Critiquée, vilipendée et traînée en prison après sa rencontre secrète avec Saïd Bouteflika et le général Toufik, Louiza Hanoune est aujourd’hui libre. Elle se bat pour rétablir sa vérité. Elle a choisi l’émission Bezzaf sur Radio M, pour s’expliquer.
Une date, le 27 mars 2019 et lieu, une résidence de la présidence. Autour de la table: Saîd Bouteflika, conseiller de l’ex-président de la République, le général à la retraite Mohamed Mediene dit Toufik et Louiza Hanoune. Une rencontre qui va faire couler beaucoup d’encre, alors que des millions d’algériens sont dans la rue pour demander le départ de tout le système et qui va coûter à la leader du Parti des Travailleurs (PT) neuf mois de prison pour « complot ayant pour but de porter atteinte à l’autorité du commandant d’une formation militaire » puni par l’article 284 du code de justice militaire et « complot pour changer le régime », un acte prévu et puni par l’article 77 du code pénal. Des charges qui seront abandonnées par la justice militaire.
« Pourquoi pas »
Malgré les critiques Louiza Hanoune reste persuadée de la justesse de sa démarche à ce moment-là, alors même que beaucoup l’ont accusé au mieux de naïveté « Il fallait tenter par tous les moyens d’empêcher qu’il y ait une dérive. Je voyais bien que l’entourage et la famille était aux abois, alors que le chef d’Etat-major avait annoncé la couleur », a-t-elle expliqué au micro de l’émission Bezzaf sur Radio M et d’ajouter « C’était la course contre la montre pour éviter un coup de force »
« En réalité on n’était pas sur la même longueur d’onde, dès le départ. Si moi je militais pour une assemblée constituante, Said et Toufik cherchaient une personnalité pour assurer une transition de six mois, le temps de préparer de vraies élections. Plusieurs noms ont été avancés, avant qu’ils ne s’accordent sur celui de Lamine Zeroual » raconte Louiza Hanoune.
Un choix qui n’est pas anodin, car l’ancien président est respecté par « le peuple et par les militaires. ». Mais comment expliquer le revirement de l’ex-président après la diffusion d’un communiqué, alors que le général Toufik a affirmé devant les juges qu’il n’était pas contre la proposition, au départ?
« Toufik a affirmé devant les juges militaires, et à l’intérieur du tribunal militaire qu’il avait pris attache avec Zeroual pour lui proposer le rôle d’assumer la transition, et l’ex président a répondu: pourquoi pas », révèle Louiza Hanoune.
« Il n y aura pas de 5ème mandat »
Rebobinons en compagnie de Louiza Hanoune le film de l’histoire pour comprendre ce qui s’est passé au sein de la famille et du sérail politique autour du cinquième mandat.
Dès 2018, Louisa Hanooune avait le sentiment qu’il n’y aurait pas de 5ème mandat pour le président. « Jusqu’au mois de novembre 2018, le frère affirmait qu’un nouveau mandat était impossible, estimant que le quatrième mandat a été ingérable. » Même tonalité chez la soeur du président qui dès septembre 2017 refusait d’envisager un autre mandat du président. « On a hâte que ce mandat se termine pour qu’il se repose. Il n y aura pas de 5ème mandat », affirmait-elle, selon Louisa Hanoune. «
La famille Bouteflika va changer d’attitude et dès la mi-janvier les choses vont basculer avec « l’intervention d’autres acteurs politiques et économiques qui vont peser pour maintenir le statu quo et peser pour un autre mandat » raconte la leader du PT et d’ajouter « j’ai dit au frère du président qu’il allait faire sortir son frère par le trou de la serrure. »
A l’époque plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer le revirement de la famille en faveur d’une nouvelle candidature de Bouteflika. L’une d’elle affirmait que les Bouteflika n’avaient pas trouvé une personnalité capable de leur assurer l’immunité totale. Une hypothèse que confirme Louiza Hanoune au micro de Bezzaf sur Radio M « Saïd m’a appelé pour me dire qu’il n’avait pas trouvé un candidat pour remplacer son frère », a-t-elle reconnu, alors que plusieurs noms circulaient dès 2013 comme possibles successeurs. « Lors d’une entrevue avec le président en 2013, il m’avait dis qu’il savait que Hamel et Ahmed Gaïd Salah avaient de l’ambition », confie Louiza Hanoune
« Qui était le chef ? »
En Algérie où la question du pouvoir reste pendante, un courant de la sociologie politique algérien juge que la réalité du pouvoir est entre les mains de l’armée populaire nationale et au sein de l’ANP la réalité du pouvoir politique est entre les mains du DRS (ex-direction du renseignement), alors qu’un autre courant penche plutôt pour un pouvoir au main du président, une fois qu’il est élu. Pour Louiza Hanoune, « jusqu’en 2013, il me semblait que Abdelaziz Bouteflika avait récupéré le pouvoir. Mais avec son état de santé, je pense que l’équilibre a basculé », analyse la leader du PT. En faveur de qui? « de l’Etat-Major », ajoute-t-elle.
La leader du PT veut rester fidèle à ses conviction révolutionnaires, d’autant qu’elle juge que le système actuel est aux abois. « Il est fini. Il faut qu’il parte », affirme-telle. Mais les mêmes convictions révolutionnaires seront-elles suffisants face au risque de voir une partie de la classe politique rejoindre un nouveau processus institutionnel mis en place pour mieux diluer les solutions de fin de système ? « On n’est pas dans la même situation d’avant le 22 février 2019. Par la contrainte les manifestations sont suspendues par décision politique, mais ça reprend » affirme Mme Hanoune qui juge le retour des manifestations inévitables face « à une situation socioéconomique intenable ».