Kheireddine Zetchi est le nouveau président de la Fédération Algérienne de Football. se prévalant d’un profil qui tranche avec le monde du football, il était candidat unique, grâce à un concours de circonstances miraculeux !
Kheireddine Zetchi, président du Paradou Athletic Club (PAC), a été élu lundi 20 mars à la tête de la Fédération Algérienne de Football (FAF). Sur un total de 103 votants, il a obtenu 64 voix, ce qui lui donne une majorité confortable, alors que 35 membres de cette Assemblée générale élective très particulière ont voté contre lui.
Mais l’avènement de Zetchi à ce poste très convoité où il succède à Mohamed Raouraoua, qui n’a pas brigué un quatrième mandat, a surtout valu par les circonstances incroyables qui ont entouré le vote.
Une controverse avec le ministre de la jeunesse et des sports faisant planer une possible intervention de la FIFA, un report de l’Assemblée élective puis l’annulation du report, et une élection avec un candidat unique en 2017 alors que de nombreux postulants attendaient leur heure : tous les ingrédients d’une «élection à l’algérienne» étaient réunis, pour entacher l’avènement d’un homme qui avait pourtant un excellent profil pour diriger le football algérien.
«Il est légitime, crédible, il a un parcours sérieux », commente l’auteur de plusieurs livres sur le football algérien. « Pourtant, son élection s’est faite dans un cafouillage regrettable ».
Un profil nouveau
Kheireddine Zetchi a créé un centre de formation de football. Très cotée, l’école du Paradou lui a déjà permis de former plusieurs joueurs qui ont entamé une carrière honorable, comme Ramy Bensbaïni, qui joue dans le club français de Rennes. Dans le même temps, Kheireddine Zetchi, lui-même fils de footballeur, préside le Paradou Athletic Club (PAC), club d’un tout petit quartier chic des hauteurs d’Alger.
Le club, très discret, puise abondamment dans le centre de formation. Résultat : le PAC, leader incontesté de la seconde division (Ligue 2 Mobilis), est assuré de monter en première division cette année.
Ce choix pour l’investissement dans la formation et l’encadrement de jeunes talents a donné à Kheireddine Zetchi une véritable légitimité. Il a monté un projet, et il a réussi à démontrer qu’il était viable, avec des moyens modestes, alors que de grands clubs algériens connaissent des moments difficiles malgré des moyens conséquents.
Son profil en fait même le contre-exemple de ce qui se fait actuellement dans le football algérien : rigueur, méthode, sérieux, cohérence. Il est l’opposé de présidents comme le sulfureux Omar Ghrib du Mouloudia d’Alger, ou le fantasque Mohand Cherif Hannachi, de la JS Kabylie, qui a déjà évacué une quarantaine d’entraineurs.
Interrogations
Zetchi ne pouvait cependant prendre la tête de la FAF sans un accord du pouvoir politique. Son élection a même été un modèle du genre : il était candidat officiel unique alors que le poste est très prisé. Impossible que ce soit un simple concours de circonstances.
Qu’ils soient de connivence, ou que ce soit le résultat d’un malentendu, les deux hommes forts du football algérien, le ministre de la jeunesse et des sports El-Hadi Ould-Ali, et le l’ancien président de la FAF, le puissant Mohamed Raouraoua, ont agi de concert pour lui déblayer le terrain.
Le résultat est miraculeux : il n’y avait pas de candidature rivale. Mohamed Raouraoua a fait planer le doute sur sa candidature jusqu’à la dernière minute. Personne ne pouvait se porter candidat contre lui, car il incarne le pouvoir dans le football algérien.
Ses rivaux ont attendu qu’il se prononce, jusqu’au dernier jour. Un seul candidat, le président de Chlef, Abdelkrim Medouar, a tenté de présenter une liste quand il a compris que Raouraoua n’était pas partant. La liste de M. Medouar, déposée dans les ultimes minutes réglementaires, a été invalidée.
Ultimes tentatives
Des responsables de la FAF ont ensuite tenté d’interférer dans cette opération, menée de main maitre. Ali Baâmar, le patron de la Ligue régionale d’Ouargla, président de l’assemblée électorale, a voulu reporter l’élection, en s’appuyant sur des clauses règlementaires.
Hors de question, lui a-t-on rétorqué. Au risque de provoquer une réaction de la FIFA, très pointilleuse sur l’intervention des gouvernements dans les affaires internes des fédérations de football, le ministère de la jeunesse et des sports a fait le forcing pour organiser le vote dans cette conjoncture extrêmement favorable.
Des candidats virtuels ont aussi voulu prolonger le délai de dépôt de candidature, lorsqu’ils ont constaté que Raouraoua était fini. Ils n’y ont pas cru au moment opportun. Seul Zetchi semblait convaincu de sa bonne étoile. Coup de chance, ou bien était-il le mieux informé, et donc le candidat adoubé par le gouvernement ?
En football comme en politique, il est difficile de savoir où se situent les vrais centres de décision. Mais il y a un signe qui ne trompe pas : l’équipe de Kheireddine Zetchi comprenait Rebouh Haddad, frère de Ali Haddad, président de l’USM Alger, président du Forum des Chefs d’entreprises (FCE) et membre du premier cercle du président Abdelaziz Bouteflika.
Urgences
Mohamed Raouraoua a-t-il été lâché ? C’est la grande question. L’ancien président de la FAF n’avait pas réussi à se faire réélire au comité exécutif de la Confédération Africaine de Football (CAF), où, comble de l’humiliation, il a été battu par un rival marocain. Un ses meilleurs ennemis, Issa Hayatou, a été également débarqué de la présidence de la CAF.
Cela peut signifier que la FIFA est en train de solder l’ère Blatter-Hayatou-Raouraoua, ce qui ouvrirait de nouvelles perspectives pour le nouveau président de la FAF. Celui-ci risque d’être rapidement rattrapé par les urgences. Nommer un nouvel entraineur de l’équipe nationale. Raouraou n’avait pas pris d’initiative dans ce domaine, signe qu’il était partant. Ses rivaux n’avaient pas compris.
Mais Zetchi devra d’abord affirmer son identité : présenter un projet cohérent, et tenir face aux puissants présidents de clubs, qui répondent largement au même profil : des hommes aux confluences du sport, de l’argent et de la politique, pour qui les clubs de foot constituent d’abord un marchepied pour intégrer les mondes très imbriqués des affaires et du pouvoir.