« Si nous cédions à la rue et à la CGT, parce que nous serions obsédés à court terme par (les élections de) 2017, il ne resterait plus rien », a déclaré le Premier ministre Manuel Valls qui a, néanmoins, repris langue avec l’ensemble des leaders syndicaux, qu’ils a appelés samedi, y compris le numéro un de la CGT Philippe Martinez.
L’épreuve de force autour du projet de réforme du code du travail entre cette semaine dans une phase décisive, après le retour du G7 ce week-end de François Hollande, pressé de toutes parts de trancher le nœud gordien de la loi El Khomri.
Manuel Valls promet d’aller « jusqu’au bout » sur ce texte et paraît miser sur l’essoufflement de la crise sociale la plus dure du quinquennat, qui menace la reprise économique française.
« Nous sommes dans un moment crucial », dit-il au Journal du dimanche. « C’est l’idée même de réforme qui se joue. Il s’agit d’une clarification dans le syndicalisme, d’une clarification à gauche, d’une clarification dans la société française », ajoute celui qui dit ne pas vouloir rejoindre « la longue liste des (…) politiques qui ont renoncé face à un mouvement social ».
« Si nous cédions à la rue et à la CGT, parce que nous serions obsédés à court terme par (les élections de) 2017, il ne resterait plus rien », fait-il valoir.
Le Premier ministre a néanmoins repris langue avec l’ensemble des leaders syndicaux, qu’il a appelés samedi, y compris le numéro un de la CGT Philippe Martinez.
« C’est la preuve que rien n’est absolument terminé, ils continuent à discuter », a noté le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll sur France 3, tout en réitérant la position du gouvernement : « pas de retrait du texte et (pas) de remise en cause de l’article 2 », qui affirme la primauté des accords d’entreprises sur les accords conclus dans les branches professionnelles et les conventions nationales.
Pour Philippe Martinez, qui souligne que la grève n’est « pas du tout finie » et appelle François Hollande à reprendre « tout à zéro » avec les partenaires sociaux, la balle est dans le camp du gouvernement.
« Le fait que le Premier ministre daigne appeler le porte-parole de la première organisation syndicale française plutôt que de le dénigrer, c’est plutôt un bon signe », a-t-il toutefois reconnu sur BFM TV.
« Méthode douce »
Jusqu’ici, le chef de l’Etat a soutenu la même ligne que le Premier ministre et les deux hommes se sont parlé samedi pour s’assurer que c’était toujours le cas, dit-on de source gouvernementale. Manuel Valls s’est aussi assuré de la coopération des acteurs de l’industrie pétrolière pour atténuer l’impact des grèves dans ce secteur.
Mais à l’approche du coup d’envoi de l’Euro de football, le 10 juin, un flottement est perceptible au sein du gouvernement comme dans la majorité ou sur ses marges.
Le ministre des Finances, Michel Sapin, confiait vendredi que « le premier devoir, c’est la fermeté ». Mais il est de ceux qui ont évoqué une éventuelle réécriture de l’article 2, le plus contesté.
Une cinquantaine de députés de gauche ont demandé vendredi à François Hollande de reprendre le dialogue avec l’ensemble des syndicats afin de trouver une sortie de crise.
Le député socialiste Jean-Marc Germain, proche de la maire de Lille Martine Aubry, a proposé une autre porte de sortie : que Manuel Valls s’engage à ne pas recourir à l’article 49-3 de la Constitution quand le texte reviendra en juillet en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
La « méthode douce » consistant à laisser le Parlement procéder aux amendements susceptibles de rallier une majorité et de calmer la rue ne tente pas seulement l’aile gauche du PS.
C’est au mot près ce que propose un membre du gouvernement. Pour ce ministre, s’obstiner n’est pas tenable : « Si l’Euro est perturbé devant les caméras du monde entier, vous détruisez l’image de la France pour 50 ans », dit-il.
De nouvelles mobilisations prévues
Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, s’est voulu rassurant dimanche. « Il n’y aura pas de grèves de train et de métro » pendant l’Euro, a-t-il assuré dans « Le Grand Jury » RTL-Le Figaro-LCI. « Je connais les responsables de la CGT, je ne peux pas croire une seule seconde qu’ils prennent en otage la France » à ce moment-là, a-t-il ajouté.
Une source gouvernementale reconnaît la difficulté de trouver une « voie médiane » dans ce conflit. « L’engagement de ne pas utiliser le 49-3 est très difficile à prendre », estime-t-elle. « Le désir de compromis ne doit pas conduire à tout brouiller. »
Dès lundi, de nouvelles mobilisations sont prévues, avec un « temps fort en milieu de semaine », a annoncé Philippe Martinez.
La fédération FO des transports menace de perturber les transports dans les villes-hôtes de l’Euro et doit se coordonner lundi avec son homologue de la CGT. Quatre raffineries sont toujours à l’arrêt et deux en débit réduit.
La CGT a déposé un préavis de grève pour les 3, 4 et 5 juin dans l’aviation civile. Des préavis de grève reconductible ont été déposés pour le milieu de la semaine prochaine à la SNCF, où les négociations sur une nouvelle organisation du travail piétinent.
Mais paradoxalement, c’est peut-être là que réside une des pistes les plus sérieuses de sortie de crise, à en croire un intime de François Hollande cité par le Journal du Dimanche. « La CGT sait qu’elle n’obtiendra pas le retrait de la loi, mais il faut qu’ils obtiennent des choses dans d’autres secteurs », dit-il, citant la SNCF, la RATP, Air France ou l’aviation civile.
Une piste également évoquée dimanche par Jean-Christophe Cambadélis. « Je pense que dans le moment présent, il faut de la fermeté, mais pas de fermeture », a-t-il dit. « Après, quand le moment sera venu, au moment du débat parlementaire (…) il faudra éclairer sans dénaturer. »