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Algérie

Equilibres macro-financiers et macro-sociaux de l’économie algérienne: perspectives inquiétantes

Par Mohamed Zenina
février 1, 2017
Equilibres macro-financiers et macro-sociaux de l’économie algérienne: perspectives inquiétantes

Le   rapport de la banque d’Algérie  présenté par son gouverneur fin janvier 2017 qui constitue un discours de vérité face à certains discours démagogiques et des schémas de politiques économiques périmés des années 1970, alors que le monde est à l’aube d’une quatrième révolution économique,  interpelle les plus hautes autorités du pays sur le devenir de l’économie algérienne, posant la problématique de la sécurité nationale, rejoignant  la majorité de mes analyses (voir www.maghrebemergent.com)

 

1.-L’évolution de la cotation du dinar algérien de 1970 à 2016 a été la suivante :  1970 : 4,94 dinars un dollar-1980 : 5,03 dinars un dollar-1985 : 5,03 dinars un dollar-1989 :-8,03 dinars un dollar-1990: 12,02 dinars un dollar-1991 : 18,05 dinars un dollar –1994 : 36,32 dinars un dollar-1995 : 47,68 dinars un dollar-1996 : 54,74 dinars un dollar-1997 : 57,71 dinars un dollar-1998 : 58,76 dinars un dollar-1999 : 66,64 dinars un dollar-2001…69,20 dinars un euro 77,26 dinars un dollar-2002…75,35 dinars un euro -69,20 dinars un dollar- 2003…87,46 dinars un euro 77,36 dinars un dollar- 2004…89,64 dinars un euro 72,06 dinars un dollar-2005…91,32 dinars un euro 73,36 dinars un dollar- 2006…91,24 dinars un euro 72,64 dinars un dollar- 2007…95,00 dinars un euro 69,36 dinars un dollar-2008…94,85 dinars un euro 64,58 dinars un dollar-2009..101,29 dinars un euro 72,64 dinars un dollar- 2010..103,49 dinars un euro 74,31 dinars un dollar- 2011..102,21 dinars un euro 72,85 dinars un dollar- 2012..102,16 dinars un euro 77,55 dinars un dollar
2013..105,43 dinars un euro 79,38 dinars un dollar- 2014..106,70 dinars un euro 80,06 dinars un dollar- 2015..108,60 dinars un euro 99,50 dinars un dollar- Le 30  janvier  2017 109,89 dinars un dollar et 117,94 dinars un euro

2.-Les réserves de change fonction des recettes d’hydrocarbures, 97/98% directement et indirectement avec les dérivées des recettes en devises, ont été estimées entre 1999/2016 avec une dette extérieure évaluée à 23,203 milliards de dollars au 31 décembre 2003 comme suit :  1999– 4,4 milliards de dollars- 2000, 11,9 milliards de dollars – 2001, 17,9, milliards de dollars – 2002, 23,1, milliards de dollars – 2003, 32,9 milliards de dollars – 2004, 43,1 milliards de dollars – 2005, 56,2 milliards de dollars, – 2006, 77,8 milliards de dollars – 2007, 110,2 milliards de dollars – 2008, 143,1 milliards de dollars – 2009, 147,2, milliards de dollars – 2010, 162,2, milliards de dollars – 2011, 182,2, milliards de dollars – 2012, 190,6 milliards de dollars, – 2013, 194,0 milliards de dollars – 2014, 179,9 milliards de dollars – 2015, 144,1 milliards de dollars –2016, 114,1 milliards de dollars. Selon le rapport présenté en ce mois de janvier 2017 par le gouverneur de la banque d’Algérie, les réserves de change ont ainsi baissé de 29,9 milliards de dollars entre 2015/2016 avec un    niveau de la dette extérieure de l’Algérie de 3,3 milliards de dollars. A ce rythme les réserves de change risquent de fondre dans trois ans  bien que la  situation soit différente  des impacts de la crise  de 1986.avec se sondes de choc entre 1993/1994.

Ainsi, Le dinar algérien tient donc grâce aux réserves de change via les hydrocarbures. Toute baisse des réserves de change entraine automatiquement une dévaluation rampante du dinar à l’instar de bon nombre de pays pétroliers à fortes population, les USA ayant malgré leur importante production ayant  une économie très diversifiée où la part des hydrocarbures dans le PIB est relativement faible. Si demain les réserves de change algériens tendaient vers zéro, le gouvernement serait contraint à une très forte dévaluation pour 200 dinars un euro et sur le marché parallèle l’échange se ferait à 250 dinars un euro.

 

3.-L’inflation étant la résultante, cela renforce la défiance vis à vis du dinar algérien où le cours officiel administré se trouve déconnecté par rapport au cours du marché parallèle qui traduit le cours du marché dépassant 180 dinars un euro. Tout en précisant, idem pour le taux de croissance et le calcul du taux de chômage que le taux d’inflation se calcule par rapport à la période précédente. Ainsi, et un taux d’inflation faible par rapport à un taux d’inflation de la période précédente donne un taux cumulé élevé. Car il faut se méfier d’un indice global. L’analyse objective de l’inflation doit relier le processus d’accumulation, la répartition du revenu et le modèle de consommation par couches sociales afin de déterminer la politique salariale protégeant les plus démunis, mais en évitant un nivellement par le bas, facteur de démobilisation.

Le taux d’inflation officiel entre 1989 et décembre  2016 a été le suivant : 17 87% en 1989 ; 25 88% en 1991 ; un pic de 31,68% en 1992 ; 21,9% en 1995 ; 5% en 1998. En 1999 : 4/2% ; en 2000 : 2% ; 2001 et 2002 : 3% ; en 2003 : 3,5% ; en 2004 : 3,1% ; en 2005 1,9% ; en 2006 : 3% ; en 2007 : 3,5% ; en 2008 : 4,5% en 2009, 5,7% en 2010, 5% ; en 2011, 4,5%, en 2012, 8,9%, en 2013, 3,3%, en 2014, 2,9%, en 2015, 4,8% et en  décembre 2016, 6,4%. Sans les subventions, mal ciblées et mal gérées, le plus pauvre bénéficiant autant que le riche, et facilitant le trafic aux frontières, l’Algérie étant un des plus gros importateurs au monde de céréales, grâce aux hydrocarbures, le taux d’inflation serait beaucoup plus élevé que le taux officiel. La perception de l’inflation est différente d’un ménage qui perçoit le SNMG consacrant plus de 70% de son modeste revenu aux produits de première nécessité que celui qui perçoit 500 000 DA net par mois.  L’inflation accélère la concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière au détriment des profits productifs et des revenus fixes avec la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité pouvant conduire, non maîtrisée, à une déflagration sociale et politique. Aussi, une interrogation s’impose : comment est-ce qu’un Algérien, qui vit au SNMG (200-250 euros par mois alors que le kilo de viande est de 10 euros) fait face aux dépenses incontournables : alimentation, transport, santé, éducation ? La cellule familiale, paradoxalement, avec la crise du logement (même marmite, même charges) et la sphère informelle jouent comme soupape de sécurité temporairement. 

Pour se prémunir contre cette dépréciation qui engendre inéluctablement l’inflation, et donc la détérioration du dinar algérien, l’Algérien ne place pas seulement ses actifs dans le foncier, l’immobilier ou l’or, mais une partie de l’épargne est placée dans les devises. C’est un choix de sécurité dans un pays où l’évolution des prix pétroliers est décisive.

 

4.-. La valeur d’une monnaie  est fonction de la confiance et d’une économie productive. L’économie algérienne étant une économie fondamentalement rentière, contredisant les lois élémentaires de l’économie où toute dévaluation en principe devrait dynamiser les exportations. En Algérie le dérapage du dinar a produit l’effet contraire montrant que le blocage est d’ordre systémique. L’économie du pays est  dépendante des hydrocarbures à 98% des exportations et important 70/75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15%. La valeur réelle de la monnaie, n’est qu’un signe, un moyen d’échange, les tribus d’Australie utilisaient les barres de sel comme monnaie d’échange, où nous sommes ensuite passés de la monnaie métallique, aux billets de banques, puis aux chèques et ensuite à la monnaie électronique. Thésauriser ne crée pas de valeur. C’est le travail par l’innovation continue, s’adaptant à ce monde de plus en plus interdépendant, turbulent et en perpétuel bouleversement qui est la source de la richesse d’une Nation. La valeur de la monnaie dépend de la confiance en le devenir de l’économie et du politique, de la production et de la productivité, comme nous l’ont montré les analyses des classiques de l’économie sur  » la valeur ».

Paradoxe pour l’Algérie, contredisant les règles économiques élémentaires, lorsque le cours du dollar est en hausse et le cours de l’euro baisse, la Banque d’Algérie dérape pour des raisons politiques à la fois le dinar par rapport tant au dollar que vis-à-vis de l’euro alors que le dinar dans une véritable économie de marché devait s’apprécier par rapport à la monnaie dont la valeur baisse au niveau du marché international. Pourquoi cet artifice comptable ? La raison essentielle est qu’en dévaluant le dinar par rapport au dollar, nous aurons une augmentation artificielle de la fiscalité des hydrocarbures qui fluctue, en fonction des cours, traduisant le fondement d’une économie rentière. Car les recettes des hydrocarbures sont reconverties en dinars, passant par exemple de 70 dinars à 100 dinars un dollar actuellement. Il en est de même pour les importations libellées en monnaies étrangères, les taxes douanières se calculant sur la partie en dinars, cette dévaluation accélérant l’inflation intérieure. Le dérapage du dinar par rapport à l’euro et au dollar gonfle tant la fiscalité hydrocarbures que la fiscalité ordinaire (importation en euros) et donc voile l’importance du déficit budgétaire, l’efficacité réelle du budget de l’Etat à travers la dépense publique et a gonflé artificiellement par le passé le Fonds de régulation des recettes calculé en dinars algériens.

Selon le récent rapport présenté par le gouverneur de la banque d’Algérie, le solde global du Trésor s’est détérioré en 2015 pour atteindre un déficit record de 2 621 milliards de dinars, soit 15,8% du produit intérieur brut, qui a été   financé essentiellement par les prélèvements sur l’encours du Fonds de régulation des recettes. Cet encours qui était 4 480 milliards de dinars en 2014 s’était établi à 2 000 milliards de dinars à fin 2015, soit une diminution de 53% en une année et s’est épuisé fin 2016, ramenant  le Fonds de régulation des recettes (FRR) à son  solde minimum obligatoire   fixé à 740 milliards de DA et qui a été supprimé à la faveur de la loi de finances 2017 pour permettre au gouvernement de faire face au resserrement financier de l’Etat et à l’incertitude sur l’évolution du marché pétrolier.  Le rapport de la banque d’Algérie montre clairement et objectivement, chiffrées à l’appui,  l’impact très mitigé comme je le soulignais il y a cela plusieurs mois déjà, tant  l’opération, qui consistait  en une taxation forfaitaire libératoire au taux de 7%  et l’emprunt  obligataire  afin de drainer la masse monétaire au niveau de la sphère informelle dont l’essence  réside dans les dysfonctionnements des différentes structures de l’Etat qui fausse les règles du marché ce qui contraint les ménages et opérateurs à contourner les lois et les règlements.  

 

5.-En résumé, le taux de croissance, le taux d’emploi, via la dépense publique, le niveau des réserves de change la valeur, la valeur du dinar algérien dinar, est fonction directement et indirectement à plus de 70% de la rente des hydrocarbures, qui représente avec les dérivées plus de 97% des exportations en devises. De ce fait, tenant compte de la structure démographique, et  des structures futurs du taux de croissance qui détermine  la création d’emplois à valeur ajoutée,  afin d’éviter des tensions sociales, d’où l’importance d’une transparence dans les décisions  et d’un discours de vérité  pour éviter des trajectoires utopiques de la future politique économique. A l’avenir,  le véritable nationalisme se mesurera quant à la capacité de toutes les Algériennes et Algériens, sans exclusive, à contribuer à la valeur ajoutée interne loin des aléas de la rente éphémère. C’est la condition de l’amélioration de la cotation du dinar algérien, loin des mesures techniques conjoncturelles inefficaces et donc favoriser un développement durable à la portée de l’Algérie dans le cadre de la mondialisation, loin des utopies néfastes. [email protected]

 

(*) Professeur des Universités, expert international

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