déstabiliser un climat social déjà fortement fragilisé ». Mais ce qui surprend davantage le patron de Général Emballage, c’est ce désengagement brutal de l’Algérie vis-à-vis de ses partenaires étrangers. « Nous peinons à croire qu’on puisse déconsidérer les engagements internationaux, la signature même de l’Algérie avec cette facilité. S’il s’agit d’une espèce de ballon-sonde, et en tant qu’entreprise fortement exportatrice, Général Emballage ne peut qu’alerter sur les inévitables mesures de réciprocité, voire même de rétorsion, que ne manquerons pas de prendre nos partenaires UE et ZALE à notre encontre. Et en l’espèce, c’est toutes les velléités de diversification de l’économie et de renforcement des exportations hors hydrocarbures qui tombent à l’eau », a-t-il indiqué dans ce sens en appelant, en outre, à la signature de contrats de libre-échange avec des sphères géographiques que les entreprises exportatrices algériennes peinent à pénétrer en raison des barrières tarifaires insurmontables, à l’exemple de la zone CFA.
« Parer à l’hémorragie de l’euro »
Laid Benamor, président de la Caci, vice-président du FCE et patron du Groupe Benamor, lui, bien que perplexe devant cette sortie du Premier ministre, relativise. « En vérité, les enjeux entourant cette mesure ne sont pas très clairs, surtout quand on dit qu’elle va avoir une effet rétroactif. Néanmoins, à mon sens, il s’agit d’une réaction des pouvoirs public par rapport à l’hémorragie que l’Euro, qui est devenu la seule valeur-refuge pour l’es Algériens avec la chute continue de l’immobilier, est en train de subir. Donc, c’est un peu pour faire barrage à cette hémorragie que la mesure a été prise. De plus, il faut dire que, dans ce sens, les Européens ne jouent pas le jeu », a-t-il expliqué. S’agissant de l’accord d’association lui-même, Laid Benamor considère qu’il aurait pu être mieux négocié. « Aujourd’hui, il ne nous profite pas vraiment. Par manque d’information, l’Algérie a mal négocié cet accord. A titre d’exemple, plusieurs marchandises que l’Algérie ne produit même pas sont exonérées des droits de douanes alors que d’autres que l’Algérie exporte sont taxées. Il faut que l’accord soit renégocié et, cette fois-ci, il faut procéder par filière parce que la vraie information est disponible chez les opérateurs et les producteurs », a-t-il plaidé.
« L’Algérie est lésée »
De son coté, Habib Yousfi, Président de la CGEA, considère que la décision d’Abdelmalek Sellal est à approuver car, fondamentalement, elle vise à protéger les intérêts économiques de l’Algérie. « On a été fortement lésé dans le cadre de l’Accord d’association avec l’Union Européenne. Il n’y a presque rien eu comme investissements européens en Algérie. Il n’ y a pas eu non plus de soutien à l’adhésion de l’Algérie à l’OMC. A cet effet, nous approuvons la mesure prise par le Gouvernement», a-t-il souligné pour argumenter sa position. Au sujet du ralentissement des enlèvements des marchandises au niveau des port, les opérateurs étant appelés à mobiliser de la trésorerie pour sortir leur marchandises, il a relevé que, « raisonnablement, cette note ne devrait pas avoir un effet rétroactif ».