Une sécheresse inquiétante sévit en Algérie. Les restrictions dans les lâchers d’eau à partir de barrages ont commencé, discrètement.
Les effets d’une sévère sécheresse commencent à peser sur le monde agricole en Algérie. A l’exception des céréales, pour lesquelles la saison n’est pas encore entamée, tous les autres secteurs souffrent de cette absence de précipitations. Alors qu’on est déjà fin novembre, une seule journée de pluie a été enregistrée cet automne, également marqué par une température anormalement élevée: samedi 22 novembre, le thermomètre a frôlé les trente degrés dans de nombreuses régions d’Algérie.
Dans le domaine de l’élevage, les effets de la sécheresse sont déjà perceptibles sur le marché. Alors que la saison est très avancée, les pâturages sont toujours aussi arides. Pas de pluies , pas d’herbe, donc obligation de nourrir le bétail avec des aliments achetés au prix fort. Les prix flambent, ce qui augmente considérablement le coût d’entretien du bétail.
La botte de foin flirte avec la barre historique de mille dinars. La botte de paille est à 500 dinars. Conséquence logique de cette flambée : le bétail revient trop cher aux éleveurs, qui veulent s’en débarrasser massivement. Les marchés à bestiaux font le plein, mais il n’y a pas d’acheteur, ce qui provoque une chute des prix. Et c’est le cercle infernal : trop de bétail mis sur le marché, cela signifie baisse des prix, donc perte sèche. Mais garder le bétail, cela signifie subir des frais d’entretien très élevés, « Avec un mouton acheté à 30.000 dinars il y a deux mois, on perd jusqu’à cinq mille dinars », affirme un petit éleveur du Titteri.
Le poids des réseaux
Le coût d’entretien des bovins est devenu hors de prix. « Une génisse m’a coûté plus de 40.000 dinars en trois mois », affirme un éleveur, qui tente de trouver des formules de substitution aux aliments de bétail conventionnels. Il a commencé à irriguer une parcelle d’un hectare sans l’ensemencer, « juste pour avoir de l’herbe », dit-il.
L’aliment du bétail distribué par les réseaux officiels reste très abordable, mais il est rare. L’orge est cédée 1.500 dinars le kilo, mais seuls les initiés, introduits dans les chambres de l’agriculture, l’Union de paysans (UNPA) ou auprès de différents offices, y ont accès. Pour les autres, l’orge est achetée à un peu moins de 3.000 dinars, soit le double du prix officiel. Ce système donne lieu à un vaste trafic, pratiqué au vu et au su de tous.
Pour les cultures maraichères également, les effets de la sécheresse sont importants. En cette fin novembre, les champs de pomme de terre sont irrigués presque comme en plein été dans la plaine du Chéliff. Pour les fellahs, cela signifie une hausse des coûts, qui s’ajoute à la hausse générale des intrants enregistrée cette année, notamment pour les engrais et la semence.
Restrictions
L’inquiétude concerne aussi toutes sortes de produits maraichers traditionnellement non irrigués (baali), pratique très courante dans les régions accidentées. Les petits fellahs qui en vivent redoutent une saison sèche qui menacerait petits pois, artichauts, oignons, etc. « L’absence de pluie s’accompagne généralement de gel », un cocktail destructeur pour les plants, selon un fellah.
Selon des informations recueillies auprès de plusieurs fellahs, les différents offices d’irrigation ont commencé à opérer des restrictions dans l’utilisation des eaux de barrage. Les réserves ont en effet diminué, sans que le niveau atteigne un seuil inquiétant. Mais les responsables de l’hydraulique veulent éviter toute surprise, en cas d’insuffisance de pluies. Ils ont donc informé les fellahs que les lâchers d’eau à partir des barrages seraient désormais plus stricts, avec des volumes bien précis, du moins jusqu’à ce que la situation se rétablisse. Officiellement, le ministère de l’hydraulique rassure. Les réserves sont suffisantes pour boucler la saison et assurer un approvisionnement jusqu’à l’été prochain. L’approvisionnement en eau potable est quant à lui sécurisé. Cela n’empêche pas des difficultés dans des villes vulnérables, où les réserves sont traditionnellement réduites.
Pas encore trop tard
Ces difficultés ne signifient pas encore pour autant que la saison soit compromise, ou que la sécheresse a eu des effets irréversibles. Il suffirait de quelques jours de pluie pour que les réserves des barrages et les nappes se reconstituent. «On est en novembre. La saison est encore longue. Il suffirait d’un bon épisode neigeux entre janvier et février pour que tout rentre dans l’ordre », affirme un agronome. Selon lui, la période cruciale se situe entre décembre et février. C’est à partir de là qu’il sera possible de juger la saison.
Mais une évolution, qui attend d’être confirmée par des experts, révèle une tendance très délicate : Plus aucune saison ne présente une pluviométrie régulière. Il y a au contraire systématiquement un vide dans la saison, qui compromet la récolte. Dans les périmètres irrigués, la situation peut être rattrapée, avec des coûts de production un peu plus élevés. Mais pour les céréales, un déficit en mars-avril provoque une catastrophe, comme ce fut le cas au printemps 2014, lorsque des régions entières dans plusieurs wilayas de l’est du pays, comme Khenchela et Oum El-Bouaghi, ont été sinistrées.