L’annulation du rachat du groupe El Khabar par Ness Prod, filiale de Cevital, propriété d’Issad Rebrab, par le tribunal administratif de Sidi M’hamed marque une nouvelle étape du bras de fer engagé par le pouvoir contre El Khabar. Seulement contre El Khabar et Rebrab ? Le CPP a tenté de répondre.
Est-ce qu’Issad Rebrab est en train de perdre la bataille? Telle a été la question posée par l’animatrice Souhila Benali en ouverture de l’émission du Café presse politique (CPP) de la webradio Radio M, en date du jeudi 14 juillet.
« Avec la perte d’El Khabar, Rebrab est touché de plein fouet dans un secteur sur lequel il avait une fenêtre d’ouverture grâce au quotidien Liberté », a commenté Tarik Hafid, directeur du média électronique Impact 24, en soulignant que « Cevital a aussi perdu la marque automobile Hyundaï qui était un élément important du groupe ».
« Je pense que le groupe Rebrab va jouer la montre et que l’on s’oriente vers un maquis judiciaire », a de son côté prédit Ihsane El Kadi, directeur d’Interface Médias, l’agence éditrice du journal électronique Maghreb Emergent, en rappelant « la possibilité de faire appel en seconde instance ».
Pour Adlène Meddi, rédacteur en chef d’El Watan week-end, le comportement du régime est une réponse « à un acte considéré comme une déclaration de guerre ».
« Le pouvoir veut faire payer aux médias indépendants leur hostilité au 4e mandat » a-t-il déclaré sur Radio M, en estimant que cette bataille allait « s’étendre à d’autres médias ».
« Je pense que l’on était déjà dans une configuration de guerre » a contredit Ihsane El Kadi. « Il y avait déjà une guerre et ça a pris une dimension supplémentaire avec El Khabar ». Pour le journaliste, en agissant de la sorte, le pouvoir commet une grave erreur : « C’est tout le modèle économique de la presse en général que le pouvoir est en train de casser avec El Khabar » a-t-il pointé.
Enfin, à la question de l’avenir du média, Adlène Meddi a relevé que « tout cela dépendra d’une certaine fermeté managériale face au désarroi ».
Lignes rouges
Pour le rédacteur en chef d’El Watan week-end, la situation n’a plus rien de rationnelle. « On ne parle pas de justice, on est dans un western, je te montre l’épaisseur de mon biceps », a-t-il commenté. « C’est une manière brutale de montrer qu’il n’y a plus de lignes rouges, je peux t’arrêter comme un malfrat en plein milieu d’autoroute comme ça a été le cas pour le général à la retraite Benhadid ».
« Ce qui a été perçu comme un acte de défiance c’est la chaîne de télé KBC », a pointé Tarik Hafid. « Le fait qu’un homme d’affaires qui n’est pas affilié au clan puisse avoir une télévision, ça fait peur au pouvoir actuel ».
«Dans un pays normal, on ne pourrait jamais engager une telle bataille contre la première fortune du pays », s’est exclamé Ihsane El Kadi. « En Algérie, ce n’est possible que parce qu’il y a la rente. Mais, c’est un non sens, ça arrive à contre-temps, dans une conjoncture où l’on ne peut pas se permettre de se couper du premier investisseur du pays ».
En mode silence
La libéralisation du général à la retraite Hocine Benhadid après neuf mois de prison sans jugement a occupé la seconde partie de l’émission. « D’après ses avocats, c’est le passage du chef d’accusation de « démoralisation de l’armée », relevant du criminel, à « outrage à corps constitué », relevant du correctionnel, qui a permis sa libération provisoire », a expliqué Ihsane El Kadi. « Mais la réalité est qu’il a des séances de radiothérapie et que pour des raisons humanitaires on l’a libéré pour être auprès de sa famille », a-t-il ajouté.
«Benhadid a été abandonné de tous ses collègues qui ont préféré des petits calculs mesquins » a déploré Adlène Meddi, citant la contribution publiée sur le Huffington Post Algérie dénonçant le silence radio autour de l’arrestation du général. « C’est assez décevant de la part de ceux que l’on présentent comme des faucons ».
« On veut faire taire tout le monde : les anciens militaires, les parlementaires, les chefs d’entreprises, la presse, c’est toute la société qui est passée en mode silence ! », a renchérit Tarik Hafid, citant aussi « les magistrats dont certains ont même été mutés au Sud pour les punir ».
« Benhadid est le plus grand détenu politique du 4e mandat », a conclu Ihsane El Kadi. « Et quand on est dans cette configuration, on est forcément dans l’arbitraire ».
Un nouveau chef pour le Polisario
Impossible de terminer l’émission sans dire un mot du nouveau président de la République arabe sahraouie et démocratique (RASD), Brahim Ghali, élu la semaine dernière, a conclu Souhila Benali.« Etudiant sous la colonisation espagnole, chef de guerre, il cumule une expérience intéressante et connaît parfaitement la scène politique espagnole, française, marocaine », a analysé Tarik Hafid.
«Je déplore qu’en 2016, il n’y ai pas eu de débats contradictoires et qu’on ne puisse pas passer par un autre processus de désignation », a pour sa part déclaré Ihsane El Kadi. « C’est un peu dommage, ça rassemble à une situation la plus courte possible. Le Polisario aurait pu dépoussiérer son marketing politique à cette occasion », a-t-il pointé.
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