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Idées

Energies solaire, coopération, des chiffres et des faits : quels enjeux ? (contribution)

Par Yacine Temlali
août 25, 2016
Energies solaire, coopération, des chiffres et des faits : quels enjeux ? (contribution)

L’épuisement, le non renouvellement des ressources énergétiques fossiles, la fluctuation périodique de leur prix, la pression de la croissance démographique, l’augmentation considérable des besoins légitimes des populations en énergie, ses pertes dans le réseau, son gaspillage par l’usage d’équipements ménagers énergivores et bon marchés, les difficultés d’approvisionnement de sites isolés, souvent difficiles d’accès particulièrement en hiver, le poids du secteur énergétique dans les émissions des gaz à effet de serre, la lutte contre le changement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre, imposent impérativement au pays d’adopter et d’adapter des modes de production et de consommation d’énergie.

 

  

Les énergies renouvelables sont un des éléments de réponse à cette question. L’option du nucléaire n’est pas une préoccupation majeure des décideurs et ne semble concerner que ceux qui ont choisis cette spécialité aux multiples applications ! Les énergies renouvelables sont des énergies écologiques issues de sources non fossiles renouvelables, faiblement émettrices de gaz à effet de serre : solaire, éolienne, géothermique, marémotrice, hydroélectrique, bioénergies. Elles servent à produire de l’électricité, de la chaleur ou des carburants.

Une énergie est qualifiée de « renouvelable » quand elle va produire beaucoup plus d’énergie que celle dont elle a besoin au cours de son cycle de vie et son «temps de retour énergétique» qui va correspondre au ratio entre l’énergie totale consommée au cours de sa fabrication, de son transport, de son installation, de son recyclage et l’énergie produite annuellement [1]. Il faut en moyenne 2 à 3 ans à un système photovoltaïque pour produire autant d’énergie qu’il en a fallu pour le fabriquer.

Nous allons nous consacrer principalement dans cette analyse à la production d’électricité par énergie solaire photovoltaïque. C’est une énergie presque gratuite, partout disponible malgré son intermittence, un argument devenu caduc car la technologie des « réseaux intelligents » permet d’optimiser considérablement le réseau électrique.

L’énergie solaire va permettre de fournir de l’électricité tant aux grandes agglomérations qu’aux particuliers désireux d’être autonomes énergétiquement ou isolés par rapport au réseau standard. Ce sont les raisons pour lesquelles la plupart des États font des énergies renouvelables une priorité de leur politique énergétique.

Une étude réalisée par Bloomberg New Energy Finance [2] révèle que 329 milliards de dollars ont été investis dans les énergies renouvelables en 2015 dans le monde, et ce, malgré la chute des prix des énergies fossiles. Les investissements ont augmenté de + 4% par rapport à 2014, dépassant le record établit en 2011. La Chine demeure largement en tête avec 110,5 milliards de dollars investis, soit une augmentation de + 17% sur un an, grâce à une politique publique volontariste. Les Etats-Unis se placent en deuxième position avec une progression de + 8% par rapport à 2014 à 56 milliards de dollars. Contrairement à la tendance mondiale, les montants investis en Europe ont atteint leur plus bas niveau depuis 2006, avec 58,5 milliards de dollars (- 18% par rapport à 2014). Tirés par les pays émergents, les investissements des pays du Sud ont progressé de 19% à 156 milliards de dollars. Ainsi, l’Inde a investi 10,2 milliards (+22% sur un an), le Brésil (7,1 milliards, -10%), l’Afrique du Sud (4,5 milliards, +329%), le Mexique (4 milliards, +105%) et le Chili (3,4 milliards, +151%). Ils figurent tous dans le « top 10 » des investisseurs mondiaux.

Les pays ayant le plus attiré les investissements sont l’Inde (+ 23%) et le Royaume-Uni (+24%). Ces investissements se sont principalement concentrés dans les secteurs de l’éolien et du solaire pour la production d’électricité. Au total, 64 gigawatts de capacités éoliennes ont été ajoutées et 57 gigawatts de solaire photovoltaïque.

Le réseau REN21 (Renewable Energy Policy Network for the 21st Century) souligne dans son rapport 2016, que l’année 2015 a été sans précédent pour les énergies renouvelables [3]-[4]. Ce rapport précise que ce sont les facteurs suivants : « les technologies aux couts plus compétitifs », « les initiatives politiques », « la croissance de la demande des économies émergentes », « un meilleurs accès au financement »…. qui tirent la croissance des énergies renouvelables.

 

 Capacité mondiale d’énergie solaire PV, les dix premiers pays

 

Et en Algérie ?

 

Le citoyen est toujours soumis aux prodigieux discours de circonstance et aux supputations qu’illustrent les deux déclarations ci-dessous, déclarations qui donnent beaucoup à réfléchir :

a)        Selon Sonelgaz, d’ici 2030, 37 % de la capacité installée soit 22.000MW et 27 % de la production d’électricité destinée à la consommation nationale, seront d’origine renouvelable.

b)       Selon le DG de l’APRUE, une famille Algérienne consomme près de 2500 kWh par an !

Ainsi, selon Sonelgaz, nous aurons en 2030 une capacité installée de 59.500MW contre 18000MW installés actuellement en 2016 avec une population de 40millions d’habitants. Le programme des énergies renouvelables adopté en février 2011, au rythme où il est implanté, semble rencontrer beaucoup de résistance pour se concrétiser !

Il a fallu donc, face aux atermoiements, à l’attentisme des décideurs et même à l’ajournement du programme des énergies renouvelables par l’Assemblée générale de l’entreprise Sonelgaz (déclaration du PDG de Sonelgaz du 5 juin 2016 à la radio chaine3), l’intervention du chef de l’Etat en mai 2015, plus de 4 ans après qu’il fut adopté par le Gouvernement pour le redynamiser. Il fut actualisé et porté à 22.000 MW à l’horizon 2030 pour le marché national, avec toujours le maintien de l’option de l’exportation comme objectif stratégique, « si les conditions du marché le permettent » !

Les projets EnR de production de l’électricité seront ainsi menés en deux étapes :

Première phase 2015 – 2020 : Cette phase verra la réalisation d’une puissance de 4000 MW, entre photovoltaïque et éolien, ainsi que 500 MW, entre biomasse, cogénération et géothermie.

Deuxième phase 2021 – 2030 : Le développement de l’interconnexion électrique entre le Nord et le Sahara (Adrar), permettra l’installation de grandes centrales d’énergies renouvelables dans les régions d’In Salah, Adrar, Timimoune et Béchar et leur intégration dans le système énergétique national. A cette échéance, le solaire thermique pourrait être économiquement viable.

Le tableau suivant donne les capacités cumulées du programme EnR, par type et phase, sur la période 2015 – 2030 :

 

 

1ère phase

2015-2020

2ème phase

2021-2030

TOTAL

Photovoltaique

3 000

10 575

13 575

Eolien

1 010

4 000

5 010

CSP

2 000

2 000

Cogénération

150

250

400

Biomasse

360

640

1 000

Géothermie

05

10

15

TOTAL

4 525

17 475

22000

 

Selon les déclarations du ministre de l’Energie, la production cumulée de l’électricité à partir des énergies renouvelables atteindra les 368 mégawatts d’ici à la fin de l’été 2016. Elle sera générée selon SKTM, filiale de Sonelgaz, par 23 centrales PV de 343 MW dont 13 sur les hauts plateaux d’une puissance de 265 MW et 10 dans le grand Sud d’une puissance cumulée de 78MW pour un cout de 60 milliards de DA! La realisation de ces centrales est confiée à deux operateurs chinois (258 MW) et un opérateur allemand (85 MW). 320 MW seront réalisés sur ses fonds propres ! (cf. Oil and Gas business p.55). On est loin des 650MW prévus … pour 2015 !. Il n’est donc pas étonnant que le plus grand pays d’Afrique par sa superficie et la durée d’ensoleillement de son territoire, ne figure point sur la liste des pays en voie de développement ayant investi plus de $500 millions, liste qui comprend par contre le Maroc, l’Uruguay, les Philippines, le Pakistan et le Honduras [5].

Comparée à la puissance maximale appelée de 12 645 MW enregistrée le 2 aout 2016 par rapport à la capacité nationale cumulée installée de l’ordre de 18000MW, cet apport de l’énergie solaire photovoltaïque de 368MW ne représentera finalement que 2,04%. C’est dire les efforts qu’il y a lieu de fournir, l’approche et l’analyse lucide des tergiversations et des retards accumulés qui ont un cout , de réfléchir aux moyens techniques et financiers à mobiliser en fonction des capacités et des compétences humaines disponibles, à former ou à recycler. Le recours récurrent aux compétences étrangères dévalorise les capacités et compétences nationales qui sont souvent récupérées par les multinationales et laisse grandes ouvertes les voies à l’improvisation, la précipitation, le clientélisme aboutissant à l’octroi dans l’urgence de contrats au contenu non contraignant quant à la qualité et la garantie des équipements fournis !

En effet, parler aujourd’hui d’améliorer l’efficacité de la production électrique grâce au photovoltaïque, c’est rester focalisé sur les cellules des panneaux elles-mêmes alors qu’il s’agit que d’une moitié du problème puisque l’équipement électronique en aval de la matrice de panneaux joue un rôle tout aussi important. Il peut représenter jusqu’à 60% du cout de l’installation !

Une installation photovoltaïque typique est constituée d’une matrice de panneaux, d’un inverseur, de batteries et d’un système de connexion. La tâche qui consiste à optimiser les performances électriques de la matrice revient à ce fameux élément appelé inverseur. Sa fonction primaire est de convertir le courant continu (DC) produit par les panneaux en courant alternatif (AC) que nécessite le réseau. Sa deuxième fonction est d’optimiser la puissance délivrée par la matrice en recherchant le Maximum Power Point (MPP). En effet, pour les générateurs électriques non-linéaires que sont les générateurs photovoltaïques, il existe un point de fonctionnement (MPP) optimum pour lequel le courant et la tension correspondante donnent lieu à une puissance en sortie maximale. L’inverseur récupère l’intensité moyenne permettant d’atteindre cette puissance maximale.

Dans les systèmes actuels, chaque matrice est associée à un inverseur unique, ce qui occasionne de nombreuses pertes énergétiques, chiffrées à 30% par la California Energy Commission (CEC). Ces pertes sont intrinsèquement liées au caractère centralisé de l’inverseur et au mode d’assemblage des différents panneaux au sein de la matrice pour les deux principales raisons suivantes :

  • « Désaccord électrique » entre les panneaux : en effet, au sortir de l’usine tous les panneaux n’ont pas le même MPP, l’inverseur récupère un courant moyen qui est souvent mal adapté à chaque panneau en particulier. Le MPP de chaque panneau est donc souvent rarement atteint et ces derniers ne fonctionnent donc que peu au maximum de leur capacité.
  • Ombrage localisé : il n’est pas rare qu’au cours de la vie de la matrice, un ou plusieurs panneaux voient leurs performances altérées par les conditions extérieures (ombre, poussières, branchages…). Du fait du montage en série des panneaux, le courant relatif au panneau le moins performant limite le courant de ses voisins ayant pour effet d’accroître encore la divergence par rapport au MPP.

D’autre part, l’inverseur unique adapté à une matrice entière présente le désavantage majeur de rendre le système complet inopérant en cas de panne … Il y a lieu de signaler qu’en cas de problème ou de vol d’un panneau, il n’est pas possible de le remplacer par un panneau du dernier cri au risque d’augmenter le « désaccord électrique » ; une installation de 2014 est et restera liée à la technologie en cours à cette date. Ce qui va exiger lors de la conclusion de contrats que les panneaux soient testés sur les lignes de production puis dans deux laboratoires externes, un dans le pays de production et l’autre dans les pays du client pour s’assurer de leur qualité. Chaque panneau disposant alors d’un code barre est scanné pour permettre, en cas de problème, de retracer l’ensemble de son processus de fabrication.

 

APRUE

 

A quoi rime la déclaration du DG de l’APRUE ? N’a-t-elle pas été précédée par un communiqué des plus fantaisistes de l’APS du 2 février 2016 relatif à la consommation d’énergie électrique qui dépasserait la « norme » mondiale. Ce même communiqué continue d’être soutenu et propagé par de «remarquables» experts ! Ces chiffres relatifs à la consommation électrique par les ménages algériens sont fantaisistes et non conformes à la réalité. Le terme «ménages algériens » est un terme « agrégat » qui rassemble des statuts socio-économiques et des strates sociales de consommateurs si variés et si disparates du point de vue du type et du niveau de consommation électrique (et énergétique en général) qu’ils ne peuvent en aucun cas être représentés par un indicateur synthétique : 2500kWh en l’occurrence. A quoi rime d’ailleurs une telle information si elle n’est pas accompagnée de détails concernant la question qui consomme combien dans cette catégorie vague. Et comment sommes-nous parvenus, c’est- à -dire à travers quels choix socio-économiques et politiques fondamentaux (implicites et/ ou explicites), à la fabrication de cette « norme » qui n’existe nulle part et qui ne veut rien dire sauf à vouloir justifier les thérapies du FMI et de la BM qui a d’ailleurs financé le projet Algeria – Energy Efficiency Project :

Selon la BM ,un pays comme l’Islande dont la population avoisine les 300000 habitants consomme 52374 kWh/an et par habitant alors que le Français en consomme 6847kWh/an et le Bahreïn 10018 kWh ! Qui cherche-t-on mystifier ?

 

Coopération

 

L’APS [6] ainsi que différents organes de presse ont publié récemment de nombreux articles sur la coopération Algéro-japonaise dans le domaine de l’énergie solaire consacrés au projet « Sahara Solar Breeder » en se référant particulièrement à la récente conférence internationale tenue à Madrid sur « les énergies renouvelables et la qualité de l’énergie »[7].

Il est tout à fait logique de se poser un certain nombre de questions dès lors qu’il est proposé de réaliser un projet industriel de production de silicium solaire en Algérie, une industrie que le pays ne maitrise point et n’a point cherché à développer quand les revenus des exportations des hydrocarbures le permettaient. Il y a lieu de ne point confondre production de silicium et procédés d’encapsulation de modules photovoltaïques que réalisent deux industriels à Bordj Bou Arreridj et à Sidi Bel Abbes. Il est aussi question dans ce projet de production d’électricité solaire PV et son transfert par câbles supraconducteurs sur de longues distances du Sud vers le Nord dont une partie servirait au de dessalement d’eau avec un support technique, économique et financier conjoint.

1. Les japonais sont-ils disposés à investir en Algérie en tant que partenaire selon le principe gagnant-gagnant alors que l’Etat impose le principe du 51/49 ? 

2. Si la coopération interuniversitaire est très louable et doit être encouragée et soutenue, les Universités d’Oran et de Saida ne vont-elles pas servir de tremplin ou de cheval de Troie au business japonais par le truchement de la Japan International Corporation and la Japan Science and Technology Agencies (JICA, JST) pour se substituer intelligemment aux chimériques projets allemands Desertec et Desertec Industriel Initiative (DII) [8] ? Le « Sahara Solar Breeder » a été initié presque simultanément que DII en 2010 [9]. Il est entièrement subventionné par la partie japonaise pour un montant de 5 millions de dollars !

L’exemple de la coopération sur les réseaux intelligents entre le Japon et l’Etat du Nouveau Mexique (USA) – projet NEDO [10], devrait et aurait pu servir d’exemple et de modèle de coopération pour une collaboration et une coopération équilibrée conforme aux réalités et potentialités algériennes pour être fructueuses et durables entre les Universités d’Oran, de Saida et l’Unité de recherche en énergies renouvelables en milieu saharien d’Adrar (URER/MS) et la partie japonaise. D’autant que l’Etat du Nouveau Mexique présente beaucoup de similitudes climatiques et géographiques avec l’Algerie. Il ne faut aussi ne pas perdre de vue que le japon a déjà conclu des nombreux accords avec d’autres pays arabes comme l’ont fait les allemands.

3. Du laboratoire au processus industriel, le chemin est long et complexe ! Cette industrie du silicium va-t-elle réaliser l’ensemble des étapes de production de silicium pour aboutir à la fabrication du silicium solaire et du silicium électronique ? Si c’est cette option qui est choisie, quel est alors le volume de silicium à produire pour que l’investissement consenti soit rentable ? Si tel est le cas, ce projet va nécessiter l’acquisition d’une grande assiette foncière, de préférence en bord de mer et disposer de voies d’accès, d’une centrale électrique de 90MW, d’un débit de 12000m3 d’eau/jour, de conduites de gaz, d’hydrogène et d’acides (Silanes). Quel type de silicium cette industrie va produire et avec quel matériau : du sable du Sahara purifié ou de la diatomée ? Faute de spécialistes et de compétences nationales indispensables, le silicium obtenu (métallurgique ou solaire ?) va-t-il être traité par fusion entièrement sur place à l’USTO ou exporté en partie ? Quelle serait alors la quantité totale d’énergie consommée et le cout du Watt crête (Wc)produit et son équivalent en pétrole ou en gaz à exporter en tenant compte des fluctuations des prix ? Le Watt crête cristallin coute aujourd’hui 0,7$hors installation au Japon et en Corée [11

La faillite du projet Rouïba éclairage en 2012 qui avait couté la bagatelle de 300 millions d’Euros avec deux sociétés allemandes avec lesquelles Sonelgaz avait signé en février 2011 un contrat pour la production de panneaux PV ne doit nullement être occultée [12] !

4. La quantité de CO2 dégagée et le volume des différents éléments hautement toxiques rejetés dans la nature et non recyclés sont-ils quantifiés pour se conformer aux engagements pris lors de la COP21 en décembre 2015 à Paris ? Quel serait leur impact et l’effet de nuisance sur la santé des populations et la pollution de l’environnement ?

5. Quel est le retour sur investissement (pay-back) et l’amortissement des différentes installations industrielles ? Pour être réellement rentables et point déficitaires, les capacités installées (en espérant que les équipements et les technologies acquises ou transférées ne soient pas obsolètes), devraient pouvoir aussi exporter. Le marché algérien pourrait rapidement être saturé !

Les réponses à ces questions, tout comme une analyse technique, économique et financière, sont importantes pour convaincre de la pertinence de ce projet, de son adéquation avec la réalité algérienne et éclairer l’opinion publique qui ne doit pas être abusée, ni illusionnée par un projet aussi ambitieux que peu de pays maitrisent à l’ère de la quatrième révolution industrielle et des technologies à risques !

 

La supraconductivité

 

Le transport d’électricité sur de longues distances est pratiquement résolu en courant continu pour réduire les pertes de charge sur le réseau ! Actuellement deux technologies peuvent être choisies : la technologie de courant continu VSC (Voltage Source Converter – Source de tension) ou la technique LCC (Line Commutated Converter – Commutation de ligne) plus mature et bien maîtrisée. L’emploi récent de câbles supraconducteurs semble apporter des changements notables dans le transport d’électricité, mais uniquement sur des petites distances.

En effet, la supraconductivité permet d’annuler la résistance électrique du câble conducteur et d’éviter ainsi la dissipation d’énergie, sous forme de chaleur, due à l’effet Joule. Dès lors, il devient possible de faire circuler de grande quantité d’énergie électrique dans des câbles de faible section.Elle a été usitée aux USA à Detroit au Michigan en été 2001[13]. Elle s’est poursuivie à titre expérimental depuis avril 2008 à New York [14] où un câble électrique supraconducteur de 600 m de long alimente 300.000 foyers dans l’île de Long Island, près de New York. Fabriqué par l’industriel français Nexans, avec le soutien du département de l’Énergie américain, ce câble refroidi par azote liquide à -200°C permet de transporter une puissance de 574 mégawatts (2400 ampères sous une tension de 138.000 volts), soit quatre fois plus qu’un câble de cuivre classique de même section. Le tout sans émettre ni chaleur ni champ électromagnétique.

Un autre câble supraconducteur de Nexans est testé grandeur nature depuis avril 2014 en Allemagne en plein centre-ville d’Essen, dans la Ruhr, pour le fournisseur d’électricité allemand RWE dans le cadre du projet AmpaCity [15]. Cette ligne longue d’un kilomètre est une première mondiale. C’est la plus longue au monde en fonctionnement. Elle a permis de supprimer un transformateur haute tension ainsi que des économies de génie civil qui ont suffi à compenser le surcoût des câbles, sans compter le coût de la surface libérée en centre-ville. De plus, son impact environnemental est faible : pas d’augmentation de température, pas de champ magnétique et limitation de l’emprise au sol grâce à son extrême compacité.

Les économies ainsi réalisées au niveau des équipements ont permis d’atteindre cet équilibre. Selon RWE, si le choix s’était porté sur des câbles conventionnels, solution moins chère que la solution supraconductrice, elle aurait nécessité cinq câbles au lieu d’un seul. Bien que la transmission à haute puissance dans les centres villes soit également possible avec des câbles en cuivre de moyenne tension, le coût attractif de cette solution est contrecarré par des pertes ohmiques beaucoup plus élevées. Il y aurait eu alors un effet nappe, incompatible avec le tissu urbain déjà concentré d’Essen. Fort de cette expérience réussie, l’industriel a toutes les raisons de croire que le scénario est reproductible ailleurs, dans les centres villes où il apporte une forte valeur ajoutée.

C’est fort de cette expérience que Nexans va fournir des câbles supraconducteurs destinés au réseau électrique urbain de Chicago entrant dans le cadre du projet de réseau électrique résilient d’AMSC à Chicago [16].

IL faut souligner par ailleurs les propriétés spécifiques des matériaux supraconducteurs qui ont déjà des applications multiples :

  • Dans les IRM, qui ont besoin de champs magnétiques très intenses pour visualiser l’intérieur du corps humain. Pour les produire, un fort courant électrique parcourt des bobines de fils composés d’un alliage à base de niobium-titane, supraconducteur à la température très basse de l’hélium liquide à – 270° C.
  • Dans le programme ITER, réacteur expérimental de recherche sur la fusion nucléaire. Les faisceaux de plasma gazeux utilisés par ITER, sont concentrés par des champs magnétiques intenses produits par des électro-aimants. Pour créer ces champs, on utilise aussi des alliages de niobium supraconducteurs à – 270° C.
  • Dans MagLev, le train le plus rapide du monde à lévitation magnétique. Ce train expérimental japonais a atteint la vitesse de 600 km/h en avril 2015 en utilisant la sustentation électrique produite par un système d’électro-aimants supraconducteurs.
  • Dans les nanotechnologies pour les ordinateurs du futur. Les supraconducteurs pourraient à terme remplacer les composants électroniques actuels en permettant aux ordinateurs d’atteindre des cadences de 100 GHz, contre trois en général actuellement. Par ailleurs, les ordinateurs quantiques utilisant les propriétés des supraconducteurs pourraient accélérer considérablement la quantité et la vitesse des calculs.

 

Les enjeux

 

Lors de la conférence à Madrid, selon ce que rapporte l’APS, les conférenciers algériens n’ont point souligné plusieurs problèmes majeurs qui vont influer fortement sur le rendement des centrales PV qui vont couvrir de très grandes surfaces en fonction du lieu de montage et des puissances requises installées :
1. Les températures au Sahara sont généralement supérieures à 25°C durant presque toute l’année et durant une bonne période d’ensoleillement. Le rendement va diminuer de 0,4% à chaque augmentation de la température de 1 degré supérieur à 25°C ! Les japonais comme les français, les australiens, les anglais ou les américains commencent à installer des centrales solaires PV sur des surfaces d’eau (Centrales PV flottantes) pour assurer leur refroidissement et compenser le manque d’espaces disponibles au sol ! Ainsi, les barrages ou les retenues d’eau seraient, peut-être, tout indiqués pour de telles installations en Algérie !

2. Les pluies, les dépôts de poussière et de sable sur les panneaux PV [17].auxquels il faut ajouter les taches laissées par la rosée et les fientes d’oiseaux créent un effet d’ombre qui va affecter les cellules, provoquer un échauffement de cellules adjacentes et réduire le rendement. Il y a même risque de départ de feu pouvant provoquer un incendie et détruire l’installation ! Ce qui va nécessiter inspection et nettoyage régulier [18] sur de très grandes surfaces par un personnel spécialisé pour éviter d’endommager ou d’érafler les panneaux pouvant entrainer la corrosion des jonctions et éviter d’éventuels risques d’électrocution.
3. L’impact de cristaux sur la surface des panneaux PV dû aux forts vents de sable durant une longue période de l’année au Sahara !

Ces trois phénomènes conjugués vont fortement diminuer jusqu’à 10% le rendement des panneaux PV qui ne dépasse pas, dans le meilleur des cas 20% !

Par ailleurs, parler actuellement d’exportation d’électricité alors que les délestages sont fréquents, que les besoins légitimes des populations ne cessent de croitre et sont loin d’être satisfaits dans de nombreuses localités malgré les assurances répétées, que le gaspillage est loin d’être jugulé, c’est vouloir mystifier le citoyen. C’est vouloir ignorer l’article 9 de la directive de l’Union Européenne sur les énergies renouvelables de 2009 qui n’autorise l’importation des EnR qu’en cas de déficit de production en Europe [19]. C’est vouloir ignorer que le marché européen a actuellement un excédent de production dans les énergies renouvelables [20]- [27] et qu’il est juridiquement bien réglementé et encadré !

N’est-il pas alors plus important de penser à satisfaire en priorité les besoins en énergie électrique les petites communautés et les communautés isolées et dispersées qui ne seront jamais connectées au réseau ainsi que les populations disséminées du Sud avant de penser à l’exporter. Ce n’est quand même pas une primeur ! A-t-on étudié attentivement le cout faramineux de ce projet chimérique d’exportation qui a réduit à néant les ambitions du projet DII, cout dépassant tous les budgets cumulés consacrés à la conquête spatiale ? Les écoles, les lycées, les centres de santé, l’habitat isolé, les maisons/villas individuelles, les centres de vacances, les centres de stockage de denrées périssables dans les zones rurales et isolées, les ombrières de parkings des grandes administrations, devraient être privilégiés et encouragés à procéder à de telles installations pour servir d’exemple afin de vulgariser et de développer l’utilisation de l’énergie solaire. N’est-ce pas aussi une approche économique intelligente qui permet de limiter l’importation de câbles en cuivre, d’enrayer leurs vols, réduire les actes de vandalisme ?

 

Stockage d’énergie

 

Il n’a jamais été autant au centre des débats qu’aujourd’hui, pour l’énergie solaire que pour les autres sources renouvelables, comme en témoignent les débats lors des différents congrès, forums et expositions.

Contrairement aux combustibles fossiles, la plupart des énergies renouvelables sont des énergies variables, intermittentes, aléatoires. Ce qui va nécessiter soit un back up, soit une source de stockage.

En effet, un panneau solaire ou une éolienne produira respectivement de l’électricité en fonction de l’ensoleillement ou de la vitesse du vent mais une fois ces flux interrompus, la production s’arrêtera quasi instantanément. Contrairement aux solutions fossiles, les énergies renouvelables produisent indépendamment de la demande en électricité. Cette particularité peut engendrer un défaut d’approvisionnement ou, à l’inverse, une surproduction d’énergie lorsque la production ne correspond pas à la consommation. C’est pourquoi le stockage de cette énergie renouvelable sur site devient un enjeu majeur.

Pour maximiser l’apport des énergies renouvelables et les intégrer aux réseaux électriques, industriels et universitaires à travers le monde travaillent actuellement sur de nouveaux modelés de batteries capables de venir en soutien du réseau en emmagasinant l’énergie produite en excès. Toutes ces batteries reposent sur stockage électrochimique. Selon les situations et les technologies, la restitution de l’énergie stockée peut être lente et continue ou intense et brève. Actuellement, les batteries lithium-ion sont majoritaires [28].

Le problème de stockage d’énergie solaire avec des batteries pour participer à la stabilité du réseau en absorbant le surplus d’énergie solaire produit pour le restituer en fonction des besoins du réseau, même la nuit, est l’objet de recherches poussées à travers le monde. La récente publication de Bloomberg New Energy Finance (BNEF) projects, prévoit dans les 25 années à venir la production de petites batteries de stockage, un marché de $250 milliards [29] !

Le constructeur américain patron des voitures électriques Tesla Motors et président de SolarCity, le premier installateur et fournisseur de panneaux solaires des Etats-Unis, a annoncé (voir la vidéo de sa présentation) le lancement de Tesla Energy et de son nouveau produit : le Powerwall, des batteries lithium-ion domestiques pour le stockage de l’énergie [30]. Elégantes, compactes, simple d’utilisation et d’installation, relativement accessibles (à partir de 3000$), le succès ne s’est pas fait attendre, puisque Tesla aurait vendu en précommande quelques 38 000 Powerwall en un mois rapporte le journal du Geek.
Présenté comme l’un des derniers freins économiques à un développement plus massif encore des énergies renouvelables et, plus largement, à la transition énergétique, le stockage d’électricité a diverses applications. Le marché du résidentiel se développe – surtout au Japon et aux États-Unis -, sur lequel se positionnent des acteurs aussi différents que Tesla et son Powerwall ou Schneider Electric et son EcoBlade [31-32].

La production d’hydrogène pour le stockage d’énergie solaire, particulièrement pour les sites isolés [33], connait aussi une croissance remarquable pour faire face à la contrainte de la demande en énergie fossile, une énergie polluante et pas toujours disponible.

 

En conclusion

Comparée aux capacités actuelles de génération d’électricité implantées à travers tout le territoire national sur un peu plus d’un demi-siècle, toutes origines confondues, cumulant une puissance totale installée de 18 000MW, la génération en moins de 15 ans de 22 000MW d’électricité d’origine renouvelable dont 13 575MW en solaire, est un pari audacieux qu’il faudra relever pour surmonter de nombreux obstacles à différents niveaux, au nombre desquels :

  1. La formation et le recyclage de la ressource humaine en quantité et en qualité, bénéficiant d’une rémunération conforme aux compétences et encadrée par des professionnels ;
  2. La mobilisation et la disponibilité de moyens financiers en tenant compte de la volatilité des prix des hydrocarbures ;
  3. Le développement et le renforcement du partenariat national dans le domaine de la sous-traitance ;
  4. La création de Joint-venture (SPA) pour la conception, la réalisation et la production d’équipements solaires selon le principe gagnant-gagnant ;
  5. La création de sociétés de service dument habilitée pour l’installation, la maintenance et l’entretien de systèmes PV favorisant l’emploi des jeunes en étroite collaboration avec l’ANSEJ ;
  6. Le renforcement du dispositif juridique par l’élaboration et l’adoption de textes réglementaires favorisant le développement et l’usage des énergies renouvelables ;
  7. L’élaboration de textes réglementaires relatifs à la protection contre les risques d’incendies et d’électrocution dans les installations photovoltaïques ;
  8. La rédaction et l’adoption de textes de normalisation, d’homologation, d’inspection et de contrôle des équipements et matériaux solaires ;
  9. L’adoption de mesures incitatives visant à économiser l’énergie, à réduire les pertes et le gaspillage ;
  10. La création de sociétés de ramassage et de recyclage de matériel électrique et électronique hors d’usage ou arrivés en fin de cycle pour préserver et protéger l’environnement ;
  11. La gestion intelligente et la préservation des ressources hydriques et des ressources fossiles pour faire face à leur épuisement et aux fluctuations des prix des cours mondiaux et des valeurs de change des principales devises.

 

(*) Dr Hocine Bensaad est expert/Consultant en gestion et prévention des risques de catastrophes. Cet article est également disponible sur Academia.edu.

 

Références

 

Références

  1. Compared assessment of selected Environmental Indicators of PV Electricity in OECD cities.
  2. Blomberg New Energy Finance Summit et Global trends in renewable energy investment 2016 Bloomberg New Energy Finance.
  3. Renewable Energy Policy Network for the 21st Century.
  4. Rapport sur le statut mondial des EnR.
  5. Feuille de route par pays pour un Avenir porté par les énergies renouvelables IRENA 2016.
  6. Cf. cette dépêche de l’APS.
  7. Conférence internationale des énergies renouvelables à Madrid : L’Algérie peut devenir un exportateur d’énergie solaire. A primary study on a long-term vision and strategy for the realization and the development of the Sahara Solar Breeder project in Algeria Renewable and Sustainable Energy Reviews V 16, Issue 1, January 2012.
  8. Cf. Des centrales solaires géantes au Sahara : solution au changement climatique ou néocolonialisme déguisé ? et Desertec abandons Sahara Solar power export dream.
  9. Le « Sahara Solar Breeder » : Le programme algéro-japonais.
  10. Cf. Japan -U.S. New Mexico Smart Grid Collaborative Demonstration Project et Launch of Smart Grid Demonstration Site in Los Alamos- Japan-U.S. Collaborative Smart Grid Project in New Mexico.
  11. Panneaux PV: les prix de gros continuent de stagner.
  12. Réalisation d’une usine de fabrication de modules photovoltaïques.
  13. Les câbles supraconducteurs quittent les laboratoires 2001.
  14. Cf. ce texte.
  15. RWE, Nexans et le KIT lancent le projet «AmpaCity ».
  16. http://www.nexans.com/Corporate/2016/1602_Nexans%20supra_in_Chicago_AMSC_FR.pdf
  17. Cf. : Maintenance du système et Sadok Mohammed :Détermination des Paramètres, Performances et Etude de la Dégradation des Modules Photovoltaïques en milieu saharien.
  18. Pose, maintenance et dépose des panneaux solaires thermiques et photovoltaïques en sécurité.
  19. Sonelgaz doute de la volonté de l’Europe de voir le projet Desertec se concrétiser.
  20. Le Portugal a fonctionné entièrement à l’énergie renouvelable pendant quatre jours.
  21. Consulter cet article des Echos : Les pays scandinaves pionniers de l’économie décarbonnée.
  22. Germany Just Got Almost All of Its Power From Renewable Energy.
  23. UK energy from coal hits zero for first time in over 100 years.
  24. Wind power generates 140% of Denmark’s electricity demand.
  25. Spain Got 47 Percent Of Its Electricity From Renewables In March. Integración de renovables.
  26.  Renewable energy in Italy.
  27. Europeen energy market-reform-Country profile Italy.
  28. Cf. ce document : L’énergie du futur à votre portée.
  29. The Battery Miracle Will Transform both Transportation and Power Generation JUN 17, 2016
  30. La batterie d’Elon Musk peut-elle tout changer ?
  31. Course à la pile chez les énergéticiens Par Dominique Pialot 10/06/2016.
  32. Stocker l’électricité, une vraie révolution Claude Crampes et Thomas-Olivier Léautier 07/04/2016.
  33. Stockage-énergies-renouvelables-hydrogène pour sites isolés.

 

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