La chronique hebdomadaire de El Kadi Ihsane se penche sur le poids des lobbies économiques et sur leurs trajectoires. Elections législatives obligent.
L’assemblée nationale est devenue durant les années Bouteflika un lieu d’influence des lobbies économiques présents en Algérie. Ce n’est pas un scandale. C’est un « dégât collatéral » de la représentation citoyenne. Les démocraties avancées s’y sont adaptées. Comment ? En tentant de rendre visibles les lobbies et les lobbyistes. Jusqu’à les rendre légaux et les réguler comme à Bruxelles autour de la commission et du parlement européens. L’élection législative qui se prépare est un moment important du renouvellement de l’influence des lobbies dans l’enceinte qui adopte les lois de la république. Amar Saidani est l’homme politique qui a le plus clairement systématisé l’action lobbyiste au parlement. Avec son président du groupe parlementaire FLN et son vice président de l’APN baron du business à Annaba, il aura été le grand parrain de l’importation des biens et la revente en l’état. Sa chute personnelle correspond symboliquement aussi au déclin de ce lobby devenu encombrant par temps de baisse des revenus d’exportation. Le premier commentaire que suscitent les listes des candidats FLN aux prochaines élections législatives est bien que le lobby des importations et la revente des biens en l’Etat est trop puissant pour être relégué. Djamel Ould Abbes, le nouveau patron du FLN a du composer avec l’omniprésence de cet axe Annaba-Tebessa-El Oued hostile à la dévaluation du dinar et aux licences d’importations. Le secret d’une édification réussie d’un capitalisme national n’est pas très loin. Comment faire d’un puissant courant d’intérêt pour l’importation de produits finis, un acteur de l’industrialisation du pays ? Ce mouvement de bascule ressemble même à l’histoire multiséculaire de l’économie marchande devenue économie capitaliste. Les commerçants s’enrichissent dans le négoce dans les ports et s’emparent des fabriques à l’intérieur des terres. Et la machine à vapeur vient donner le très haut débit à ce flux. La formule qui ferait de la prochaine assemblée nationale un lieu d’influence plus favorable à la production locale qu’à l’importation des biens finis s’élabore dans les think tank politiques des partis. Ceux des partis politiques qui peuvent encore réfléchir. Et qui préfèrent le développement économique à la dilapidation de la rente énergétique dans les importations de biens finis. A défaut, cette formule peut être empruntée à des think-tanks non politiques comme le cercle d’action et de réflexion sur l’entreprise (CARE) et Nabni. Il faudra ensuite se présenter devant les électeurs avec un programme qui dit comment faire de l’Algérie une nouvelle Turquie, sur le plan industriel. Et espérer que cela intéresse les Algériens par climat du 4e mandat de Bouteflika.
La crise derrière nous ?
Le nouveau modèle économique de Abdelmalek Sellal va boucler sa première année blanche dans quelques semaines. C’est l’occasion de rappeler ici qu’au cœur de son inspiration, il est prévu un choc de l’offre qui ne dit pas son nom. Et que tout prédestine à l’avortement. 2016 aura servit à raboter les importations. Le plan budgétaire triennal 2017-2019, repose lui sur un pronostic caché, une relance de l’offre de biens et de services domestiques qui gonflera les recettes fiscales ordinaires, contiendra le déficit des comptes publics, et évitera de tomber dans une trappe de chômage à cause de la baisse des investissements publics. Ce choc de l’offre, Abdelmalek Sellal l’a déjà peut être achevé avant même de tenter de le diffuser. Par ses déclarations démobilisatrices à Annaba, au sujet de la conjoncture financière du pays, il laisse entendre que l’essentiel de l’effort d’ajustement a été effectué. Et que le changement de modèle économique en devient moins pressant. C’est toujours la résistance au changement qui emporte les systèmes vermoulus. Deux catégories de systèmes ; les intelligents et les autres. Les premiers recyclent les intérêts des puissants dans le changement, exemple, ils font des importateurs les acteurs de l’industrialisation. Les seconds subissent les intérêts des puissants en faveur du statu quo et s’effondrent avec eux.
Visa, l’effondrement plus probable que la réforme
Chaque semaine nous parviennent des nouvelles de ressortissants étrangers à qui le visa d’entrée en Algérie a été refusé par le mécanisme de la non réponse. Des touristes, des universitaires, des journalistes, des parents étrangers d’Algériens : l’Algérie reste un pays fermé pour le reste du monde. C’est le réflexe le plus constant, marqueur de la continuité philosophique, entre les années Boumediène, les années de la guerre civile et les années Bouteflika. Il est très difficile de visiter l’Algérie. La différence entre les périodes précédentes et l’actuelle est pourtant essentielle. Le gouvernement algérien a inclut le tourisme en tête des secteurs d’activité qui doivent prendre le relais des hydrocarbures avec la diversification économique recherchée. Un mensonge d’Etat. Les autorités continuent d’alimenter l’effet d’éviction. Les tours opérateurs du Sahara sont maintenus dans une précarité ultime, toujours à cause de la politique des visas. Tandis que les flux pourtant si homéopathiques du tourisme urbain du nord sont corsetés de la même manière. Une demande de visa qui demeure sans réponse au delà des délais prévus pour le voyage. Le très sérieux schéma directeur d’aménagement touristique du ministère du même nom ne s’est pas engagé sur des objectifs de visites touristiques sur les dix prochaines années. Il a par contre un livre (plusieurs chapitres) dédié au diagnostic. Pas de titre sur l’attribution du visa. Un artifice sans importance dans les performances d’une destination ? les tunisiens viennent de supprimer le visa pour les chinois. Bientôt les ressortissants chinois gagneront des revenus en Algérie pour aller les dépenser en Tunisie. La presse algérienne s’est offusquée cette semaine d’apprendre que le Roi du Maroc paye une agence de lobbying en Europe pour noircir l’image de l’Algérie. Rien ne prédestine à avoir une mauvaise image d’un pays que de se voir refuser le droit de le visiter. Là aussi la résistance au changement est si forte que l’effondrement est plus probable que la réforme.