Pour le directeur de publication du quotidien El Khabar, Cherif Rezki, qui était ce mercredi l’invité du Direct de RadioM, 2014 aura quand même été une « bonne année », malgré les pressions exercées par les autorités politiques, qui tentent d’infléchir la ligne éditoriale du journal en réduisant ses recettes publicitaires. El Khabar reste le premier groupe de presse en Algérie avec 7 filiales dont 4 appartiennent aux seuls actionnaires du journal et 3 autres en association avec le quotidien El Watan.
Pilier du groupe, le quotidien arabophone El Khabar a réalisé l’année dernière un chiffre d’affaires de 1,65 milliards de dinars, en légère baisse par rapport aux performances de 2013. « On a serré les boulons », commente Cherif Rezki, qui précise que la baisse des recettes publicitaires, de près de 100 millions de dinars sur l’ensemble de l’année, a été compensée par les deux augmentations du prix de vente du journal intervenues successivement en février et octobre 2014. La structure des recettes du journal est ainsi devenue moins dépendante de la publicité qui ne représente plus que 30% du chiffre d’affaires contre 70 % pour le produit des ventes. Ces augmentations du prix de vente du quotidien porté désormais à 20 dinars, « les premières depuis 1995 » comme tient à le préciser son directeur de publication, sont aujourd’hui « la garantie de son indépendance éditoriale qui n’est pas négociable ».
Un modèle économique solide
La solidité du modèle économique du groupe de presse privé algérien est fondée sur l’intégration de l’ensemble de la chaine de production du journal, depuis l’imprimerie qui a été filialisée en association avec El Watan dans le cadre de trois entreprises installées à l’Est, à l’Ouest et au Centre du pays, jusqu’à la distribution qui est assurée depuis près de deux décennies grâce aux moyens propres du groupe. Le modèle économique du groupe doit également sa viabilité à une stratégie prudente d’acquisitions immobilières qui a mis à profit les années de vaches grasses pour réaliser « l’achat du siège du journal à Alger et celui des principaux bureaux, notamment à Sétif, Bejaia et Tlemcen ». Cette solidité financière a permis au journal d’augmenter les salaires de ses 200 employés de près de 20% en moyenne en 2014 en générant une masse salariale globale de plus de 350 millions de dinars l’année dernière
Des nuages à l’horizon
Les défis auxquels doit faire face le groupe El Khabar qui se positionne aujourd’hui comme l’un des leaders de la presse indépendante algérienne sont pourtant nombreux. La réduction de la manne publicitaire orchestrée par les autorités en charge du secteur devrait encore s’accentuer en 2015. Cherif Rezki estime, sur la base des résultats des 4 premiers mois de l’année en cours, « les recettes publicitaires prévisibles à 400 millions de dinars en 2015 contre près de 750 millions en 2013 ». Cette réduction des ressources tirées de la publicité se conjugue à une baisse tendancielle des tirages qui sont passées de « près de 400 000 par jour en début 2014 à environ 270 000 aujourd’hui pour 85% de ventes », selon le directeur de publication du quotidien.
Engager la transition vers le numérique
Dans le but de s’adapter à une évolution que Cherif Rezki juge « inéluctable ainsi que l’atteste les chiffres de vente de l’ensemble de la presse écrite nationale », le groupe a mis en œuvre depuis plusieurs années déjà une stratégie de diversification de ses activités. Pas n’importe laquelle, précise-t-il : « Nous nous développons uniquement dans le domaine de la presse, celui qui nous est cher et dans lequel nous avons acquis une expertise ». L’un des projets qui tient à cœur aux dirigeants du groupe est le lancement prochain d’un site d’information « entièrement indépendant du journal » qui bute encore sur la « disponibilité et la formation d’une ressource humaine qualifiée ».
Une chaine télé qui « sera rentable dans 3 ans »
En attendant de « réussir sa transition vers le numérique » qui est « un de ses objectifs majeurs », le groupe El Khabar a pris en marche le train de la télévision privée. Le lancement en 2014 de Khabar Broadcasting Company (KBC) a été précédé par une « longue période de maturation du projet et l’assistance d’un bureau d’étude spécialisé ». L’investissement initial, d’un montant de « près de 6 millions de dollars », a été financé « à parts égales entre les fonds propres du groupe et un financement bancaire obtenu auprès d’une banque privée ». KBC revendique aujourd’hui la troisième place en terme d’audience des chaines privées algériennes et espère que la filiale télé « commencera à équilibrer ses comptes d’ici 3 ans ». Le statut de ce nouveau média, dans « le seul pays qui n’a pas encore de télévision privée émettant à partir du territoire national », continue de poser des problèmes juridiques compliqués et a nécessité la création d’une société de droit algérien baptisée World Vision qui est l’interlocuteur des annonceurs intéressés par l’achat d’espaces publicitaires sur KBC.
Ecouter l’émission :