L’opacité des statistiques officielles en Algérie place les journalistes dans une situation particulièrement délicate, coincés entre la nécessité d’informer et le risque de poursuites judiciaires. Alors que le ministre de la Communication, Mohamed Meziane, met en garde contre l’utilisation de sources “non officielles”, l’absence de données publiques fiables depuis 2020 complique considérablement le travail d’investigation et d’analyse.
Cette mise en garde intervient dans un contexte où les autorités exigent le recours exclusif aux sources officielles, tandis que les institutions étatiques ne publient plus de statistiques essentielles depuis plus de trois ans. Les chiffres du commerce extérieur, du budget de l’État et du marché du travail sont devenus quasi-inaccessibles, créant un vide informationnel préoccupant.
Face à ce black-out statistique, les professionnels de l’information se retrouvent dans une position périlleuse. Le ministre Meziane insiste sur “l’importance de la précision” et la nécessité d’éviter les “sources suspectes”, mais comment respecter ces directives quand les canaux officiels sont taris ? L’absence de statistiques sur les échanges commerciaux, notamment avec l’Italie, depuis 2022, en est un exemple frappant.
Les conséquences de cette opacité dépassent le cadre journalistique. Sans données fiables, c’est toute l’évaluation des politiques publiques qui devient impossible, affectant la crédibilité internationale du pays et sa capacité à attirer les investissements étrangers. Cette situation est d’ailleurs si préoccupante que le Fonds Monétaire International (FMI) a appelé les autorités algériennes, en mars 2024, à “améliorer la couverture et l’actualité des statistiques” pour permettre une meilleure élaboration des politiques publiques.
Si le ministre des Finances, Laaziz Faid, promet une amélioration de la qualité des données statistiques, les journalistes restent pour l’heure confrontés à un choix cornélien : se contenter de données parcellaires et obsolètes, ou prendre le risque de recourir à des sources alternatives au péril de poursuites judiciaires.
Yasser Kassama