A la différence des précédents travaux de l’historien spécialiste de l’histoire algéro-française qui nous a habitués à des ouvrages de plusieurs centaines de pages, ce livre est plus modeste en volume (103 pages) mais riche en enseignements. Ce choix est justifié par le souci de rendre accessible à un large public les avancées de l’historiographie sur la question et les questionnements conflictuels sur ce passé commun.
L’historien Gilbert Meynier vient de publier ce nouveau livre, L’Algérie et la France, deux siècles d’histoire croisée. Essai de synthèse historique (Paris : l’Harmattan (collection Bibliothèque de l’iReMMO, n° 28). Paru le 4 septembre 2017, et à la différence des précédents travaux de l’historien spécialiste de l’histoire algéro-française qui nous a habitués à des ouvrages de plusieurs centaines de pages, ce livre est plus modeste en volume (103 pages) mais riche en enseignements. Ce choix est justifié par le souci de rendre accessible à un large public les avancées de l’historiographie sur la question et les questionnements conflictuels sur ce passé commun. Il vient ainsi enrichir le fonds documentaire existant sur l’histoire d’une longévité exceptionnelle entre la France et l’Algérie, même si elle est subie d’un côté et imposée de l’autre, mais mal assumée et enseignée de part et d’autre, et qui continue de marquer encore aujourd’hui les relations entre les deux sociétés.
Le livre comprend quatre parties : la première est consacrée à la tradition historiographique française coloniale dans laquelle, en spécialiste patenté, il rappelle d’abord qu’il s’agit d’une colonisation de peuplement européen (un quart de la population algérienne à la fin du XIXe siècle), à la différence de ce qui s’y passa sous la régence d’Alger. Il souligne ensuite le caractère institutionnel de la colonisation dans la tradition jacobine française en dotant cette possession de trois départements et nombre d’arrondissements et de communes… et relève enfin que ce quadrillage administratif est conçu sur la domination et la discrimination, comme en témoignent le code de l’indigénat et le système fiscal « impôts arabes ».
Le système colonial entre politique et le primat des armes est le titre de la deuxième partie. On peut lire que militaires et colons civils collaborent, avec des différences, certes, mais pour s’assurer le contrôle des populations « indigènes ». L’historien tord le coup à l’idée « des occasions manquées » depuis 1830, suggérée par certains auteurs et qu’il qualifia de mythe, car pour que l’on soit fondé à parler « d’occasions manquées », encore faut-il que l’on soit sûr qu’il y ait eu des « occasions tentées ». Pour étayer l’argument, il passe en revue, notamment le sénatus-consulte de 1865 sur la nationalité des « indigènes » qui conditionne son octroi au renoncement de ces derniers au statut de droit musulman, la loi Jonnart du 4 février 1918 octroyant la citoyenneté française à une minorité de Musulmans, le projet dit « Blum-Violette », en 1936, n’en a pas accordé davantage ; et il n’a même jamais été discuté au Parlement »
La troisième partie traite de l’évolution historique de l’Algérie qui ne se limite ni à la colonisation ni à la guerre d’indépendance : elle renvoie à l’histoire de la Méditerranée au temps long telle que conçue par Fernand Braudel pour comprendre le présent et le passé proche. Un phénomène social et politique n’est d’ailleurs jamais mieux connu que s’il est saisi par l’histoire, l’histoire lointaine. L’auteur insiste sur ce point parce qu’il considère que « l’entité spatialo-humaine qui deviendra l’Algérie n’a pas commencé en 1962 non plus en 1830 et pas davantage en 1518 », elle est marquée par un enracinement de longue durée revoyant aux dynasties islamo-berbères des Almoravides, Almohades, Zyanides, Rostomides, Hammadides… du XIe au XVIe siècle, voire aux royaumes numides de l’antiquité.
Enfin, l’auteur examine – et c’est la quatrième partie – les réactions des Algériens contre l’ordre colonial, une approche dialectique, qui montre d’abord que le poids du passé colonial est bien plus douloureux en Algérie qu’au Maroc et en Tunisie. La réaction à la colonisation est si forte qu’elle a donné naissance à une identité à source unique, à une crispation autour d’une « identité de refuge », l’islam. Ce dernier, amalgamé à l’arabité, constitue officiellement l’apha et l’oméga de l’identité des Algériens.
L’auteur renouvelle son vœu de voir, enfin, la réalisation d’un manuel d’histoire franco-algérien écrit à plusieurs mains par des historiens algériens et français.