Le bras de fer sur la retraite proportionnelle entre les syndicats autonomes de la fonction publique et le gouvernement s’est doublé, mardi 18 octobre, premier jour de grève, d’une bataille sur les chiffres de la participation.
Dans le secteur de l’éducation où les syndicats et les personnels sont très impliqués pour la défense de la retraite proportionnelle, l’inspecteur général du ministère de l’éducation, Nedjadi Messeguem a affirmé que le taux de participation au premier jour n’a pas dépassé 21%.
Un écart fulgurant avec les chiffres donnés par les syndicats autonomes qui se félicitaient de la mobilisation des personnels pour la défense de la retraite proportionnelle.
La coordination des lycées d’Algérie a publié un tableau détaillé du taux de participation dans toutes les wilayas donne une chiffre national de 68,76%. Cette participation des travailleurs de l’éducation est un « cri » face aux « injustices » et à la persistance du gouvernement de « remettre en cause leurs acquis ».
La colère des enseignants
Selon le tableau du CLA, le plus fort taux de participation dans le secteur de l’éducation a été enregistré à Biskra, Tlemcen et Oran avec 85%, le plus faible à Tissemsilt avec 40%. Alger-Est a enregistré 75%, Alger-centre 70% et Alger Ouest 80%.
La cellule de suivi de la coordination des syndicats autonomes de l’Education nationale (CNAPEST, CELA, SNAPEST, UNPEF, SNTE, SATEF, SNAPEP), des praticiens de santé publique (SNPSP, SNAPSY, SAP), vétérinaires (SNVFAP), formation professionnelle (SNTFP), les corps communs et l’administration publique (SAFAP, SNCCPES) estimait le taux de participation global à plus de 70%.
Dans le secteur de la sante, le président du SNPSP, Lyes Merabet donne une participation moyenne de 72% et affiché sa satisfaction pour la participation à un « mouvement salutaire pour l’avenir des droits des travailleurs en Algérie ».
Des représentants de la coordination syndicale devraient être reçus aujourd’hui au niveau de la Commission de la santé, des affaires sociales, du travail et de la formation professionnelle de l’APN qui examine actuellement le projet de code du travail.
La commission a déjà entendu le ministre du travail, Mohamed El Ghazi et le secrétaire général de l’UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd. Les syndicats autonomes qui contestent chaque année le monopole octroyé par le gouvernement à l’UGTA pour représenter le monde du travail à la tripartite.
« La retraite proportionnelle est une perspective qui m’empêche de devenir folle en me disant que je pourrais y recourir. Là, ils veulent nous priver d’une possibilité à laquelle on ne comptait pas forcément y recourir » nous déclare une enseignante.
Elle fait partie des milliers d’enseignants qui se sont empressés de déposer leur dossier avant la date butoir du 31 octobre. Elle assure que tous ses collègues partagent sa colère face à la décision du gouvernement de s’attaquer à la retraite proportionnelle.
Les chiffres des dossiers de départs à la retraite varient entre 40.000 et 65.000. Sans surprise, c’est dans le secteur de l’éducation que l’on enregistre le grand rush.
Souvenir de l’ajustement structurel
Techniquement, même si le gouvernement parvient à remplacer ces départs – ce qui reste très incertain – ces départs à la retraite vont aggraver dans l’immédiat la situation de la caisse de la retraite. Elle devra payer ces nouveaux retraités qui vont des cotisants en moins.
Si la centrale UGTA affirme soutenir la révision au nom de « l’intérêt du pays », ainsi que l’a affirmé Amar Takjout, de la Fédération des travailleurs du textile et du cuir, les syndicats autonomes refusent que les travailleurs soient une fois de plus la variable d’ajustement sur laquelle agit le gouvernement avec le soutien du patronat et du gouvernement.
Pour rappel, l’instauration de la retraite anticipée date de 1994 et a servi à mettre en œuvre des compressions d’effectifs pour raison économique dans le cadre de l’ajustement structurel.
Des dizaines de milliers d’emplois ont détruits avec fermeture d’entreprise, la mise en retraite anticipée n’était pas un choix du travailleur, mais une décision de l’employeur qu’il ne pouvait refuser. La retraite proportionnelle et sans condition d’âge a été institué en 1997.
L’un des effets pervers de l’imposition de cette loi est qu’elle entrainé un désencadrement massif, les meilleurs quittant les administrations et les entreprises publiques pour se reconvertir dans le privé ou aller s’établir à l’étranger.
Les salariés ont été à travers ces dispositions la variable d’ajustement dans le milieu des années 90 et ils l’ont payé cher. Aujourd’hui, ils refusent que l’on revienne sur ce qu’ils considèrent comme un acquis.
Un pays où l’on ne prête qu’aux riches
Pour les syndicats, la situation financière de la Caisse des retraites ne doit pas justifier la solution « facile » qui consiste à faire payer les salariés, « éternels otages » du gouvernement. D’autres solutions existent pour renflouer la caisse des retraites.
On évoque ainsi les centaines de milliers de travailleurs non-déclarés et donc qui ne cotisent pas, sans compter les fausses déclarations des employeurs. Le comble pour les syndicats autonomes est que cette remise en cause de la retraite proportionnelle a été annoncée en premier par Ali Haddad, patron du Forum des chefs d’entreprises (FCE).
C’est comme si l’on confirmait que « dans ce pays on ne prête qu’aux riches » et que les salariés sont la « solution » quand les choses vont mal, note l’enseignante qui ne veut pas « devenir folle ».